Un « fléau » pour camoufler un désert (20/11/2023)

Dans son édition des 18 et 19 novembre, Ouest-France précise que chaque année, 28 millions de créneaux médicaux sont gâchés par des rendez-vous auxquels les patients ne se présentent pas. Pour lutter contre ce « fléau », le Sénat a adopté un amendement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Son objet ? Il prévoit la création d’une somme forfaitaire à la charge des assurés n’honorant pas un rendez-vous médical…

Que des patients manquent de sérieux, c’est certainement vrai. Par contre, une part de désinvolture n’est-elle pas une conséquence de la « mal-traitance » que constitue la difficulté d’accès aux soins consécutive à l’impossibilité de trouver un praticien (cf. dentiste par exemple) et/ou consécutive à la prise d’un rendez-vous à plus de six mois ? Dès lors, est-il vraiment pertinent de « punir » des patients consécutivement à un dysfonctionnement qui n’est pas de leur responsabilité ? Des patients qui, entre le moment où ils ont pris un rendez-vous et le jour même de celui-ci, ont pu oublier, en toute bonne foi, être hospitalisés, voire sont peut-être décédés…

Pouvoir prendre un rendez-vous médical en ligne, c’est bien, mais encore une fois cela défavorise ceux qui ne sont pas équipés et/ou ceux qui peinent à décoder les subtilités de telle ou telle application. Même quand on maîtrise tous les codes du langage informatique, la prise d’un rendez-vous médical peut vite tourner au « parcours du combattant ». Et une fois que vous avez pris un rendez-vous en ligne, avez-vous essayé de le modifier ? Là aussi, cela peut s’avérer très complexe !

On peut toujours téléphoner à l’établissement de santé concerné, ou au cabinet médical, mais encore faut-il pouvoir accéder à un interlocuteur ! On se doute que les applications de prises de rendez-vous en ligne ne vont pas de pair avec une augmentation du personnel ayant comme mission l’accueil et l’information des patients…

Pénaliser les abus, c’est une chose ; s’attaquer au problème de fond – celui du manque de professionnels de santé –, en est une autre !

 

Avec l’espoir que la municipalité ait raison… Centre-ville de Laval, commerce et circulation automobile (14/11/2022)

Le lundi 7 novembre 2022, la ville de Laval a mis en place un nouveau plan de circulation en centre-ville. Faute probablement d’avoir suffisamment communiqué sur les buts visés, faute sans doute également d’avoir suffisamment associé les acteurs de la société civile et la population au projet, force est de constater que l’initiative ne suscite guère l’enthousiasme.

On veut espérer que la municipalité maîtrise son dossier et que le grand désordre observé les premiers jours s’estompe quand les usagers se seront approprié le nouveau plan de circulation. Tout de même, les questions fusent… Les langues se délient… Pour quelles raisons a-t-on voulu tout bousculer – sachant que, sociologiquement, le changement fait peur et suscite de la résistance ? Pour quelles raisons tout changer alors que finalement, jusqu’à présent, la circulation était fluide et qu’on trouvait assez facilement à stationner son véhicule ? Pour quelle raison faire cela maintenant, à seulement un mois et demi des fêtes de fin d’année, et alors que le commerce est un secteur fragilisé par la crise ?

C’est sûr, si la circulation automobile ne s’améliore pas rapidement, la clientèle habituelle des commerces, au mieux va restreindre ses déplacements en centre-ville, au pire ira ailleurs, en l’occurrence dans les commerces en périphérie ou les plus grandes villes des départements voisins.

On ne peut pas croire que la municipalité lavalloise veuille la mort du commerce en centre-ville. Par contre, il n’est pas impossible que des élus locaux veuillent participer à la lutte contre le réchauffement climatique en voulant interdire le plus possible la circulation automobile en agglomération. Cependant, on ne change pas du jour au lendemain des habitudes qui sont ancrées depuis de nombreuses décennies ! Pari risqué donc… Tout le monde n’est pas prêt à laisser sa voiture en périphérie et à venir au centre-ville en bus ou en… trottinette !

Sans oublier que Laval est confrontée à une contrainte physique : une rivière et des ponts, mais forcément en nombre réduit – ce qui complexifie les possibilités de cohabitation des différents modes de transport. Sans oublier un dénivelé qui permet une marche sportive, mais peut dissuader les moins sportifs. Et puis, Laval dispose d’un patrimoine architectural riche, mais pas au point de devenir un pôle majeur d’attractivité pour les touristes et de créer une vaste zone de « mobilité douce ». Le centre-ville peut-il vivre si la voiture y est interdite ou du moins n’y est pas bienvenue du tout ? Problème : les automobilistes sont aussi des consommateurs. Accessoirement des électeurs…

 

Guillaume Garot n’a sûrement pas tort… (31/10/2022)

Dans Le Monde du 29 octobre 2022, Sandrine Cassini analyse les motions de censure (1) déposées par la Nouvelle Union populaire et sociale (Nupes) et l’impact qu’elles peuvent avoir auprès des électeurs et à l’intérieur même de la coalition. À l’instar de Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône, on peut penser que le recours systématique aux motions de censure risque de banaliser leur usage et de devenir contre-productif.

Le problème devient aigu quand les députés du Rassemblement national (RN) se joignent à ceux de la Nupes pour voter une motion de censure et ainsi renverser le gouvernement. Peut-on se féliciter d’attirer les voix de l’extrême droite ?

Combien de temps peut encore durer une telle Nupes ? Sur fond d’élections internes notamment au Parti socialiste (janvier 2023), les députés les plus mal à l’aise à la Nupes risquent effectivement de prendre leurs distances avec La France insoumise (LFI). « Les électeurs n’apprécient pas les comportements jusqu’au-boutistes et outranciers » : c’est le député PS de la Mayenne, Guillaume Garot, qui s’exprime ainsi en évoquant ses partenaires d’extrême-gauche. La sénatrice PS de l’Oise, Laurence Rossignol, s’exprime dans le même sens. Elle se dit « choquée » pour l’appel au RN de voter ensemble contre la majorité : « La banalisation et la normalisation du RN ne profitent qu’au RN ».

Mais pendant ce temps, le fondateur de LFI, Jean-Luc Mélenchon, se voit Premier ministre en cas d’élections législatives anticipées… Si le risque est perçu comme étant réel, le scénario le plus crédible reste celui d’une France – « la patrie des droits de l'homme » – gouvernée par l’extrême droite…

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(1) – Les motions de censure dont il s’agit ici résultent de la décision du Premier ministre d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur tout ou partie d’un texte. Ce dernier est alors réputé adopté sans débat, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée. Discutée et votée, son adoption entraînerait la démission du gouvernement et le rejet du texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité. Ce cas ne s’est jamais produit depuis 1958.

 

La prudence est toujours de règle avec les sondages (13/09/2022)

Les 17 et 18 août 2022, l’Ifop a réalisé un sondage en ligne auprès d’un échantillon représentatif de 1 006 personnes. Ce sondage a été effectué pour Le Journal du dimanche. Il portait sur le regard qu’ont les Français sur l’insécurité et la délinquance. L’Ifop garantit respecter « fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l’enquête par sondage ».

Bien sûr ! Il n’empêche que l’hebdomadaire appartient au groupe Lagardère News, lequel a pour actionnaire majoritaire le groupe Vivendi, de Vincent Bolloré. Le groupe Vivendi détient notamment le groupe Canal+, lequel a pour filiale, entre autres, CNews (où a exercé Éric Zemmour, candidat à la présidentielle en 2022). De là à penser que l’Ifop – entreprise commerciale – n’a pas bénéficié d’une totale autonomie, il n’y a qu’un pas que nous n’osons pas franchir !

Ce sondage nous apprend que 42 % des Français ont le sentiment que la délinquance a beaucoup augmenté ces derniers mois. Le taux est de 79 % pour les Français déclarant avoir voté pour Éric Zemmour au premier tour de l’élection présidentielle. Mais combien de personnes ont-elles été interrogées pour aboutir à ce score ? Quelle marge d’erreur ?

Au premier tour de l’élection présidentielle, Éric Zemmour a obtenu 2 485 226 voix alors qu’il y avait 48 747 876 électeurs inscrits, soit 5,1 % Si l’on considère que les électeurs inscrits correspondent à la population interrogée pour le sondage, les résultats de celui-ci pour les Français ayant déclaré avoir voté pour Éric Zemmour porte sur : 1006 sondés x 5,1 % = 51 personnes. Les tables de marge d’erreur ne descendent pas en-dessous d’un échantillon de 100 pour ne pas tomber dans le piège de l’extrapolation. Si la taille de l’échantillon était de 100, soit le double, la marge d’erreur serait d’environ 8. Le « vrai » pourcentage oscillerait alors entre 71 % et 87 %... Mais nous n’avons pas cent personnes sondées, seulement une cinquantaine !

 

« V & B », comme « Vins et Bières », et… musiques actuelles
Un festival pour l’image, avec une complicité médiatique (01/09/2022)

Nous cherchons quels événements pourraient faire en sorte que le quotidien Ouest-France, dans son édition mayennaise, leur consacre plusieurs pleines pages, sur plusieurs éditions successives, avec des annonces à la une, également sur plusieurs éditions successives… Peut-être le Stade Lavallois en finale de la Coupe de France de football ? Autrefois, il y avait les courses hippiques de Craon, mais elles sont aujourd’hui renvoyées au rang des événements locaux sans forcément d’impact. Après, nous séchons…

Dès lors, la couverture par Ouest-France de la deuxième édition du festival de musiques actuelles, le V & B Fest’, organisé du 26 au 28 août à Château-Gontier-sur-Mayenne, nous laisse pantois. En un peu plus d’une semaine, du 23 au 31 août, le quotidien, y compris l’édition dominicale, a consacré à l’événement culturel pas moins de sept pleines pages en « Pays de la Loire / Mayenne », plus quatre photos couleurs à la une de quatre éditions successives, sans oublier des articles en dernière page du journal (toutes éditions), en rubrique « Culture », dans les pages « Sud-Mayenne », etc.

Certes, le V & B Fest’, nous dit-on, ce sont 25 000 entrées payantes sur chacun des trois jours, une programmation exceptionnelle de concerts, 1 500 bénévoles, quelque 200 techniciens, une équipe d’organisation d’une quarantaine de personnes… Ouest-France ne pouvait pas passer à côté, mais devait-il en faire autant, surtout au regard de ses pratiques habituelles de couverture de l’actualité ?

On peut répondre dans une perspective commerciale, mais aussi sur un plan éthique. Le V & B Fest’, c’est une organisation du groupe V & B, une entreprise qui vend de l’alcool. La consommation de l’alcool tue – faut-il le rappeler ? Pendant une semaine, Ouest-France ne s’est manifestement pas posé la question : aucun message lié à la prévention. Sur le site du festival, il n’y avait pourtant pas que des boissons non alcoolisées à disposition… Quelque 120 000 litres de bière écoulés pendant le festival, annonce le quotidien dans son édition du 31 août.

Sur son site Internet, le groupe V & B va jusqu’à soutenir son projet qui vise l’« addiction à la convivialité ». Le terme « addiction » peut réellement être ici vu comme une provocation gratuite à l’égard des addictologues et acteurs de la prévention en santé publique.

Parmi les nombreux articles consacrés au festival, on relève le portrait de Damien Jahier, « à la tête du V & B Fest’ », au « parcours atypique » (26 août, page « Culture »), et celui des deux patrons-fondateurs de V & B, Emmanuel Bouvet et Jean-Pierre Derouet, dont l’aventure est qualifiée comme étant « extraordinaire » (27 août, dernière page du journal). Bref, des sortes de « Guy Degrenne » mayennais (étant entendu que l’industriel normand était tout de même diplômé d’une école supérieure de commerce). Des parcours à vous émouvoir… De véritables héros partis de rien, ou presque, et qui incarnent la réussite professionnelle ! Grâce à l’alcool ?

À l’heure du bilan, Ouest-France ne tarit pas d’éloges sur le festival. C’est vrai, le journal n’a pas aimé la place réservée aux artistes féminines, ni une blague de Calogero sur le Stade Lavallois, ni la poussière… Mais dans son édition du 29 août, le quotidien ne revient même plus sur les problèmes de bouchons routiers (comme pour la première édition à Craon) ou sur les problèmes de réseaux saturés. Durant une semaine, Ouest-France a mis en avant la programmation, l’activité des bénévoles, l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, le souci écologique avec la « brigade verte » qui « traque les déchets », la satisfaction des hôteliers, ainsi que celle des exposants du « Village » installé sur le site, la convivialité régnant sur ce festival, et en particulier au camping… Par contre, aucun développement sur les caractéristiques du secteur d’activité économique dont relève V & B… ou sur les tonnes d’alcool vendues sur le site durant les trois jours du festival !

Pendant ce temps-là, à Vaiges, l’association L’Oriolet lance un appel aux dons pour sauver Les Diablintes : 45 000 euros à trouver pour combler le déficit du festival des 24 et 25 juin. « Nous n’avons pas l’assise financière d’une entreprise », constate l’association (Ouest-France du 27 août). Force est de reconnaître qu’on vend de l’alcool sur quasiment tous les festivals, mais les associations organisatrices ne vivent pas au quotidien du commerce de l’alcool...

 

La chaîne L’Équipe insulte l’Afrique… Entre autres ! (31/08/2022)

Mardi 30 août, à 17 h 30, tous les programmes de télévision annonçaient France-Cameroun sur la chaîne L’Équipe (TNT 21 – groupe Amaury). C’est du volley-ball. Ce sont les Championnats du monde…

C’est vrai, le Cameroun avait perdu ses deux premiers matchs de poule sans gagner une seule manche, contre la Slovénie tout d’abord, puis contre l’Allemagne : la France, championne olympique, ne pouvait que faire une bouchée des Camerounais.

Bref, la chaîne L’Équipe n’a diffusé que quelques très, très courtes séquences du match, surtout les fins de manche, et généralement après de cinq à sept minutes de publicités sans doute payées par des annonceurs qui espéraient un retour sur investissement du fait de la fascination que l’équipe de France suscite auprès du grand public. C’est raté pour eux !

La chaîne L’Équipe s’est moquée des passionnés de sport et de volley-ball en particulier. Elle a surtout insulté l’Afrique, le Cameroun, son équipe nationale.

Mais pour montrer quoi à la place ? Du vide : « L’équipe de Greg » – à savoir de l’ergotage, des chicaneries, des futilités, par exemple sur les mésaventures d’un Antoine Griezmann ou d’un Paul Pogba. Tout sauf du journalisme !

Il reste à espérer que les instances du volley-ball trouvent un accord avec une autre chaîne de télévision gratuite pour la retransmission de ses grandes compétitions internationales…

 

Des raccourcis qui ne doivent pas empêcher la réflexion et l’action (29/08/2022)

Dans un entretien de deux pages publié par les Actualités sociales hebdomadaires (ASH) n° 3271 du 26 août 2022, Gérard Brami annonce « la fin des Ehpad » (1) et un « désastre gérontologique ». Il est présenté comme docteur en droit, ancien directeur d’hôpital et d’Ehpad, auteur de La fin des Ehpad ? Réalités ignorées et vérités rejetées (éd. Vérone, février 2022). Nous ignorons si l’expert a validé la transcription de ses propos recueillis par Maxime Ricard (agence de presse Pixel6TM). Plusieurs éléments dans l’article nous posent problème…

1/ Gérard Brami recourt, à plusieurs reprises, à l’affaire Orpea pour étayer ses constats. L’affaire n’aurait jamais dû exister. Qu’un groupe privé à but lucratif investisse le secteur de la dépendance et/ou de la perte d’autonomie aurait dû susciter une plus grande vigilance de la part des pouvoirs publics, et sans doute un cadrage juridique. Cependant, généraliser la situation des Ehpad à partir des dérives d’Orpea nous apparaît injuste pour tous les établissements, privés ou publics, qui s’efforcent de faire humainement leur travail.

2/ Gérard Brami regrette que les contraintes en Ehpad soient trop importantes. Par exemple, « on oblige les résidents à prendre leurs repas en commun, on limite les heures de visite, on autorise le gestionnaire à aller et venir dans les chambres comme bon lui semble »… Mais non ! Pas du tout ! Tout cela renvoie à la formation des équipes de direction et au projet d’établissement… On va nous rétorquer le manque de personnel… Mais le manque de personnel résulte peut-être d’un projet d’établissement qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Un projet d’établissement insuffisamment collaboratif dans son élaboration, insuffisamment ambitieux et novateur… Si le personnel, les résidents et leurs proches ont participé à l’élaboration du projet d’établissement, chacun va y adhérer et on peut espérer une meilleure qualité de vie, y compris au travail, un accompagnement et une prise en soins adaptés, moins d’usure au niveau des professionnels, moins d’absentéisme et donc une répartition du travail satisfaisante, avec de l’entraide et de la solidarité si nécessaire. Pour la vie de tous les jours, on y ajoute un contrat de séjour personnalisé pour identifier l’accompagnement et les soins nécessaires au quotidien – sur lesquels l’établissement s’engage. On y ajoute un projet personnalisé pour répondre aux attentes un peu exceptionnelles du résident, de ses proches, et pour répondre à ses besoins. Et voilà plusieurs conditions remplies pour qu’un établissement ne rentre pas du tout dans le tableau que Gérard Brami dépeint.

3/ L’expert tombe dans la facilité en recourant à des données de sondage sans la source, l’année, la composition et la taille de l’échantillon, la technique utilisée, la question posée… Ainsi, Gérard Brami prend « pour preuve » que 80 % des Français rejettent le modèle des Ehpad. Parmi ceux qui ont répondu à ce sondage, combien peuvent décrire ce qu’est un Ehpad et combien sont déjà entrés dans un tel établissement ? Combien connaissent la différence entre un Ehpad, une résidence services, une résidence autonomie, de l’habitat alternatif, etc. ? Bref, on est sur une « représentation » : en soi, cela peut appeler des campagnes d’information, mais pas une totale remise en question du modèle des Ehpad.

4/ Dans le même sens, Gérard Brami conclut à la preuve d’un malaise à partir des sorties de résidents pour, soit retourner à domicile, soit aller dans un autre établissement. Mais en quoi est-ce un problème ? Retourner à domicile : c’est peut-être que l’établissement a parfaitement réalisé son travail et qu’un résident a retrouvé son autonomie et qu’il peut retourner chez lui. L’Ehpad s’inscrit ainsi dans une logique de parcours. Aller dans un autre établissement ? Mais c’est peut-être pour aller vers un établissement plus proche de la famille (pas de place disponible initialement) ; vers un établissement plus adapté, dans certains cas moins onéreux. Tant mieux si les résidents ont le droit de librement quitter un établissement médico-social… qui n’est pas un établissement pénitentiaire !

On pourrait poursuivre. Notre intention est d’attirer l’attention sur le risque que présentent des raccourcis. Ce n’est pas un appel à l’inaction. Bien au contraire ! Gérard Brami plaide pour qu’on arrête avec les recommandations, plans, rapports, décrets, protocoles… Il a raison : trop, c’est trop ! Il conclut en invitant tout le monde à la réflexion : là aussi, il a raison…

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(1) – Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

 

Prime de partage de la valeur : deux « pour » et une abstention… (08/08/2022)

Les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat incluent l’évolution de la « prime Macron » vers une « prime de partage de la valeur ». Le principe sera le même : une prime exonérée de cotisations sociales et non soumise à l’impôt sur le revenu. Le projet de loi prévoit la possibilité d’un plafond trois fois plus élevé que la prime antérieure.

Oui, il s’agit d’un plafond de prime, et non d’une prime moyenne pour l’ensemble des salariés du privé. Oui, il s’agit d’une prime très particulière, mais d’une prime tout de même. Oui, il s’agit de « mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » ; non, il ne s’agit pas d’un projet de loi sur la politique salariale ou sur la taxation des très hauts revenus.

Le député des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine / Nupes) a qualifié cette prime pouvant aller à 3 000 euros, voire dans certains cas à 6 000 euros, par année civile et par salarié, à un « pourboire sponsorisé par l’État ». De la part d’un député qui perçoit chaque mois une indemnité de près de 5 700 euros net (plus les avantages matériels et crédits pour la rémunération des collaborateurs), c’est vrai, c’est un « pourboire ». Pour une entreprise, pour une association, pour un salarié « de base », cela s’appelle plutôt une « opportunité ».

D’aucuns y ont vu une remise en question de la protection sociale comme cette prime ne donne pas lieu à cotisations sociales. Mais ceux qui vont la percevoir ne vont pas forcément l’utiliser pour épargner. Ils vont consommer… et donc contribuer à alimenter l’économie.

Nombreuses sont les entreprises – et donc les associations – qui n’ont pas aujourd’hui les ressources pour augmenter les salaires. Alors, plutôt que de mettre en péril des entreprises, des associations, cette prime n’est-elle pas une réelle possibilité pour elles de soutenir, de récompenser leurs salariés en leur versant une prime de partage de la valeur si cela leur est budgétairement possible ? L’avantage de cette prime est également qu’elle n’entre pas dans les avantages acquis et peut ainsi se remettre en question en fonction des résultats d’une entreprise ou d’une association.

Mais c’est vrai, annoncer qu’on préconise une augmentation du Smic de plusieurs centaines d’euros – comme les partis d’extrême droite ou d’extrême gauche –, cela peut paraître séduisant pour des salariés. C’est complètement démagogique ! Toutes les entreprises, toutes les associations ne visent pas à exploiter leurs salariés ; ce ne sont pas non plus des « vaches à lait » ; elles ne peuvent redistribuer que ce qu’elles gagnent.

En Mayenne, en première lecture à l’Assemblée nationale, Géraldine Bannier (Démocrate – MoDem et Indépendants) et Yannick Favennec-Bécot (Horizons et apparentés) ont voté pour les mesures d’urgence. Guillaume Garot (Socialistes et apparentés / Nupes) s’est abstenu.

 

 

Ce qu’il vaut mieux ne pas lire dans Ouest-France (08/07/2022)

« Ce que vous ne pouviez pas entendre à la télévision… », titre Stéphane Vernay dans Ouest-France du 7 juillet 2022. C’est du discours de politique générale d’Élisabeth Borne à l’Assemblée nationale dont il est question.

Il faut espérer que les lecteurs de Ouest-France n’auront pas lu ce « reportage ». C’est affligeant ! Pas le travail du journaliste, non ; ce qu’il relate… On ne peut même pas écrire qu’on se croirait dans une cour de maternelle : les enfants sont sûrement plus policés… Et cela durera tant que les jeunes générations ne comprendront pas que les séances à l’Assemblée nationale, c’est tout de même mieux joué que n’importe quelle émission, parmi les plus débiles, de téléréalité.

Retenons simplement quelques familles de mots parmi le reportage de Stéphane Vernay : chahut, hostilités, railleries, moquerie, échauffement des esprits, banalités, esclaffement, hurlements, brouhaha, hypocrisies, charivari…

Voilà à quoi jouent des députés – bien payés au demeurant et avec nos impôts – quand la planète doit faire face au défi du réchauffement climatique, à l’invasion de l’Ukraine, à la reprise des contaminations liées au Covid-19, à la pénurie de main d’œuvre dans moult secteurs d’activité…

Bravo également à Mohamed Badra qui illustre l’article avec la photo de cinq députés. Alexis Corbière (LFI) vocifère, tandis que l’un de ses collègues, juste derrière, s’occupe avec son smartphone.

Les même s’étonneront du désintérêt des Français pour la politique, de l’irrespect vis-à-vis des élus, de l’abstentionnisme…

Est-il si utopique d’imaginer une société où l’exercice de la politique commence par le respect de l’autre ?

Dans la même édition de Ouest-France, on lit que Guillaume Garot, député socialiste mayennais, considère que le Rassemblement national « reste dangereux pour notre démocratie ». Sérieusement, ce parti d’extrême droite a-t-il à lui seul l’apanage de la dangerosité ?

 

 

L’avertissement des élections régionales de 2021 (03/05/2022)

À 70 ans, Jean-Luc Mélenchon, qui a une expérience de deux ans au gouvernement comme ministre délégué à l'Enseignement professionnel (2000-2002), se voit très bien en Premier ministre. Pour parvenir à ses fins, il vise l’addition des voix des écologistes et de celles des électeurs de gauche et d’extrême gauche à l’élection présidentielle.

Pari risqué ? Chaque élection est différente et les Pays de la Loire ou la Mayenne ne sont en aucun cas représentatifs de la France. Il n’empêche que, localement, les résultats aux élections régionales des 20 et 27 juin 2021 pourraient inciter certains à la prudence.

Au premier tour, à l’échelle régionale, Matthieu Orphelin (EELV, avec le « renfort » de La France insoumise) a obtenu 152 081 voix ; Guillaume Garot (PS, et qui a réussi une union de diverses autres tendances), 132 693 voix ; Eddy Le Beller (Lutte ouvrière), 21 350 voix. Soit au total 306 124 voix. Pour le second tour, les listes de Matthieu Orphelin et de Guillaume Garot fusionnent… pour obtenir moins de voix (294 705) que le total des trois listes au premier tour (306 124), soit une perte d’environ 11 400 voix alors que le nombre de votants a augmenté de plus de 26 000…

Dans le même temps, à droite, Christelle Morançais totalise 278 948 voix au premier tour et 392 640 au second, soit un gain de plus de 113 700 voix, récupérant ainsi plus de voix que les 97 371 de la liste de François de Rugy (LREM) au premier tour. Ce dernier s’est pourtant maintenu au second tour, mais perd quelque 28 000 voix entre les deux tours.

En Mayenne, Guillaume Garot (24 399 voix) devance largement Matthieu Orphelin (6 790) et Eddy Le Beller (1 233). Par contre, le total de 32 422 voix descend à 26 273 au second tour (liste emmenée par Matthieu Orphelin). Parallèlement, Christelle Morançais, au deuxième rang derrière Guillaume Garot au premier tour, bascule largement en tête au second tour, améliorant son score de près de 12 000 voix.

Manifestement, l’union de l’écologie, de la gauche et de l’extrême gauche ne fait pas la « force » en toutes circonstances.

 

Vingt ans d’extrême droite en Mayenne avec les Le Pen (20/04/2022)

Au premier tour d’une élection présidentielle, le Front national / Rassemblement national a réalisé son meilleur score en Mayenne le 10 avril 2022 : Marine Le Pen a séduit près de 37 400 électeurs. Avec les voix d’Éric Zemmour et celles de Nicolas Dupont-Aignan, près de 50 000 Mayennais ont voté pour l’extrême droite, soit pas loin d’un votant sur trois.

Dans le contexte d’une diminution des votants par rapport à 2017 (– 13 300), Jean-Luc Mélenchon est un « perdant » de l’élection de 2022 où il fait moins bien qu’en 2017 (– 1 190 voix).

Marine Le Pen a gagné quelque 6 900 électeurs supplémentaires par rapport à 2017 – et environ 10 500 par rapport à 2012. Et Marine Le Pen en 2012 totalisait 8 900 voix de plus que son père, Jean-Marie Le Pen, en 2002. Sur vingt ans, le vote FN / RN a ainsi plus que doublé en Mayenne.

Entre 2017 et 2022, Emmanuel Macron s’est renforcé dans le département avec un gain de 13 800 voix – mais on se doute qu’il ne s’agit pas majoritairement d’électeurs ayant renoncé à l’extrême droite…

 

Présidentielle : et nous, alors, nous ne comptons pas ? (11/04/2022)

Ne nous berçons pas d’illusions ! Sans doute une minorité d’électeurs ayant voté le 10 avril avaient lu les professions de foi qu’ils avaient reçues par La Poste. En soi, ce n’est pas forcément un problème : les citoyens ont pu faire un choix éclairé en s’intéressant à la campagne électorale par d’autres moyens. En outre, ils peuvent avoir des convictions qu’aucun programme ne saurait ébranler…

Quels enseignements dégager de la profession de foi des douze candidats ? Tout d’abord, un concept est complètement absent : l’éducation populaire. Aucun candidat n’en parle. Pas plus que d’économie sociale et solidaire. Les associations ? Trois candidats y font référence, mais c’est à la marge, quand ce n’est pas de façon un peu caricaturale.

Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan est favorable à un « allègement des normes qui pèsent sur les associations sportives ». À quelles associations sportives fait-il allusion ? De quelles normes s’agit-il ? Fabien Roussel, de son côté, est favorable à la « prise en charge par l’État de 50 % de la cotisation aux clubs sportifs ». C’est une bonne idée pour faire grimper le montant des cotisations et maintenir les inégalités d’accès aux différentes disciplines sportives.

Enfin, Jean Lassalle mentionne les associations, parmi d’autres structures, comme pouvant accueillir les participants à un service national universel de neuf mois… Quelle différence avec le service civique qui existe déjà ?

Les neuf autres candidats ne mentionnent pas les associations. Surprenant ? Préoccupant ? Mais il n’y aura qu’un seul candidat à devenir président de la République et, finalement, c’est sur les actes de son gouvernement qu’on pourra juger l’importance accordée aux associations. Et ce, pendant cinq ans.

 

La Maison de l’Europe solidaire du peuple ukrainien (28/02/2022)

À l’occasion du rassemblement de solidarité avec le peuple ukrainien qui s’est tenu à Laval le 25 février, la Maison de l’Europe a effectué une intervention dont voici le texte transmis par son président, Michel Ferron.

« Avec la reconnaissance de l’indépendance des républiques séparatistes pro-russes du Donbass, la crise ukrainienne était déjà entrée dans une phase de non-retour, orchestrée dès le départ pour imposer à l’opinion internationale une logique de guerre. Depuis le jeudi 23 février matin, en quelques heures, la situation a basculé et la menace est devenue réalité.

La brutalité de la méthode et le cynisme du propos sont les marques des conquérants sûrs d’eux-mêmes, qui se jouent de tous les obstacles juridiques et diplomatiques.

Car, cette fois, le coup de force de Poutine intervient dans un contexte inédit de violation d’engagements et de traités, signés par un pays membre du Conseil de Sécurité des Nations unies (Charte de l’ONU de 1970, conférence d’Helsinki de 1975, accords de Minsk…).

Par la seule volonté d’un régime despotique, en quête d’une hégémonie quasi planétaire, tout cet arsenal juridique a volé en éclats, après avoir été progressivement et méthodiquement piétiné, avec une arrogance pleinement assumée.

Sur le plan stratégique – on a pu tragiquement le vérifier –, en reconnaissant l’autonomie des républiques de Donetsk et de Lougansk, Poutine disposait de têtes de pont facilitant la pénétration des chars russes, selon le scénario de sinistre mémoire utilisé par Hitler en 1938, annexant la région des Sudètes en prélude à l’invasion d’une partie de la Tchécoslovaquie.

Mais, au-delà de cette soif d’expansionnisme territorial, mise au service d’une idéologie de domination, l’agression de Poutine contre l’Ukraine (qualifiée d’ « État fantoche ») vise d’abord à déstabiliser l’Occident tout entier qu’il déteste, à commencer par l’Europe symbolisant un monde de valeurs qu’il combat, telles que le respect de l’État de droit et de l’idéal démocratique.

La double situation de l’Ukraine, au cœur de l’Europe géographique mais également à la frontière de l’Union européenne, ne peut que l’encourager à tenter de poursuivre cette croisade jusqu’au bout.

Pour autant, il serait parfaitement illusoire d’attendre de la  communauté européenne qu’elle puisse à elle seule résoudre la crise, alors que toutes les initiatives diplomatiques au plus haut niveau ont échoué.

Nous le savons bien, à la Maison de l’Europe en particulier, après le large consensus international dans lequel s’est établie sa fondation comme facteur de la paix mondiale, la construction d’une Europe politique continue à susciter interrogations et divisions.

Mais, au-delà des examens de conscience des uns et des autres, l’heure est aujourd’hui à la solidarité avec le peuple ukrainien, dont la lutte devient le symbole de tous les pays opprimés par la force.

Après la vague d’émotion et de solidarité internationales, suscitée par les récents attentats terroristes qui ont frappé notre pays, nous devenons à notre tour les habitants d’une nation, assiégée par un empire totalitaire, dont les appétits peuvent embraser la planète tout entière.

Aujourd’hui, à Laval, face à une telle gravité, nos armes restent dérisoires mais ce sont celles que s’est données notre République, fondée sur un idéal de Liberté, d’Égalité et de Fraternité universelles.

Plus que jamais, ces valeurs doivent nous inspirer pour dire « NON À LA GUERRE ! » et exiger que soient respectées les lois du droit international. »

 

Lettre aux soignants et aux soignantes qui m'ont sauvé la vie (11/01/2022)

Michel Rose, président de la fédération mayennaise de la Ligue de l’enseignement, membre adhérent du CÉAS, adresse cette lettre à l'ensemble du personnel soignant du 7e C et du service de réanimation du centre hospitalier de Laval.

« Je n'avais rien demandé et vous m'avez accueilli pendant un peu plus de trois semaines l'an dernier car mis à mal sérieusement par le Covid-19, du dimanche 4 au lundi 26 avril précisément (dont dix jours en service de réanimation).

Pendant tout mon séjour forcé, j'ai pu apprécier votre professionnalisme, vos gestes attentionnés, votre bienveillance, vos paroles de réconfort et d'encouragement.

Grâce à vous, j'ai pu sortir vivant des griffes tenaces du virus qui enserraient mes poumons. Il m'a fallu insuffler des litres et des litres d'oxygène pour survivre alors que jusque-là, je n'avais jamais mesuré le bonheur de respirer machinalement de l'air, sans me dire de temps à autre : “Ah c'est quand même merveilleux cette mécanique respiratoire qui nous amène si facilement l'indispensable O2 dans nos alvéoles pulmonaires !” J'avais envie de le crier aux passants et aux cyclistes que j'apercevais de loin sur le boulevard d'Avesnières par la fenêtre de ma chambre.... “Eh profitez bien de votre liberté de respirer, profitez, c'est si bon vous savez ! Comme toute chose, c'est lorsqu'on en est privé que l'on regrette de n'avoir pas su en profiter à temps”.

En écrivant ces mots, en repensant à ces journées interminables et à ces nuits si longues pendant lesquelles l'esprit vagabonde entre la lune et les étoiles, frôlant les silhouettes des parents et des amis disparus, me remontent des larmes d'émotion. Allongé sur mon lit d'infortune, une nuit je me suis senti  prêt à les rejoindre...

Mon cerveau en manque d'oxygène, je commençais à m'envoler doucement vers un je ne sais quel ailleurs éthéré... En mon for intérieur, je m'en voulais terriblement de n'avoir pas su finaliser mon inscription vaccinale quelques semaines auparavant, ce qui m'aurait peut-être évité cette terrible épreuve (1)...

Vous m'avez alors soutenu et aidé à m'accrocher pour ne pas sombrer, pour ne pas céder, pour m'accrocher à vos bras et à vos sourires, même quand il me fallait supporter cette épreuve de la prise de sang artérielle (pour les fameux gaz du sang) alors que mes bras viraient au violet.

Vous m'avez lavé, vous m'avez nourri, vous m'avez piqué, vous m'avez radiographié, vous m'avez pris dans vos bras, vous m'avez retourné sur le ventre, vous m'avez dit “bonne nuit”, vous m'avez dit “bonjour”, vous m'avez rassuré ; mon corps ne m'appartenait plus, j'étais redevenu comme un petit enfant...

Et puis un jour vous m'avez sevré de cet oxygène réparateur et j'ai alors eu peur ! Peur de manquer de cet O2 qui me maintenait en vie depuis de si nombreux jours... La saturation allait-elle atteindre le bon pourcentage, 95 %, 96 %, voire 97 ou 98 % ?

Ah cette fameuse saturation en oxygène, le sésame attendu pour se rassurer que mon sang transportait suffisamment de ce gaz vital ! On m'a pincé l'index, l'annulaire, le majeur, et même le lobe de l'oreille, guettant en tordant le cou l'affichage de ce fameux taux qui avait parfois du mal à atteindre la bonne norme.

Et un jour vous m'avez dit de me lever pour pousser mes premiers pas dans la chambre entre la porte d'entrée et la fenêtre, des premiers pas hésitants et mal assurés que je dénombrais à chaque fois pour marquer une progression lente mais régulière.

Puis un matin vous m'avez annoncé que nous allions nous séparer, qu'il était l'heure de rassembler mes affaires et de nous quitter, pour retrouver heureux comme le poète ma maison et sa cheminée, ma compagne et mes enfants, au terme de cette épreuve qui fut comme un long voyage en pays inconnu.

Peu à peu j'ai retrouvé ma vie d'avant, soutenu et encouragé par mes proches et mes amis, par les moineaux domestiques accompagnant mes pas de convalescent au-devant de la maison, mes poumons ouverts à l'air vivifiant des journées de mai.

Mi-août, j'ai reçu ma première dose du vaccin protecteur et le 7 janvier dernier, ce fut la dose de rappel.

Ces mots de gratitude et de reconnaissance, je vous les devais, je vous les dois et je vous les devrai toute ma vie. Et au-delà de vos paroles de soignantes et de soignants, resteront gravés à jamais en ma mémoire vos gestes d'attention, vos sourires, vos visages.

À chacune et chacun, j'adresse tous mes vœux de bonheurs partagés, de santé et de réussite dans vos projets personnels, professionnels et d'engagements divers...

Très sincèrement, »

Michel ROSE

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(1) – À quoi tient le fil d'une vie ? Cette question, je l'ai souvent ressassée dans ma tête mais sans jamais y trouver une réponse qui puisse m'apaiser. Dès le mois de mars, je souhaitais me faire vacciner et j'avais effectué les démarches nécessaires via mon téléphone portable sur la plateforme Doctolib. Le samedi 20 mars, je me présentais en fin de matinée au centre de vaccination, salle polyvalente de Laval. Arrivé au guichet d'accueil, la jeune hôtesse m'informe que mon nom ne figure pas sur la liste ! Je lui indique que j'ai pourtant procédé à une inscription en ligne. Elle recherche à nouveau, mais négatif, et demeure inflexible, elle ne peut pas me laisser entrer et me dit de procéder à une nouvelle inscription, n'ayant sans doute pas correctement finalisé ma précédente demande. Ce que je fais en rentrant chez moi avec un nouveau rendez-vous fixé cette fois-ci à Château-Gontier le vendredi 2 avril. Le mercredi 24 mars, sans le savoir, je suis contaminé par le virus du Covid-19. Dimanche 28 et lundi 29 mars, premières alertes avec fièvre et courbatures. Mardi 30 mars, test antigénique positif ; jeudi 1er avril test PCR positif. Il me faut annuler mon rendez-vous de vaccination du 2 avril. Dimanche soir 4 avril, je dors dans une chambre d'hôpital. À quoi peut tenir le fil d'une vie ? Pour mon cas, à un oubli de clic ou à un mauvais clic au mauvais endroit... Si j'avais reçu la dose de vaccin Pfizer le samedi 20 mars, aurais-je échappé à tout ce que j'ai subi ? Si j'avais insisté près de la jeune hôtesse d'accueil, m'aurait-elle finalement laissé entrer dans la salle polyvalente ? Ces questions, je me les suis posées chaque nuit d'insomnie (et si...?), sans jamais pouvoir y répondre. Sinon me répéter : « À quoi tient le fil d'une vie ? »

 

Et si 2022 était la somme de nos rêves ? Aidez-nous à les « entendre »… (04/01/2022)

Le 1er janvier, chacun y va souvent de sa liste de bonnes intentions, souvent trop vite oubliée au fond d’une poche et passée à la machine à laver… Pourtant, le début d’année fait sonner d’un timbre particulier les vœux que nous formulons dans l’espoir d’un futur meilleur pour nous-mêmes, nos proches et parfois, plus généreusement, pour le monde qui nous entoure.

En 2020, nos vœux ont eu le goût d’un virus que nous ne connaissions pas encore et d’un confinement unique dans l’histoire. En 2021, nous avons espéré que ce serait différent et puis la réalité a rattrapé nos rêves, nous obligeant à revoir à la baisse nos ambitions. En 2022, parions qu’il nous faudra à nouveau un peu de patience, mais inventer des vœux à la fois enthousiasmants et réalistes. Puisqu’il faut apprendre à vivre avec ce virus, apprenons aussi à lui opposer des vœux d’avenir, des rêves à réaliser et des ambitions à concrétiser.

Dès lors, d’ici le lundi 24 janvier à midi, le CÉAS vous propose de participer à une enquête qui se veut à la fois sérieuse et ludique. À l’adresse suivante : ceas53@orange.fr, adressez-nous un courriel avec votre prénom, votre âge, les deux vœux que vous formulez (en quelques lignes) pour vous-même, les deux vœux que vous formulez pour vos proches (famille et amis proches) et les deux vœux que vous formulez pour les autres (au travail, dans votre quartier, dans le monde, bref très largement).

Il ne s’agit pas de participer à une création littéraire, mais plutôt de rassembler, compiler, valoriser les espérances et les aspirations de nos adhérents et autres amis. Ainsi, quels sont vos rêves, vos vœux, vos envies pour l’année 2022 ? En ce début d’année, que vous souhaitez-vous et que souhaitez-vous à vos proches et plus généralement pour la société ou le monde qui nous entoure ? Si vous aviez le don de réaliser des rêves, quels seraient-ils ?

Si nous avons la chance de recevoir suffisamment de réponses (c’est notre premier vœu…), alors, fin janvier ou en février, nous pourrons publier un retour de cette vie meilleure dont vous rêvez / dont nous rêvons… Et qui sait (c’est notre second vœu…), cela pourra-t-il inspirer chacun pour des actions, des dossiers ou des enquêtes pour 2022… Et qui sait ? Peut-être, en décembre 2022, pourrons-nous regarder en arrière et voir ce qui est devenu une réalité et si certaines de nos bonnes résolutions ont permis de changer un peu le monde…

Nous faisons des vœux à l’occasion de la nouvelle année, de notre anniversaire en soufflant les bougies, du passage des étoiles filantes… Mais chaque jour est aussi l’opportunité de réaliser un petit pas pour inventer notre vie et celle que nous souhaitons aux autres puisque nous partageons les mêmes lieux, les mêmes villes, le même monde, et qu’il nous faut bien vivre et rêver ensemble pour inventer ce demain auquel nous aspirons tous en secret.

À vos plumes, à vos claviers, et n’hésitez pas à faire circuler… Plus nous serons nombreux à rêver, plus les rêves auront sûrement de chance de se réaliser…

 

Promenons-nous dans les bois… pendant que le loup y est… (03/01/2022)

Le 16 décembre 2021, à 22 h 45, puis le 30 décembre, à 1 h du matin, France 3 a diffusé Naïs au pays des loups, un documentaire de Rémy Masséglia (2021, 53 mn). Si vous l’avez raté, ne manquez pas les sessions de rattrapage qu’offre France.tv avec les documentaires de « La Ligne bleue », mais seulement jusqu’au 14 février 2022 (inscription rapide et gratuite).

Rémy Masséglia vit non loin du parc national du Mercantour, dans les Alpes. Les loups sont revenus dans ce territoire. Le réalisateur décide de partir sur les traces de cet animal qui n’en finit pas d’alimenter nos rêves et nos peurs lointaines. Mais cette quête a une épaisseur toute particulière car elle s’effectue sur deux ans (en discontinu), avec une petite fille sur son dos, la sienne, Naïs. C’est une toute petite fille d’à peine deux ans qui part à la découverte d’une nature qui s’offre et se cache, couverte de fleurs ou de neige, mais toujours propice à la rencontre et aux surprises pour qui sait observer et se rendre discret.

La nature, les animaux en liberté, la quête attentive de la moindre trace, font la magie de ce documentaire, mais plus encore c’est l’expérience hors du commun d’un père et de sa petite fille qui rend ce film touchant, sensible et vrai. Que dire de cette petite Naïs qui n’a pas encore 3 ans et dont on découvre le sens de la curiosité et de l’observation, l’éveil, et déjà une richesse de vocabulaire ? Que dire de cette petite fille d’à peine 3 ans qui dit « merci » à son papa pour la belle journée qu’ils viennent de passer ensemble ?

À nous de dire « merci » à Naïs et son papa pour ce qu’ils nous permettent de vivre à travers leur relation et à travers les images qu’ils nous partagent. Vivre cette aventure par procuration a le pouvoir de rendre optimiste puisqu’il est encore possible de profiter, intensément, de choses simples.

Mais pourquoi France 3 en a-t-il proposé une diffusion si tardive ? Une heure d’évasion, d’attention, de plaisir simple ne vaut-elle pas une heure de grande écoute ?

Offrez-vous ce cadeau de voir et d’entendre que tout ne va pas si mal sur cette planète et qu’il y a encore des choses à préserver puisque même une enfant de moins de 3 ans sait en apprécier l’intensité.

 

Librairies : une embellie conjoncturelle ou durable ? (28/12/2021)

Dans la chronique « Culture » du Monde des 25, 26 et 27 décembre 2021, Michel Guerrin commente « l’embellie des librairies ». De quoi se réjouir, pour la filière librairie de l’UCO Laval, qui compte bien participer activement à ce renouveau par une offre de formation de qualité pour des jeunes motivés et enthousiastes à l’idée même de devenir libraires (1).

Si le commerce de la librairie reste à faible rentabilité, il n’en reste pas moins vrai que sa croissance s’affiche à deux chiffres avec « plus 12 % de ventes de livres annoncées en 2021 par rapport à 2019 ». Les pessimistes diront que ce n’est que pour un temps et les optimistes voudront croire qu’il s’agit d’une tendance de fond.

Reste une réalité, quand on parle culture, la librairie ne fait plus aussi peur que par le passé. Les jeunes, poussés par l’attrait du Pass culture mis en place par le ministère de la Culture, viennent y chercher des mangas, mais pas que… Et quand bien même, c’est oublier un peu vite que ces ventes ne représentent qu’un petit pourcentage des ventes de livres en librairie et que le chiffre d’affaires se fait donc aussi et peut-être surtout avec d’autres livres. Si l’on en croit les annonces, la rentrée littéraire de janvier 2022 devrait d’ailleurs être d’un bon cru – et pas seulement grâce à Michel Houellebecq !

Malgré un coronavirus qui n’en finit pas de se développer, les voyants sont au vert. La librairie se réinvente et construit son avenir ; la « loi anti-Amazon » adoptée le 16 décembre apporte un soutien supplémentaire pour des stratégies de développement. Bref, plus que jamais, les livres sont une fenêtre qu’on ouvre pour « se rassurer, faire le point sur sa vie, s’évader, ralentir, créer du bonheur », permettant surtout aux librairies « de demeurer le royaume de la diversité de l’offre culturelle, à rebours d’une époque standardisée ».

On peut se réjouir avec Michel Guerrin que cette embellie fasse oublier les libraires réputés « pleurnicheurs » pour des libraires engagés, au service d’une clientèle fidèle et d’une clientèle qui se renouvelle.

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(1)- C’est la seule formation en France à préparer une licence en alternance (apprentissage) et sur deux ans.

 

Stanley Milgram à toutes les sauces du Covid-19 ! (22/12/2021)

Pour donner un peu de crédibilité à ses « théories », une astuce consiste à les habiller de références scientifiques. La ficelle est énorme, mais elle peut encore fonctionner !

Si l’on suit Louis Daufresne (en vrai : Annet Sauty de Chalon), rédacteur en chef à Radio Notre-Dame, et sa chronique en page 2 du Courrier de la Mayenne du 16 décembre 2021, nous nous sommes fait vacciner contre le coronavirus SARS-CoV-2, non pas pour nous protéger et protéger les autres, mais parce que nous sommes dans un « état agentique », c’est-à-dire parce que nous avons perdu notre libre arbitre. Et nous avons perdu notre libre arbitre parce que nous sommes soumis à l’autorité hiérarchique que constitue l’État ou le gouvernement.

Louis Daufresne fait ici référence à la recherche que le psychologue social américain Stanley Milgram (1933-1984) a conduite au début des années 1960. Mais Louis Daufresne n’a probablement jamais lu le récit que Stanley Milgram a rédigé sur ses expériences. Le journaliste affirme que les deux tiers des sujets de l’expérience obéissent de façon aveugle aux injonctions d’un scientifique qui incarne l’autorité. Dès lors, les sujets peuvent aller jusqu’à « torturer » une victime qui ne leur a rien fait. Oui, c’est vrai, mais seulement pour l’une des expériences qu’a conduites Stanley Milgram. Donc, c’est vrai, mais uniquement dans un contexte expérimental bien précis.

Le psychologue social a multiplié ses expériences en modifiant des paramètres et il a ainsi vérifié diverses hypothèses. Dans certaines expériences – chaque expérience étant menée avec quarante sujets différents –, le taux des « soumis à l’autorité » est très loin d’atteindre les deux tiers et peut ne pas dépasser les 10 % !

Quand bien même, le taux en France des non vaccinés n’atteint pas un tiers de la population. De toute façon, Stanley Milgram n’a jamais conclu qu’il fallait ne plus s’arrêter aux feux rouges au prétexte que le code de la route émane de textes législatifs adoptés par le Parlement…

Stanley Milgram serait probablement choqué de lire l’utilisation que Louis Daufresne fait de ses travaux. Le psychologue social – rappelons-le – était surtout marqué par l’extermination des juifs par les nazis. Il était lui-même de confession juive.

Aujourd’hui, le meurtrier s’appelle le coronavirus SARS-CoV-2. Ne pas se tromper de cible !

 

Des parlementaires très « cavaliers »… (21/12/2021)

Un cavalier législatif est un article qui introduit des dispositions qui n'ont rien à voir avec le sujet traité par un projet de loi. Un tel article est souvent utilisé afin de faire passer des dispositions législatives sans éveiller l'attention de ceux qui pourraient s'y opposer. Cela peut aussi résulter d’un souci d’aller vite en faisant l’économie d’un texte de loi autonome. Dans tous les cas, si le Conseil constitutionnel censure un article que le Parlement avait pourtant adopté, cela peut faire penser à un manque de rigueur et peut prêter à sourire…

C’est ce qui arrive avec vingt-sept dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022. Au départ, un recours de plus de 110 sénateurs, dont le Mayennais Guillaume Chevrollier, en date du 30 novembre 2021.

Parmi les textes censurés, il y a l’article 52 portant sur l’évaluation de la qualité dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESSMS). La mise en œuvre de cette réforme a déjà été plusieurs fois reportée. Le texte censuré renforçait les exigences requises des organismes évaluateurs. Les mesures prévues devaient s’appliquer à compter du 1er janvier 2022. Par ailleurs, l’article 52 prolongeait, jusqu’au 1er janvier 2025, l’autorisation des ESSMS n’ayant pas pu procéder à leur évaluation du fait de la situation épidémique.

À titre expérimental et pour une durée de trois ans, l’article 46 autorisait également la mise en place et le financement, par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), d’une carte professionnelle pour les aides à domicile : même cause, même effet !

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel, ces dispositions, parmi d’autres, « n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires de base (…). Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale ». Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.

 

Des professeurs et des médecins l’écrivent, mais… (20/12/2021)

Dans Le Monde du 10 décembre 2021, un collectif adresse une lettre au président de la République pour fustiger une bureaucratie « en perpétuelle extension ». Selon ce collectif, « c’est un mal ancien, systémique. Il ne sera pas combattu par ceux qui le répandent. Se multipliant un peu plus chaque année, les exigences réglementaires tatillonnes, voire absurdes, ainsi que les injonctions paradoxales qui ruissellent des ministères » (…), puis inondent tous les recoins du territoire.

Se multiplient partout « tracasseries, réunions, rapports sans intérêt, procédures irrationnelles, demandes abusives, commissions et sous-commissions à propos de n’importe quel sujet ». Pour le collectif, cette culture du chiffre, du « bla-bla » et des « process » sape le moral des professionnels les plus engagés…

Là où ils militent, là où ils travaillent, nombreux sont probablement ceux qui se retrouvent à travers ces propos que nous n’avons presque pas modifiés – seulement quelques retouches pour ménager le suspense. Cependant, le texte original publié dans Le Monde émane d’une seule et unique institution : l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). À quand un grand ministère de la Simplification administrative et du Bon sens pragmatique ?

 

Le Monde décortique la fabrique des sondages (10/11/2021)

Le 5 novembre 2021, avec son grand reporter Luc Bronner, le quotidien Le Monde a plongé « dans la fabrique opaque des sondages ». Pour les besoins de son enquête, le journaliste s’est inscrit comme « panéliste », c’est-à-dire comme volontaire pour répondre à des sondages en ligne. Et il n’a pas chômé !

Il a pu ainsi répondre à plus de 200 sondages en six semaines. Sur différents sites, il s’est inscrit sous plusieurs profils. Il a pu être une femme ; il a pu avoir aussi bien 19 ans que 73 ans ; il a pu être tantôt employé, tantôt artisan, etc. A priori aucun contrôle.

On peut s’inscrire auprès d’un institut de sondage qui gère son propre panel, ou auprès d’une entreprise spécialisée dont le but est uniquement de constituer un panel, le plus large possible, et de le mettre à disposition des instituts de sondage – bien sûr en facturant sa prestation.

Pour répondre à des sondages, comme tout le monde peut s’inscrire sous plusieurs profils, sans contrôle ni régulation, on peut s’inquiéter. Luc Bronner évoque le risque de « panels colonisés » : soit des personnes partageant un même centre d’intérêt, une même idéologie, et « saturant » le plus possible un panel pour promouvoir leurs convictions en faisant gonfler des résultats. La médiatisation de ces résultats leur offre alors une tribune gratuite et bougrement efficace. Le journaliste avance ici l’hypothèse aujourd’hui d’une surestimation des positions radicales. On est loin de l’époque des questionnaires avec enquêteur où, au contraire, on redoutait le biais de désirabilité sociale (1).

Luc Bronner poursuit son analyse de la fiabilité des résultats à travers la qualité des panels. Il y a des « trous dans la raquette » – soit des personnes dont le profil les amène à ne pas s’inscrire comme panéliste. Qu’auraient-elles répondu si elles avaient eu l’occasion de s’exprimer ? De plus, parmi les panélistes, une sélection s’opère sur la disponibilité et la réactivité. Si le sondage est commandé avec une consultation de 1 000 personnes, le sondage sera bouclé quand les quotas seront atteints. Tant pis pour ceux, non disponibles ou moins réactifs, qui ont tardé à répondre.

Nous voilà avec les résultats d’un sondage réalisé auprès d’un millier de personnes. Si le profil des panélistes ayant répondu ne correspond pas exactement à l’échantillon et ses quotas (selon le sexe, l’âge, la profession…), l’institut de sondage va procéder à quelques redressements de nature sociodémographique. Il n’y a là rien d’exceptionnel. Sur des thèmes particulièrement sensibles, l’institut de sondage va effectuer des redressements plus « stratégiques » pour prendre en compte la sous-estimation ou la surestimation supposée pour certaines questions. Par exemple, c’est le cas pour les sondages sur les intentions de vote et plus précisément pour estimer le vote d’extrême gauche ou d’extrême droite.

Problème : les instituts de sondage ne sont pas tenus de communiquer leurs résultats bruts ni les coefficients utilisés pour les corriger. Ce qui devrait relever d’une démarche quasi scientifique devient de l’alchimie !

Pour enfoncer le clou, Luc Bronner précise que des instituts de sondage cherchent à fidéliser leurs panélistes en leur attribuant des points leur permettant d’avoir des bons d’achat. Il ne s’agit pas d’une réelle rémunération, mais difficile de ne pas craindre que des panélistes soient plus motivés par les bons d’achat que par leur contribution à la connaissance d’un phénomène social !

 

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(1) – Le biais de désirabilité sociale évoque la tendance, pouvant être inconsciente, à répondre en fonction d’une norme sociale. Les enquêtes par téléphone sont aujourd’hui un peu délaissées, non pas à cause de ces biais, mais du fait, d’une part, de l’explosion des refus de réponse et, d’autre part, de l’usage massif des smartphones (moindre accessibilité des numéros d’appel).

 

Orange : « Une arnaque aux personnes âgées démantelée dans l’Ain » (09/11/2021)

Le jeudi 4 novembre 2021, Orange diffuse en ligne ses actualités en partenariat avec l’agence de presse 6Médias, créée en 1999 et spécialisée dans la production de contenus d'information pour les médias en ligne. Pour Arrêt sur images, 6Médias est « l’agence qui ubérise le journalisme » (18 septembre 2020). Vincent Bresson explique que pour les journalistes employés, majoritairement pigistes, il s’agit « d'écrire en moins d'une heure un article en reprenant des informations déjà publiées dans la presse régionale ou par l'AFP, mais sans les vérifier ni enquêter davantage ».

Ce 4 novembre, dans les actualités d’Orange, un titre nous intrigue : « Travaux d'isolation – une arnaque aux personnes âgées démantelée dans l'Ain ». 6Médias utilise ici comme source le quotidien régional Le Progrès (Lyon), du groupe Ebra, dont le Crédit Mutuel Alliance Fédérale est l'unique propriétaire.

Dans les actualités d’Orange, la construction du titre (« Travaux d'isolation – une arnaque aux personnes âgées démantelée dans l'Ain ») apparaît pour le moins curieuse… Arnaque aux assurances, aux permis de conduire, aux faux papiers, aux faux passes sanitaires, aux faux courriels de convocation par la gendarmerie, on comprend… Mais « arnaque aux personnes âgées », de quoi peut-il bien s’agir ? D’une arnaque aux faux petits vieux dans une commune, dans un établissement, mais à quelle fin ?

Mais non, mais non ! Comme mentionné dans l’article, il faut lire « arnaque aux travaux d’isolation », donc visant ou ciblant les personnes âgées… Certains vont dire : « Encore des puristes de la langue, de la grammaire… » D’accord, faisons évoluer l’orthographe, la grammaire, la langue et toutes les expressions que nous partageons, mais jusqu’à quel point ? La limite n’est-elle pas celle de la compréhension mutuelle ? Parler, échanger, et informer plus encore n’est-ce pas le principe même de la circulation des mots, des phrases et donc des idées ?

Pour aller plus loin, pour rassurer les esprits chagrins et s’amuser aussi un peu, nous proposons un petit détour par le livre La convivialité – la faute de l’orthographe, de Arnaud Hoedt et Jérôme Piron (Paris : éditions Textuel, 2017). C’est aussi un spectacle (1) et on peut en découvrir des extraits sur YouTube. De quoi décrasser les habitudes, sans oublier toutefois que, pour se comprendre, il faut malgré tout partager des usages, y compris ceux des mots.

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(1) – Arnaud Hoedt et Jérôme Piron l’ont présenté le 21 octobre 2021 au Théâtre de Laval dans le cadre du Festival J2K.

 

« Billet d’humeur » de Loïk de Guébriant : jeu bien imprudent ! (08/11/2021)

En page 2 du Courrier de la Mayenne, dans son édition du 4 novembre 2021, Loïk de Guébriant livre un « billet d’humeur » auquel il a donné pour titre : « Prudent ! »

« De plus en plus de gens vaccinés se trouvent touchés par le Covid, parfois assez sévèrement, observe-t-il. Pourtant ils ont le pass et peuvent sortir sans contrainte… et contaminer les autres s’ils sont malades sans le savoir. Les non-vaccinés, eux, poursuit-il, doivent se faire tester pour pouvoir aller au restaurant ou au cinéma, finalement, ce sont eux qui sont les moins contaminants car on sait qu’ils ne sont pas malades ! C’est décidé, conclut Loïk de Guébriant, je ne sortirai plus qu’avec des non-vaccinés, dûment testés, c’est plus prudent ! »

C’est un raccourci un peu déprimant : des lecteurs risquent de comprendre que la vaccination est inutile, voire dangereuse. Non ! Tous les non-vaccinés n’ont pas forcément les moyens financiers d’aller au restaurant ou au cinéma, donc de réaliser un test. En outre, les non-vaccinés testés peuvent avoir contracté le virus juste après avoir effectué le test. Le respect des gestes barrières demeure le point crucial.

Un « billet d'humeur », selon Christine Di Benedetto, maître de conférence, est un article d'opinion, souvent court, qui « présente de façon sarcastique ou humoristique un événement ou un sujet d'intérêt général susceptible d'attirer l'attention du lecteur, d'apporter une piste de réflexion. Il est par définition le lieu de l'indignation, du coup de colère. L'auteur du billet prend parti. Le ton peut être volontairement excessif, voire violent, afin d'en renforcer l'impact, puisque la quantité d'informations est telle que l'outrance semble nécessaire pour qu'un message soit remarqué ».

On attend du « billet d’humeur » qu’il contribue à marquer les esprits, généralement en dénonçant des faits. Mais Loïk de Guébriant tombe dans le piège de la caricature. Si la vaccination n’est pas une assurance tous risques, il convient de rappeler les constats de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) qui vient d’ailleurs de réajuster sa méthodologie de comptage (1).

Ainsi, entre le 20 septembre et le 17 octobre 2021, le nombre de tests RT-PCR positifs pour 100 000 personnes non vaccinées de 20 ans ou plus s’élève à 535, contre 96 environ pour 100 000 personnes complètement vaccinées, soit près de six fois plus pour les premiers. En d’autres termes, le nombre de tests positifs est en augmentation chez les 20 ans ou plus ; il reste plus élevé parmi les personnes non vaccinées que parmi celles totalement vaccinées.

Entre le 11 et le 17 octobre, les entrées en hospitalisation conventionnelle (2) concernent 62 patients pour 1 million de personnes âgées de 20 ou plus non vaccinées. Pour les personnes complètement vaccinées, les entrées en hospitalisation conventionnelle sont au nombre de 8 pour 1 million de personnes vaccinées.

Toujours entre le 11 et le 17 octobre, les entrées en soins critiques des patients non vaccinés âgés de 20 ans ou plus s’élèvent à 17 pour 1 million de personnes non vaccinées. Au cours de la même période d’observation, les entrées en soins critiques de patients complètement vaccinés restent beaucoup plus faibles en proportion : leur niveau atteint 2,2 entrées pour 1 million de personnes complètement vaccinées. À taille de population comparable, il y a environ 8 fois plus d’entrées en soins critiques parmi les patients non vaccinés que parmi ceux complètement vaccinés entre le 11 et le 17 octobre.

Entre le 20 septembre et le 17 octobre, chez les 20 ans ou plus, on comptabilise 67 décès pour 1 million de personnes non vaccinées et 6 décès pour 1 million de personnes complètement vaccinées. Il y a donc, sur cette période de quatre semaines, 11 fois plus de décès parmi les personnes non vaccinées que parmi les personnes complètement vaccinées, à taille de population comparable.

Le 29 octobre 2021, pour Ouest-France, Erwan Alix titre à juste titre : « Recalculé, l’écart à l’hôpital entre malades vaccinés et non-vaccinés reste très important ». Même si certains ratios pour les non vaccinés tendent à diminuer et si certains ratios pour les vaccinés marquent le pas, les constats sont là, qui ne peuvent être contredits.

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(1) – « Exploitation des appariements entre les bases SI-VIC, SI-DEP et VAC-SI : des données pour la période du 20 septembre au 17 octobre 2021 à partir d’une nouvelle méthodologie » (29 octobre 2021).
(2) – Hospitalisation complète (à la différence de l’hospitalisation en chirurgie ambulatoire, pour une séance de soins, à la différence également de l’hospitalisation à domicile…).

 

Pour ou contre l’implantation d’Amazon en Mayenne ? Localement, des choix de société sont à faire… (03/11/2011)

Le Courrier de la Mayenne du 14 octobre 2021 faisait paraître un article sur le niveau exceptionnel de recrutement de la formation à la librairie que propose l’UCO Laval depuis vingt-trois ans. Plus de trente nouveaux étudiants à la rentrée de septembre 2021 pour cette formation en alternance sur deux ans et délivrant une licence. Une façon de montrer que le Covid-19 n’a pas achevé ce commerce du livre dont on annonce de façon récurrente la santé moribonde quand ce n’est pas sa mise en bière. De fait, cette formation à l’UCO Laval permet aux étudiants de se former à l’exercice d’un métier exigeant, celui de la vente et du conseil de livres. Les libraires se réinventent et les clients, friands de cette valeur ajoutée qu’offrent la rencontre et le dialogue, sont au rendez-vous.

Et puis il y a cette une du Courrier de la Mayenne dans son édition du 28 octobre 2021 : « La Mayenne prête à accueillir Amazon ? » Si les arguments s’égrainent, le titre de l’article reprend les propos d’un élu pour résumer la méthode « On coche toutes les cases » ! L’avenir se jouerait donc à coup de cases et de croix à mettre comme au jeu de la bataille navale de nos jeunes années…

Ce n’est pas tant la question éthique relative à la gestion même d’Amazon ou l’opportunité ou pas d’emplois qui sonnent faux… C’est le choix de société que l’on s’invente et que l’on nous promet pour demain. Certes, le e-commerce se développe mais pour autant, n’est-il pas urgent de s’interroger sur ce manque dont chacun a pu souffrir dans une société mise sous cloche ?

Comme s’il ne s’était rien passé…

Du Covid-19, on retient les confinements et les morts, les masques et la distanciation. Combien étions-nous à espérer la réouverture des magasins de proximité, à pleurer les rencontres et les spectacles ? Combien avons-nous été à défendre l’idée même que les librairies sont des lieux de commerce essentiels, non pas à cause de ce qui s’y vend mais aussi et surtout grâce à ce qui s’y vit ?

Il y a eu un temps où s’interroger sur l’implantation d’un nouveau concurrent face aux commerces du livre à Laval, en Mayenne ou ailleurs, revenait à poser la question de l’indépendance. Une indépendance que l’on perçoit à travers une sélection de livres qui se déploient sur les tables et en rayons, dans des propositions de dédicaces et de rencontres, dans des mises en avant que ce soit en vitrine ou par des coups de cœur. Cultura, Chapitre en son temps, ou la Fnac posent la question de la force commerciale d’une enseigne, mais aussi de l’offre éditoriale choisie et défendue… Et puis, chacun a fini par trouver sa place, par développer ses atouts, par fidéliser sa clientèle. Mais face à Amazon, il n’est plus question de commerce, de livres et de services, il est question d’un modèle de société et d’un modèle social, d’une vision du travail et de l’emploi, d’une structuration des espaces et de la vie dans un territoire.

Comment peut-on pleurer la fermeture des commerces locaux, soutenir les entreprises à coup d’aides gouvernementales, faire appel à la citoyenneté et quelques mois plus tard, s’interroger sur l’implantation d’Amazon ? De quelle mémoire se nourrissent ceux qui pensent l’avenir par la puissance des algorithmes ? De quel mouvement bat leur cœur quand ils envisagent ce que peut être le travail dans ce type de plateforme ?

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre le e-commerce mais de poser la question du commerce que l’on défend vraiment. On soutient aussi nos commerces locaux en cliquant sur leur site et en activant des commandes. Se réinventer, pour les commerces, c’est aussi s’adapter, donner du sens au « click and collect » pour en faire un véritable service et une valeur ajoutée de leur activité.

Passer de l’échelle locale à celle de ce géant revient à oublier un peu vite que tout e-commerce qu’il soit, les biens à faire voyager n’en restent pas moins très réels. Ce sont aussi de vrais camions qui circulent, sur de très longues distances ; des vraies gens qui sont dans des hangars à traiter, de façon répétitive, des clics et des cartons à la face souriante. Quant aux flux financiers, certains semblent encore croire qu’ils prendront racine dans les bonnes terres de la Mayenne...

 

Un groupe d’irréductibles animaux lutéciens résiste à l’envahisseur,
mais peut-être pas aux stéréotypes (Ier siècle avant Jésus-Christ)
(02/11/2021)

Au moment où sort Astérix et le Griffon, le dernier tome des aventures d’Astérix et Obélix par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, aux éditions Albert René (2021), nous vous invitons à découvrir Idéfix – celui qui deviendra plus tard le compagnon à quatre pattes d’Obélix. Il a ses propres aventures à nous raconter dans Idéfix et les Irréductibles. Le premier tome, « Pas de quartier pour le latin ! », composé de trois courts récits, est paru en juin 2021 aux mêmes éditions (1).

On trouve des grincheux partout, qui voient de mauvaises intentions jusque derrière de telles petites histoires bien sympathiques. C’est que les clichés ont parfois la vie longue et leurs racines peuvent se retrouver, y compris dans une bande dessinée a priori anodine. Ainsi, Idéfix et les Irréductibles devaient-ils nécessairement se rendre complices de tous ceux qui colportent les stéréotypes à travers les siècles ?

Comme à l’accoutumé, les personnages principaux sont présentés dès les premières pages. Bonne idée pour suivre nos protagonistes. Mais, car il y a un mais…

Idéfix est le héros cela va sans dire, mais le serait-il vraiment sans ses acolytes ? Il a beaucoup de caractère et « la seule chose qui l’agace : qu’on lui dise qu’il est petit ». D’accord, mais pourquoi faire de sa petite taille un sujet de critique ou de complexe ? Ne lui permet-elle pas aussi de se faufiler partout, de passer inaperçu, d’être agile… Et n’est-ce pas ce trait physique, en plus de sa perspicacité, qui en fait le héros qu’on connait ?

Turbine est une chienne, donc une fille ! Bien entendu, elle a un collier – contrairement à tous ses autres complices. Elle est grande, mince et élancée. Elle est coquette puisqu’elle a son collier. Par contre, « elle oublie malheureusement les plans de son ami dès que celui-ci les lui a expliqués… ». Car bien sûr, elle est écervelée !

Baratine, quant à elle, est une chatte dont le dessin ne laisse aucun doute sur le côté séducteur de la demoiselle qui joue de son baratin sans doute, de ses yeux en amande qui séduisent et de sa queue en panache.

Padgachix, « c’est le costaud de la bande ». Il fonce tête baissée. On pourrait dire le gros plein de muscles mais son nom lui voue déjà un appétit sans limite. Et comme cela ne suffisait pas, il est représenté (page 4) avec son chapelet de saucisses – de Toulouse s’il vous plait !

L’équipe au complet comprend un hibou (Voldenuix) et un pigeon (Asmatix), volatiles dont les quelques lignes de présentation les lient directement aux humains qu’ils ont fréquentés ou qu’ils fréquentent.

À vous désormais de vous faire votre propre opinion ! Sans oublier que lire est un loisir qui en vaut bien d’autres, surtout s’il permet d’échanger et de favoriser les rencontres.

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(1) – Textes de Matthieu Choquet, Yves Coulon et Jérôme Erbin. Dessins de Jean Bastide et Philippe Fenech. 72 pages (8,99 euros).

 

Alerte à Taishan… Flamanville n’est pas loin ! (21/06/2021)

EDF et sa filiale Framatome développent à travers le monde leur technologie des EPR (European Pressurized Reactor) qui constituent une troisième génération de réacteur nucléaire. Mises en service en 2018 et 2019, seulement deux centrales nucléaires avec un réacteur de type EPR sont actuellement en activité, en l’occurrence à Taishan, dans le sud de la Chine.

Quatre autres « EPR » sont en construction : deux en Angleterre, un en Finlande et un à Flamanville, dans la Manche. Le chantier de celui-ci a été lancé en 2007. Après des « incidents » et retards à répétition, sa mise en route est désormais annoncée pour 2023. Le budget a dérivé d’initialement 3,3 milliards d’euros à plus de 19 milliards.

Flamanville, c’est seulement à quelque 200 km de Laval. Mieux vaut pour nous que ces nouveaux réacteurs nucléaires soient sûrs. Ce n’est pas pour nous rassurer : en Chine, l’un des réacteurs EPR vient de connaître une alerte, suffisamment grave pour inquiéter les autorités américaines. Certes, dans un contexte politique tendu entre les États-Unis et la Chine, celles-ci peuvent être tentées de dramatiser l’événement.

Mais cela se passe en Chine où l’on peut difficilement supporter d’être mis en défaut. Saura-t-on un jour la nature et la gravité de l’« incident » ? En tout cas, c’est un nouveau sale coup pour l’industrie nucléaire française…

L’EPR de Flamanville, si près de chez nous, sera-t-il garanti plus fiable et sans risque ?

 

Dimanche Ouest-France réinvente les votes de paille (03/05/2021)

Dans son édition du 2 mai 2021, Dimanche Ouest-France s’improvise sociologue en diffusant un « sondage » sur la perception qu’ont les habitants des Pays de la Loire de leur appartenance ligérienne. Voilà bien une initiative périlleuse, sous ses aspects ludiques, à quelques semaines d’élections régionales où nécessairement d’aucuns en profitent pour questionner la pertinence du territoire des Pays de la Loire. L’affaire est trop sérieuse pour la traiter si cavalièrement.

Passons sur tous les biais qui se glissent dans quasiment chacune des questions. À la fin du questionnaire, dans les consignes pour répondre, il n’est plus question d’un « sondage », mais d’un « quiz ». Cela ne saurait excuser la légèreté de l’initiative. Ce qui interroge le plus, ce sont les modalités pour répondre. On peut envoyer sa contribution à « 85desk@ouest-france.fr », mais quand on a le journal en version papier, comment procède-t-on ? D’autant plus qu’il n’y a pas d’espace pour répondre aux questions ouvertes…

On peut aussi répondre en ligne en scannant un QR code – ce qui exclut tous ceux qui ne sont pas équipés ou qui ne sont pas familiarisés à cette technique…

Tout cela nous rappelle la malheureuse histoire du magazine The Literary Digest. En amont de l’élection présidentielle américaine de 1936, il a réalisé une enquête d’intention de vote : plus de deux millions de citoyens américains y ont répondu, dont une part importante de ses lecteurs. Mais les lecteurs de la revue ne sont pas les électeurs américains ! C’est ce que l’on appelle un « vote de paille » : l’enquête est réalisée sans constitution d’un échantillon représentatif. On pense que le grand nombre de répondants garantit la fiabilité.

Le magazine annonce ainsi le succès du républicain Alf Landon… et c’est le démocrate Franklin Delano Roosevelt qui est réélu avec une très confortable avance (61 %). Le magazine, discrédité, ne s’en relèvera pas. Il disparaît très rapidement. Bien entendu, ce n’est pas ce que nous souhaitons à Dimanche Ouest-France.

 

Article réservé aux adultes… Vous saurez tout sur le Père et la Mère Noël ! (24/12/2020)

À ceux qui savent que le Père Noël n’existe pas physiquement et que la magie de Noël ne tient qu’à chacun de nous et aux valeurs que nous voulons bien faire renaître au moment des bonnes résolutions pour une année qui sera tellement plus belle que la précédente…

Le Père Noël n’existe pas mais nous pouvons le croiser un peu partout dans son costume rouge et blanc avec son gros ventre et sa belle barbe blanche. Il est vieux puisqu’il est éternel. Et comme chacun sait, il n’est pas célibataire. Une Mère Noël l’accompagne. Or, curieusement, les représentations de la vieille dame en rouge qui passe le réveillon seule à attendre que le vieux bonhomme finisse sa tournée, ne sont guère les plus fréquentes dans le monde.

Notre société fait vieillir les jeunes messieurs qui tiendront le rôle du Père Noël. Quant à la Mère Noël, elle va de la vieille dame aux boucles blanches et petites lunettes rondes en robe longue de velours rouge, à la plus sexy (mais ne pas dire sexiste) des tenues. La jupe et le haut peuvent aller jusqu’à se réduire à un simple short et brassière.

Le Père Noël aurait-il lui aussi vécu ce que l’on appelle la crise de la quarantaine (propos sexiste s’il en est) en se prenant une nouvelle compagne plus jeune et plus affriolante pour égayer sa longue année à surveiller la fabrication des jouets qu’il va distribuer en une nuit ?

Les codes du Père Noël vont jusqu’à définir un costume idéal allant de la mise en place de la barbe au volume du ventre. C’est peut-être pour être plus confortable quand il prend les enfants dans ses bras pour la fameuse photo (pas cette année, coronavirus oblige : il faut bien protéger le vieux monsieur des cas contacts et autres enfants porteurs du virus). Par contre, le costume de la Mère Noël laisse libre cours à tous les fantasmes (souvent érotiques – rien à voir avec une vieille dame qui fait les biscuits et prépare la dinde).

Ah Noël et ses cadeaux par milliers pour les enfants sages… On a fait tout un tas de discours sur les jouets genrés, ceux trop clivants pour les filles et ceux pour les garçons… Et si l’on regardait de plus près les représentations de ce couple millénaire qui fabrique et distribue les jouets mais dont l’épouse reste à la maison pendant que monsieur se promène dans les magasins et dans les rues à donner des bonbons et à écouter les rêves des petits enfants (quand ils ont fini de hurler que ce gros bonhomme leur fait une peur bleue !).

À quand une vieille Mère Noël pour faire des câlins aux enfants jusque dans l’imaginaire ? Mais laissons la jeune Mère Noël accompagner les rêves des grands enfants qui se cachent dans la tête de bien des adultes…

 

Leçon africaine du désert… (10/11/2020)

Du désert du Ténéré, au Niger, l’« ultra-marathonien » Serge Girard, qui philosophe en courant, nous invite à tout relativiser : « Nous nous rendons rapidement compte que rester de longues minutes sous la douche, comme nous le faisons lorsque nous bénéficions d’un confort plus grand, ne présente guère d’intérêt. Cela atténue le plaisir d’une douche rare et rapide, où chaque goutte d’eau est un délice, une douceur. Rien ne sert d’écouler plusieurs dizaines de litres d’eau pour se sentir propre. Nous avons tous le sentiment de vivre un moment de vie rare, où les notions d’accessoire et de nécessaire sont repensées. S’il nous manque quelque chose, nous n’allons évidemment pas nous rendre dans une grande surface. Nous nous en privons sans nous plaindre. Confrontés au rien, nous repensons les concepts de possession, d’avoir et d’être » (1).

Allez… Dites-le… Que vous pensiez que l’on parlait développement durable, sauvetage de la Terre ou encore confinement et fermeture des magasins. Eh bien non !

Ou plutôt si ! Comment face à cette expérience extrême dans le désert des déserts, ne pas repenser notre confort et notre vie pour revoir nos exigences et nos priorités ? Comment ne pas se dire que nous sommes finalement bien prétentieux quand nous « pleurnichons » parce que nous ne pouvons pas aller où nous voulons comme nous le voulons, pour acheter tout et n’importe quoi, juste parce que nous en avons simplement envie, là maintenant et tout de suite…

Comme nous y invite l’auteur à travers sa propre expérience dans ce désert, à nous peut-être de revoir l’analyse que fait des besoins humains le psychologue américain Abraham Maslow. Comment dans cette société que nous croyons si moderne, avons-nous priorisé nos vies et nos désirs ?

Certes, on meurt aussi d’autres choses que du Covid-19, et parfois ce n’est pas faute de nous avoir avertis en nous incitant à moins consommer de tel ou tel produit, à prendre davantage soin de nous… Mais là, puisqu’il s’agit de se protéger d’un virus en nous protégeant nous-mêmes, ne pouvons-nous pas garder précieusement l’essentiel et gagner du temps sur l’accessoire ?

Ne pouvons-nous pas nous rappeler qu’avant d’être consommateurs, nous sommes responsables de nous-mêmes et de ceux qui nous sont proches, qui sont eux-mêmes proches d’autres que nous ne connaissons pas. Que tous ensemble, par-delà nos métiers et nos territoires, nous formons à nous tous une communauté que nous pouvons espérer humaine et vivante !

Se donner une chance d’être avant de penser en avoir, accepter la goutte pour savourer demain le litre, construire ensemble avant de contester, n’est-ce pas là également une façon de prendre en main l’avenir commun de nos sociétés alors que nous n’avons même pas à nous préoccuper de faire des kilomètres à pied pour aller remplir le saut dont l’eau se serait évaporée au retour à destination…

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(1)- Serge Girard, avec Clément Brault, Philosopher en courant. Paris : Fayard, 2018 (pages 90-91).

 

Si on arrêtait de monter la tête aux gens,
les consommateurs pourraient devenir des citoyens…
(03/11/2020)

Le reconfinement suscite de la grogne, voire une fronde de la part, entre autres, des commerçants indépendants. Des groupes de pression se mettent en place, au prétexte d’une concurrence déloyale, pour tenter de faire changer les décisions prises par le président de la République et le gouvernement. Mais, entre le verre à moitié plein (trop rare) et celui à moitié vide (souvent resservi) dont nous abreuvent les informations, pourrions-nous, au moins au titre d’une volonté de semer patience et courage, nous réjouir qu’il nous reste encore un verre à boire ?

Le 1er novembre, alors que les commerces de proximité grondent sur le traitement de leur activité face à la remontée de la Covid-19, le Premier ministre, Jean Castex, est intervenu au journal de TF1. Il a réaffirmé qu’il ne reviendrait pas sur les mesures annoncées et qu’il les assumait. L’impatience que l’on reproche souvent à nos jeunes « du tout tout de suite » serait-il devenu le marqueur de notre société ?

Le président de la République nous a donné rendez-vous dans quinze jours, à partir de la date du confinement, pour faire un point sur le recul de la pandémie. C’est l’occasion pour chacun de réviser ses comportements, de se demander ce qu’il a fait pour se protéger et protéger les autres. Elle était belle la solidarité de 20 heures pour les soignants : qu’en est-il désormais face à cette seconde vague (seconde et non deuxième, vraiment) ?

Comment peut-on vouloir soutenir le monde professionnel et le commerce, et donc l’économie, le 2 novembre, ce jour-là même de la fête des Défunts, en titrant dans Livres hebdo : « Reconfinement – Jean Castex enterre les attentes des libraires ».

Enterrer les attentes ? Quel cynisme quand on pense que certains enterrent leurs proches ! Il y a les attentes des libraires certes, des fleuristes, des vendeurs de décorations, de jouets, de vêtements… qui attendaient qu’on leur dise : « D’accord, vous allez rouvrir ! » Mais alors cette pression sanitaire ne serait-elle qu’un fantasme de vieux cauchemars ? On « enterre » les attentes mais Livres hebdo ne souligne pas la suite ! Le Premier ministre n’a-t-il pas aussi dit que seraient fermés, à partir du mardi matin, tous les rayons des grandes surfaces correspondant aux magasins de proximité fermés (vêtements, livres, chaussures, etc.) ?

Santé – économie : de la valeur des personnes et des biens

Arrêtons les débats stériles sur les produits et magasins essentiels, indispensables, nécessaires… La seule chose essentielle dans la vie, c’est la vie et si possible en bonne santé et sans séquelles d’une maladie qui devrait nous obliger à penser autrement et à revoir notre carte des priorités.

Certes, il y a la France des résignés et la France des râleurs, mais pouvons-nous aussi être parfois la France solidaire et positive ? Si nous n’étions plus seulement des consommateurs de biens et des acheteurs auprès de stockeurs de produits, mais les soutiens de nos commerçants ? Apprendre la patience, la confiance, et retrouver le contact qui nous fera revenir vers nos commerçants ! Ils sont ce qu’ils sont ces besoins que nous avons et que nous nous créons parfois, jamais suffisants sans doute. Mais ce serait une force puissante pour l’avenir de notre mode de vie de réfléchir à ce besoin que nous aurions de recevoir demain ce que nous pourrions choisir d’avoir après-demain, non pas à travers un écran mais dans la vie réelle.

D’accord, d’ici là, il faut que les commerces tiennent, et ce ne sera pas facile mais déjà les commerçants inventent, innovent et fidélisent leurs clients et puis, cela vaut ce que cela vaut, mais des aides sont annoncées malgré tout.

Au fond, on nous parle des GAFA contre nos commerces. Mais les clients des GAFA ne sont pas imaginaires. Ces clients, c’est nous, qui n’aurions pas la patience d’attendre quinze jours pour différer nos achats le temps de soulager la pression sanitaire. Ceux qui font la réussite des GAFA, ce sont ceux qui y achètent, pas ceux qui vendent…

Alors à ces gens qui demandent à ce qu’on les responsabilise et qu’on arrête de les infantiliser avec les attestations de sortie, peut-être serait-il temps de leur demander de revoir leurs valeurs ? Celles qu’ils donnent aux personnes et aux biens. Celles qu’ils donnent au monde discret mais essentiel qui les entoure quotidiennement dès qu’ils quittent le confort feutré dans lequel le téléphone portable, la tablette et l’ordinateur, reliés à Internet il va s’en dire, ont la meilleure place pour consommer en oubliant que commercer, c’est d’abord échanger.

Espérons qu’à trop vouloir anticiper nos achats, nous n’ayons pas à les offrir à des proches, décédés entre temps de notre inconséquence à vouloir faire les boutiques plutôt qu’à nous protéger les uns les autres.

 

Nous vivons dans un pays de libertés : battons-nous pour y rester… (20/10/2020)

En France, on peut polémiquer à l’infini, rappelle Le Monde dans son édition des 18 et 19 octobre 2020 (éditorial). On aime à le faire et on a « l’immense chance de pouvoir le faire ». Plus loin, le quotidien mentionne la liberté « de penser, de dire, d’écrire et de dessiner ».

Mais en France, on aime aussi se plaindre, croire qu’on est plus malheureux que tout le monde, imaginer exister dans le monde dont on rêve – qui n’est pas celui où on vit. Pour d’aucuns, il est difficile d’admettre leur chance de pouvoir résider dans un pays démocratique qui s’efforce de garantir les libertés.

Pourtant, à la suite du président de la République, Le Monde a raison d’en appeler à « l’indispensable unité autour de la liberté d’expression ». L’appel est lancé face aux actes terroristes menaçant celle-ci. Le dramatique événement qui s’est produit le 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) montre l’impérieuse nécessité de prendre conscience qu’il convient de rester vigilant, de refuser tout joug, de continuer de dénoncer tout ce qui peut remettre en question nos libertés.

Pour l’heure, difficile d’ignorer les menaces du terrorisme islamiste. Mais les atteintes aux libertés sont souvent sournoises ; elles peuvent séduire tous ceux que ces libertés entravent dans leurs actions – souvent individualistes. Par ses votes, ses choix de lecture, ses prises de position…, chacun peut contribuer à ce que nous continuions à vivre dans un pays de libertés. C’est se battre pour un projet de société pour lequel il convient de ne pas tout attendre des autres !

 

Végétarisme ou souffrance animale. Remue-méninge autour de ce qu’on met sur la grille du barbecue… (07/09/2020)

Cette fois-ci, c’est davantage un partage de questionnements que nous proposons. Non pas qu’il n’y ait pas de réponse aux questions que nous allons poser, mais parce que les avis sur celles-ci sont tellement tranchés qu’il est difficile de défendre un point de vue sans une très, voire une trop longue argumentation. Cependant, avant de passer à table ou d’aller faire les courses, un petit débat avec soi-même peut s’imposer…

Commençons par poser les choses qui peuvent l’être. Il s’agit ici d’engager une réflexion sur la place des animaux, la souffrance que l’humain est susceptible de leur imposer pour son propre bénéfice, voire aussi la place que nous leur donnons dans notre propre alimentation. Déjà, on peut imaginer que les uns et les autres, nous avons une idée sur ces questions, souvent argumentées et défendables.

Mais ce que nous vous invitons à faire est à questionner ce sujet autour de trois axes qui, pour notre part, nous bousculent dans nos représentations et aussi dans nos pratiques.

Trois questions sans réponse mais qui donnent matière à s’interroger…

1. Notre système agricole est basé en partie sur l’élevage d’un certain nombre d’espèces. Si nous n’élevions plus les animaux de ferme comme nous le faisons actuellement, que seraient devenus les bovins, moutons, poules et canards ? La question n’est pas celle du bien-être de ces animaux dans les élevages mais bien celle de leur capacité à survivre aujourd’hui à l’état sauvage ou presque sauvage. Quand on considère le nombre d’espèces qui ont disparu de la surface de la terre, que serait-il advenu de ces animaux ? Quelles et combien de variétés de vaches, de porcs, de moutons auraient perduré ?

2. Si nous décalons un peu la question et revenons à celle des conditions d’élevage, nous nous offusquons des conditions de vie laissées aux porcs ou aux volailles. Cela amène nécessairement à la question de la limite de notre intolérance à la souffrance vis-à-vis de ces espèces animales. Nous avons aussi entendu parler de la maltraitance infligée aux rats ou souris de laboratoire, qui choque certes, mais souvent bien moins que celles auxquelles sont soumis les lapins, les chats et les chiens, les singes… Mais pensons-nous à celle des fourmis et autres cafards sur lesquels sont testés tout un tas de produits visant à leur extermination ? Au final, la limite de l’acceptation de la souffrance animale se mesure-t-elle au type de leur peau ? Et l’on ne parle pas ici de couleur, mais bien de la texture même qui recouvre ces êtres vivants faits de poils, d’écailles ou de plumes… Et, d’ailleurs, qu’en est-il de notre réflexion sur les conditions des poissons d’élevage qui ne semblent pas plus glorieuses que celles des poules en batterie ?

3. Partant de là, sans doute faut-il interroger la hiérarchie des espèces en s’écartant un peu du fameux « pour ou contre manger de la viande »… Dans le règne des êtres vivants, depuis que nous sommes tout petits, on nous dit « manger ou être mangé »… D’accord ! Mais si l’on y regarde de plus près, le lion mange la gazelle, le rapace mange le hérisson, le chat mange la mésange… Mais si le chat mange la souris et si le rapace mange le serpent, alors deviendraient-ils nos bienfaiteurs, chassant ceux qui nous font peur ou nous répugnent ? Les herbivores seraient-ils donc plus haut dans notre estime de la hiérarchie animale parce qu’ils mangent des végétaux ? Si les animaux se mangent entre eux, pourquoi le dernier des animaux qu’est malgré tout l’humain, ne pourrait-il pas lui aussi manger des animaux d’autres espèces ? De fait, le lion ne mange pas le lion ; il n’est donc pas question ici d’aborder la question des humains qui mangeraient d’autres humains, même si l’histoire a beaucoup à nous apprendre sur cette question si particulière relevant de la symbolique de ce que l’on mange et qui fait de nous ce que nous sommes. N’allons pas non plus jusqu’à penser à la souffrance des végétaux et autres arbres… Les recherches en ce sens ouvrent de nouvelles perspectives, mais lorsque nous en serons à penser la différence entre la souffrance du blé élevé de façon intensive et du blé sauvage, notre civilisation aura sans doute passé un autre cap ! Entre temps, il nous aura sans doute fallu intégrer la différence entre les sauterelles sauvages et les grillons d’élevage que nous mangerons pour remplacer la consommation des veaux et autres agneaux !

 

Au nom de la planète, un peu de cohérence ne ferait pas de mal ! (11/08/2020)

Divertir, faire découvrir les régions de France, instruire aussi par la quête de réponses à des épreuves qui mêlent culture, géographie, histoire et tradition du territoire exploré, une belle initiative que propose France 3 à travers son jeu : La carte aux trésors. Une chaîne publique au service des régions !

Tout cela pourrait être magnifique si chacun des candidats n’avait pas à sa disposition un hélicoptère ! Ce jeu, car rappelons-le une nouvelle fois, il s’agit bien de cela, ce jeu donc mobilise trois hélicoptères (deux candidats, un animateur) pour le bon plaisir des participants et de ceux qui les regardent confortablement installés dans leur canapé.

Certes, ce jeu ne date pas d’aujourd’hui, mais les temps changent…

Comment peut-on encore produire et diffuser ce type d’émission quand on nous annonce un réchauffement de + 2 °C pour notre planète et la fin programmée de certaines espèces d’ours polaires avant 2100 ? Et nous nous limiterons à cette seule disparition… Comment peut-on encore affréter des hélicoptères pour un divertissement quand on demande aux citoyens de se responsabiliser en polluant moins, en se déplaçant de façon plus raisonnée ?

Enfin, on pourra toujours se refaire une bonne conscience en regardant Le monde de Jamy, toujours sur France 3, pour éveiller nos consciences sur les phénomènes que vit notre planète…

 

Et si l’égalité femme-homme s’appliquait à l’érotisation du corps ? (10/08/2020)

À la faveur des chaleurs de l’été, la tendance est à la légèreté des vêtements. Une approche par genre laissera aisément penser que cette tendance ne se vit pas de la même façon pour les femmes et pour les hommes, du fait même de leur anatomie et des fantasmes que peuvent susciter certaines parties du corps de l’un ou l’autre sexe.

De fait, au moins sur la scène publique, l’érotisation des corps ne fonctionne pas de la même façon. L’attrait porté aux courbes des femmes ou des hommes, à leur silhouette respective, leur poitrine, le bas de leurs reins ou leurs fesses, n’évoquera pas la même sensualité, voire la même réaction (demande d’un 06, sifflement, invitation à un rendez-vous coquin, qualificatifs que l’on préfèrera taire ici…).

Sans pudibonderie excessive, il va de soi que la beauté se laisse regarder. Et chacun sait que la beauté n’a pas de norme. Elle se lit d’abord dans le regard de celui qui regarde, mais aussi dans le bien-être de celle ou celui qui l’affiche. Si l’on a beaucoup évoqué, à travers les époques, la façon dont pouvait s’afficher le corps sur la scène publique, ainsi que les transgressions que certains lieux autorisaient (plage, piscine, hammam…), il n’en reste pas moins vrai que dans certaines circonstances, les yeux et les oreilles, même les moins farouches, aimeraient plus de retenues même si les mœurs ont évolué…

Réfléchissons deux minutes…

Une femme habillée trop court, taille trop basse, laissant voir un haut de string, le bas de ses reins, ou avec un décolleté trop plongeant et révélant un début de sein, est une provocatrice, voire une « aguicheuse » (pour ne pas employer ici un vocabulaire qui sied peu à cette publication et on ne parle pas ici de séduction). En tout cas, les raccourcis vers les « en voilà une qui aura bien mérité ce qui lui arriverait s’il devait lui arriver quelque chose » flottent dans l’air…

Et un homme qui offre aux yeux de tous, même de ceux qui voudraient s’en dispenser, son torse dénudé et ce qu’il convient d’appeler parfois, enfin pas toujours, des « tablettes de chocolat » et des pectoraux musclés et dessinés, ou encore le bas de son ventre bien plat au profit d’une taille basse bien exploitée, qu’en dira-t-on ? D’autant que sculpter un tel corps fait partie le plus souvent d’une véritable endurance et stratégie de l’effort.

Mais parce que les hommes ne sont pas toujours en reste quand il s’agit de prendre des libertés qu’ils dénient aux femmes, mettons carte sur table…

Combien de fois, au supermarché, devant l’étagère la plus basse d’un rayon, en vide-grenier ou lors du dépassement par un cycliste trop pressé sur le chemin de halage, ne tombons-nous pas sur la raie des fesses d’un de ces messieurs ? Là encore, nous pourrions utiliser le terme moins châtié qui nous vient à l’esprit quand on tombe sur cette partie de l’anatomie que femmes et hommes ont en commun mais qu’il convient, pour chacun, de laisser à l’abri des regards du moins en public, dans ce que l’on appelle une culotte, un slip, un boxer !

Et donc… Un homme dont on voit la raie des fesses est quoi, quand une femme dont on voit la même partie du corps est une allumeuse ?

Allons mesdames, messieurs qui défendez l’égalité femme-homme, à quand le courage des quolibets et autres sobriquets, des avances et des insultes non dissimulés à ces hommes qui exhibent sans gêne leur corps plus ou moins attrayants ? À quand un travail sur les effets de la mode taille basse et son côté pas très pratique, qu’on le veuille ou non, pour les activités du quotidien dès qu’il s’agit de se pencher ou de se baisser un peu ? À quand ce retour à une forme d’intimité, de décence et d’élégance, qui évitera simplement de tomber à l’improviste, sur cette partie de l’anatomie qui prolonge le dos de toute femme ou de tout homme ?

 

Ne pas perdre la mémoire pour inventer demain (15/06/2020)

Combien avons-nous été, ces derniers mois, à nous réjouir de la qualité de l’air, du chant des oiseaux et des images insolites d’animaux réinvestissant des territoires qu’ils avaient abandonnés ? La nature reprend un peu ses droits quand les humains arrêtent de se croire tout permis. Mais qu’elles ont été de courte durée les promesses du confinement vis-à-vis de notre planète !

Alors que le dé-confinement se poursuit, certains semblent avoir déjà oublié que le sol n’est pas une vaste poubelle. Ces masques qui s’ajoutent aux habituels déchets en tous genres sont réellement inadmissibles ! L’hygiène doit sûrement commencer par celle que l’on a dans la tête…

Et parce que nous craignons la contamination par contact, on se met à nous vendre à nouveau fruits et légumes sous film, dans des boîtes en plastique et dans des sacs. Bien sûr on peut s’en réjouir car, pour peu que l’on fasse assez souvent les courses, on sait bien qu’il n’est pas rare de voir sur les étals un fruit ou un légume bien avancé, pour ne pas dire pourri, et il est un peu normal de ne pas vouloir les acheter au prix fort pour n’être au final que transportés jusqu’à la poubelle de la cuisine ou au bac à compost !

Mais à y regarder d’un peu plus près, et en particulier cette courbe du chômage qui nous inquiète tant et à juste titre, ne pouvions-nous pas trouver une autre solution, a priori si évidente ?

Réinventer le petit commerce en grand surface

Dans de nombreuses grandes enseignes alimentaires, on voit réapparaître le boulanger, le fromager, le boucher, qui prodiguent des conseils, proposent des produits à la demande et les découpent selon le besoin. D’où une contribution réelle à la lutte contre le gaspillage alimentaire ! Et au regard de l’attrait des marchés, pourquoi ne pas revenir aux primeurs ?

Voulons-nous sauver l’industrie du plastique qui pollue, ou bien développer les services, les emplois, et revenir à une forme de qualité ? Si l’on veut réellement soutenir les producteurs locaux qui bichonnent leurs récoltes, pourquoi ne pas recréer des rayons où des vendeurs salariés nous serviraient ? Au fond, qu’avons-nous à y perdre, quelques centimes par kilo acheté ? Mais la mise sous film plastique a elle-même un coût ! On ne choisirait plus nos produits ? Mais choisissons-nous vraiment quand il nous faut retourner cinq fruits et légumes avant de trouver celui qui n’aura pas été griffé, assorti d’empreintes palmaires ou digitales, mûri artificiellement par pressage inutile !

Certes, le distributeur se verrait obligé de mettre des produits de qualité sur son étal plutôt que des produits jetés en vrac et sans précaution, puisque de toute façon, ils sortent du congélateur, ils ne sont pas à maturité, sans aucun goût… On y gagnerait aussi l’obligation d’une confiance entre le producteur, le distributeur, le vendeur et le consommateur qui ne sera fidèle qu’à ceux qui connaissent les produits et qui savent reconnaître la qualité de ce qu’ils proposent…

Tout le monde y gagne puisque l’on recrée de l’emploi, on donne de la valeur aux salariés qui ne sont pas que des metteurs en rayon, sans parler d’une chaîne de relations sociales et de dialogue. On remet ainsi de la valeur et du prix aux produits et donc aussi aux salariés et au travail. On limite les déchets, les invendus et les plastiques devenus inutiles et on préserve davantage la planète…

Au royaume de l’Utopie

Durant le confinement, combien avons-nous entendu d’habitants, cloîtrés à Paris ou d’autres grandes villes, espérer retrouver la nature ou la campagne ? Certains en ont rêvé et d’autres l’ont projeté : tout plaquer pour changer de vie à la faveur parfois de la découverte du télétravail… Mais nous n’allons pas entrer dans ce sujet qui vaut, à lui tout seul, toute une réflexion autour de ce qui fait la valeur du temps personnel et du temps de travail, du privé et du professionnel, sans parler de l’impact sur l’environnement de l’envoi de tous ces messages – pollution certes moins visible que les voitures qui circulent mais tout aussi néfaste !

En tout cas, profiter de cette envie d’un retour à la nature et à des territoires moins densément occupés, n’est-ce pas l’occasion de ramener de la vie dans les petits villages ? N’est-ce pas une occasion de réinvestir dans ces vieilles pierres oubliées au lieu de construire à-tout-va des maisons toutes identiques et parfois même sans âme ?

Et si nous poussons le raisonnement à l’extrême puisqu’en utopie il n’y a point de limite : ces petits villages, dans une dynamique retrouvée et plus solidaire, puisque c’est ce que ces nouveaux habitants seront venus chercher ou construire, trouveront l’énergie suffisante pour remettre en place une politique locale qui fait parfois défaut en ces temps d’élection. Ne nous parle-t-on pas de ces communes où plus aucun candidat ne veut prendre le risque de conduire les affaires publiques ? Quant aux écoles, elles pourront à nouveau faire entendre les rires des enfants… Car, à n’en pas douter, la natalité pourrait bien redémarrer dans ces paysages plus verdoyants… Et comme il y aura des anciens et des enfants, les médecins reviendront s’installer, comme le café, l’épicier, le coiffeur et…

Cette pause forcée de deux mois ne doit pas être source d’hallucinations collectives, c’est certain. Mais au lieu d’une course folle pour ne pas dire une fuite en avant, elle pourrait imposer une remise à zéro des compteurs plutôt que d’essayer de colmater des brèches à coup de millions, de milliards plutôt. Chacun où il est, pour peu qu’il soit un peu lucide et solidaire et qu’il participe du plus grand nombre, peut sentir cette peur économique qui plane.

Tout le monde a des raisons de craindre une forme de dépression dans toutes les acceptions du terme (psychologique et financière). Mais puisque visiblement on peut trouver de l’argent pour éviter de sombrer, ne peut-on pas se donner la chance de revoir nos priorités, nos modes de vie ? Ne pourrait-on pas investir cet argent dans un autre projet de société ? Le confinement a révélé des initiatives, de la créativité, de la solidarité… N’y aurait-il donc rien à retirer de cette expérience ? On ferme la parenthèse et on recommence comme avant ? Pour combien de temps ?

Certes, il faut du temps pour imaginer un nouveau projet de société, un nouveau mode de vie, une nouvelle politique, mais puisque nous avons pu survivre à ces deux mois d’arrêt, avant que la course folle ne soit à nouveau lancée, ne serait-il pas pertinent de juste vouloir poser les questions autrement pour ne pas reprendre les problèmes là où nous les avons laissés, mais en pire !

Les vertus d’une proximité parfois à distance

Certes, peut-être tout cela n’est-il qu’enfoncer des portes ouvertes, mais parfois il est bon de les rouvrir et d’utiliser un haut-parleur puisque ceux qui sont de l’autre côté de la porte n’entendent rien ou ne veulent pas entendre.

Innover plus que jamais, ce serait revenir aux pratiques des anciens, qui allaient chez le quincailler, le crémier, le poissonnier, le boucher et le primeur… Certes, cela a un prix et donc un coût, mais n’avons-nous pas pris conscience, lors de cette crise sanitaire, de l’opportunité d’une certaine inversion des valeurs salaire / travail et de la nécessité d’une forme d’indépendance face à certains produits et plus encore quand on parle de produits frais ? Il ne s’agit pas de couper toute relation commerciale avec les pays voisins et lointains, ou de se replier sur soi, mais de repenser la qualité et les valeurs que l’on attribue aux personnes et aux produits.

Bien sûr, nous profitons de la modernité, de l’industrialisation, mais cela ne doit-il pas être au bénéfice des humains, et non de l’argent et des machines ? Bien sûr, nous profitons de relations économiques planétaires qui nous font découvrir la richesse de cette planète et des habitants qui la peuplent, mais cela ne peut pas être au prix de ceux qui résident dans nos territoires de proximité.

Ce cercle vertueux est à notre portée, si nous ne refermons pas dès à présent la porte ouverte sur les solidarités et ce constat que la planète va mieux lorsque les humains sont mis entre parenthèses.

Quelle société voulons-nous ? Quels humains voulons-nous être ? Dans quel monde voulons-nous vivre ? Il est temps que chacun de nous pose et que nous nous posions les bonnes questions… Car, sinon, prenons les paris que la nature, l’environnement puissent bien un jour répondre à notre place, à coup de raz-de-marée et autres tsunamis, à coup de tempêtes, voire d’ouragans, à coup de maladies, voire de pandémies…

 

La mortalité n’est pas une compétition… (02/06/2020)

Les chiffres de la mortalité liée au Covid-19 ont donné lieu à moult critiques, suspicions, accusations. Les statistiques sont importantes : elles fournissent les bases sur lesquelles on peut s’appuyer pour l’analyse et les prises de décision. Encore faut-il que les chiffres soient fiables ! Qu’ils reflètent la réalité !

En France, c’est surtout la litanie de Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, qui a prêté le flanc à la polémique. Trop anxiogène… Trop insipide… Nous serons plus nuancé et soulignerons qu’on avait affaire ici plus à un exercice de communication qu’à un exposé scientifique. Concrètement, la dramatisation concourait au respect des règles de confinement par le plus grand nombre possible d’auditeurs ou de téléspectateurs dans un pays où la transgression des interdits n’est pas l’apanage des seuls adolescents.

Les statistiques, y compris en France, ont leurs limites. Au demeurant, l’approche territoriale et les évolutions dans le temps ne sont pas dénuées d’intérêt si les modalités de recueil restent homogènes.

Les comparaisons entre les différents pays posent plus de problèmes. Longtemps, la presse s’est contentée du nombre de décès par pays. Avec plus de 100 000 morts, les États-Unis occupent le funèbre premier rang. Mais on conviendra en toute bonne foi que comparer le nombre de morts aux États-Unis avec, par exemple, la Belgique – près de 29 fois moins peuplée – n’a réellement aucun sens.

La mortalité rapportée au nombre d’habitants apporte un tout autre éclairage : la mortalité aux États-Unis (31 décès pour 100 000 habitants) est bien inférieure, entre autres, à celle de la Belgique (82), de l’Espagne (58), de l’Italie (55) ou de la France (43).

Comparer ce qui est comparable

Ces comparaisons entre pays ne vont pas de soi car elles supposent des modalités de recueil strictement équivalentes. Si la réponse était aussi simple, on peut penser que les historiens se seraient mis d’accord depuis longtemps sur le nombre de décès, dans le monde, liés à la grippe dite « espagnole » de 1918-1919. Or, les chiffres mondiaux oscillent entre 20 et 100 millions de morts.

Si nous considérons que cette grippe dite « espagnole » a tué de 240 000 à 400 000 Français, on peut être surpris des seuls 29 000 morts en France liés au Covid-19 au regard des mesures qu’il a suscitées. Dès lors, on pourrait presque s’insurger contre les mesures draconiennes que l’État français a prises sous prétexte de pandémie. Un tel raisonnement serait pourtant irresponsable : on ne saura jamais avec certitude combien il y aurait eu de morts si le gouvernement n’avait pas institué le confinement.

Mais revenons aux comparaisons entre pays. Pour quelles raisons sont-elles insensées ? Quels sont les facteurs susceptibles d’influencer le niveau de mortalité ?

Voudriez-vous minimiser l’ampleur d’une pandémie ? C’est simple : il suffit de « jouer » sur la cause principale de décès. C’est tout le problème quand plusieurs causes médicales peuvent expliquer un décès. Tout dépend encore des facilités d’accès aux soins. Pour des raisons financières ou d’éloignement géographique, s’il est impossible d’accéder à un hôpital susceptible de soigner et de guérir une personne atteinte du Covid-19, surtout en période de confinement, forcément des malades vont renoncer aux soins et cela aura un impact sur les statistiques officielles.

Et quand la maîtrise supposée de la crise sanitaire constitue un enjeu de politique intérieure et extérieure, on peut faire confiance aux pouvoirs en place pour jongler avec les chiffres…

On sait aujourd’hui que plein d’autres facteurs peuvent intervenir, tels la pyramide des âges, la densité de population, la mobilité internationale, les politiques gérontologiques, la discipline collective pour notamment le respect des règles préventives, sans oublier l’offre de soins…

 

L’enseignement universitaire à distance n’est qu’un pis-aller (22/05/2020)

« Covid-19 : la réponse des universités françaises », tel est le titre du « rapport » livré par Francis Vérillaud, conseiller spécial à l’Institut Montaigne. N’y aurait-il pas tromperie sur la marchandise quand on sait que toute l’analyse repose sur un travail d’enquête, mais auprès de seulement quatre universités, et pas une seule de Paris ou de la région parisienne. Et aucune information sur la méthode utilisée pour cette étude.

Dans ces quatre universités, « les enseignants, professeurs, chercheurs et personnels ont été au rendez-vous dès le 13 mars et parfois même avant pour emmener une partie très significative de la communauté universitaire dans une réalité virtuelle ». Et, selon l’auteur, « c’est ce qu’il s’est passé dans toutes les universités de France ».

Tout le rapport diffuse ainsi un discours dithyrambique. « Les universités ont su répondre à leurs responsabilités et assurer leurs missions »… « La continuité pédagogique a pu être assurée immédiatement »« Les étudiants, dans leur très grande majorité, se sont partout et aisément adaptés aux nouvelles pratiques d’enseignement »

Bien sûr, il y a le problème des étudiants qui « sont à la campagne avec des connexions faibles » ; qui ont « des moyens financiers insuffisants pour être connectés convenablement et durablement » ; qui « ne peuvent plus travailler pour subvenir à leurs besoins et donc sont en position de détresse »… Mais tous les ans, rappelle Francis Vérillaud, des étudiants abandonnent en cours de cursus. Seulement, n’y a-t-il pas des étudiants qui ont abandonné leurs études à cause du confinement et de l’enseignement à distance… et qui n’auraient pas arrêté dans des conditions normales ?

Francis Vérillaud ne nie pas les difficultés avec les stages, le travail en apprentissage ou encore les séjours à l’étranger, mais son discours est toujours le même : tout va très bien, les universités ont su s’adapter à tout cela (enfin, les quatre universités sur lesquelles a porté l’étude).

Tout est parfait dans le meilleur des mondes…

La question des examens est « présente », mais là encore ce n’est pas « un problème d’une importance majeure dans la mesure où la première moitié du second semestre a été faite normalement ».

Finalement, si problème il y a eu ou il y aura, c’est plus pour les activités de recherche.

Francis Vérillaud poursuit sa démonstration : les universités ont retrouvé « un sens de l’action » et inventé « les solutions aux difficultés les plus inédites ». On retiendra que le basculement sur le télétravail s’est effectué « sans souci jusqu’à 80 % de l’ensemble ». Tout juste une pensée pour les étudiants qui vont entrer sur le marché du travail dans des conditions défavorables, et voilà les universités qui se préoccupent déjà de la rentrée 2020-2021.

Ce qu’il y a de plus dommageable encore dans cette analyse est de considérer que l’université est une et uniforme sans tenir compte des parcours, du cycle, voire même des pédagogies mises en œuvre.

Mais comme tout s’est très bien passé cette année, pourquoi s’inquiéter puisque tout ou presque peut se faire en télétravail et que la pédagogie numérique semble permettre une égale qualité d’enseignement ?

Notre expérience locale nous amène à un moindre optimisme dans les constats :

Oui, en cas d’épidémie, il faudra s’adapter, mais arrêtons d’imaginer que l’enseignement à distance et les pédagogies numériques sont l’avenir souhaité voire souhaitable dont doivent rêver les enseignants et les étudiants !

 

Une épidémie révèle la nature humaine… (10/05/2020)

De cette crise sanitaire du coronavirus, on retiendra l’esprit de solidarité, le dévouement, le professionnalisme de la majorité des occupants humains de la planète. Qui voudrait laisser à la postérité, par exemple, ces images de rayons de pâte dévalisées dans les magasins alimentaires ; ou encore cette fuite d’urbains vers leur résidence secondaire au bord de la mer ?

La nature humaine est ainsi faite… Que survienne une épidémie, que la mort ne soit plus une éventualité, mais une menace personnelle, directe, immédiate, et voilà que toutes les perspectives sont modifiées et les barrières morales renversées ; le vernis de la civilité, là où il existait, s’écaille… L’égoïsme devient viscéral.

En quelques semaines ; l’épidémie à son paroxysme aboutit à une remise en cause de valeurs considérées en temps normal comme fondamentales. Heureusement, la lâcheté et l’égoïsme n’ont d’égal que l’héroïsme d’une poignée de femmes et d’hommes. Certains paient de leur vie cet exceptionnel courage.

Ces quelques lignes caractérisent-elles le comportement humain sur la planète Terre en 2020 ? Non, bien sûr ! Nous avons tout emprunté ici à l’historien François Lebrun qui décrit les hommes et la mort en Anjou en temps d’épidémie de peste ou de dysenterie, aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans un « essai de démographie et de psychologie historiques » (Paris : Flammarion, 1975, pages 312 à 317)… Nous avons tout emprunté ? Non, pas les rayons de pâte dévalisés et les tentatives de fuite vers les résidences secondaires. En d’autres circonstances, ce sont les interminables files d’attente aux pompes à essence dès qu’on annonce un hypothétique blocage des raffineries…

Chine : du silence mortifère à la propagande (28/04/2020)

Le SARS-CoV-2 est officiellement responsable de 4 600 décès en Chine quand on en est à plus de 50 000 aux États-Unis, à plus de 20 000 en Italie, en Espagne, en France ou en Grande-Bretagne. Que voulons-nous insinuer ? Que le virus devient de plus en plus méchant en vieillissant ? Ou plutôt que les Chinois ont une autre façon de compter qui amène – pour des raisons essentiellement politiques – à sous-estimer la mortalité ?

Bon nombre d’experts en sont convaincus. Des journalistes ont mené des enquêtes – sans parler de services de renseignement –, et à moins d’être naïfs au point de douter du bien-fondé de leur suspicion, force est de reconnaître que les autorités chinoises – c’est-à-dire celles du Parti communiste du président Xi Jinping – ont joué un jeu dangereux tant sur le plan sanitaire que sur le plan politique.

L’épidémie est apparue dans la province du Hubei (59 millions d’habitants ; capitale : Wuhan) au second semestre 2019. Fin décembre, sur un forum de discussion en ligne, des médecins échangent entre eux des informations sur le virus. Quelques jours plus tard, la Police les « réprimande », leur reprochant la « propagation de fausses rumeurs ». Relayée par les médias officiels, l’affaire vise très probablement à faire taire le corps médical à l’approche du Nouvel An chinois (25 janvier).

Dans Le Figaro du 24 avril 2020, Jean-Louis Tremblais titre sur « le grand mensonge chinois ». Pour le journaliste, « le régime chinois n’a jamais dit la vérité sur, au moins, trois points : l’émergence, l’ampleur et le bilan de la pandémie ».

Les autorités chinoises ont sommé les médecins de Wuhan de se taire et ont tout fait pour minimiser les risques de transmission du Covid-19. De fait, ce n’est que le 20 janvier qu’elles admettent que le coronavirus se propage entre humains. Et c’est seulement le 28 janvier que les médecins sont réhabilités. Dont le docteur Li Wenliang, décédé du Covid-19 le 7 février, à l’âge de 33 ans. C’est lui qui avait informé ses collègues que l’énigmatique virus était probablement de type « SRAS ».

Les autorités ont tout fait pour cacher la vérité au peuple chinois d’abord, mais aussi au monde entier. Début février, l’administration chinoise renforce d’ailleurs son contrôle de l’information sur les réseaux sociaux relative au coronavirus… et au Parti communiste ! Ce refus obstiné de voir la réalité en face a tout simplement permis au coronavirus de se répandre et d’infester la planète entière. On en voit aujourd’hui les conséquences tant sur le plan économique que sur le plan humain avec les dizaines de milliers de morts qui frappent tous les pays du monde entier – y compris ceux trop démunis pour faire face à une telle pandémie.

Difficile de gagner sur tous les fronts…

Avec tout leur talent pour la manipulation de l’information, les autorités chinoises ont cherché à mettre en avant leurs actions pour venir en aide, notamment aux pays occidentaux, mais aussi aux pays africains. Et c’est bien sûr pour les entreprises chinoises, très réactives, l’occasion de faire du « business » sans vergogne ni retenue. Sous la pression de la demande, les prix s’élèvent !

Les autorités chinoises sont passées maîtres dans l’art de la communication ou plutôt de la propagande éhontée. Vous n’avez pas de masques, ni tests, ni respirateurs ? Qu’à cela ne tienne, on va vous en fournir autant que vous en voulez ! La Chine, deuxième puissance économique mondiale, va encore en profiter pour nous inonder de ses produits, faire du profit, et finalement nous rendre plus dépendants de ses entreprises.

Pour autant, les autorités chinoises ont probablement échoué dans leur stratégie de propagande. Trop, c’est trop ! Venir au secours de l’humanité ? Il y avait là un boulevard candidement ouvert par Donald Trump qui a laissé le leadership à Xi Jinping.

Mais la Chine est passée à côté. Les preuves de son manque de transparence sur le Covid-19 ont fait le tour du monde et suscité partout de la défiance, de la suspicion. En outre, quelle mouche a piqué les autorités chinoises pour se montrer si lourdement condescendantes, arrogantes, donneuses de leçons, vis-à-vis de la gestion de la pandémie par les pays occidentaux ? Elles-mêmes avaient pourtant bénéficié de la solidarité internationale au début de l’année !

À titre d’illustration, citons ce texte que l’Ambassade de Chine en France a publié le 12 avril sur son site, accusant entre autres – sans fournir de preuves – les membres du personnel soignant français des établissements pour personnes âgées (Ehpad) d'avoir « abandonné leurs postes du jour au lendemain […] laissant mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie ». Dans ce texte, par ailleurs, l’ambassade de Chine accuse « les autorités taïwanaises, soutenues par plus de 80 parlementaires français dans une déclaration cosignée », d’avoir insulté le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en utilisant « le mot “nègre” pour s’en prendre à lui ». Dès lors, on peut comprendre que le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ait convoqué l’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, pour lui faire part de sa « désapprobation »…

Dans une chronique publiée dans Le Monde du 24 avril 2020, Alain Frachon évoque « l’échec de la diplomatie du masque » en pointant la responsabilité de Xi Jinping : pour le chroniqueur, le président chinois ne chercherait qu’à d’abord montrer la suprématie du système chinois sur les démocraties libérales.

Il est temps de nous réveiller et de réagir, non pas contre le peuple chinois, mais contre ces autorités aux pratiques très douteuses. Ne nous laissons pas berner par leur prétendu altruisme et leur aide censée être désintéressée. Leur politique d’exportation vers le monde entier nous conduit dans le mur : elle ne fait qu’accroître notre dépendance à leur égard et entretenir la société de consommation au détriment des ressources naturelles et de l’environnement. C’est vrai que cela a été possible avec notre complicité de clients recherchant des produits peu onéreux grâce à une main d’œuvre surexploitée.

C’est malgré tout l’occasion pour nous de redécouvrir la sobriété, la modération dans nos envies et nos désirs en réapprenant une vie plus simple et plus en harmonie avec la nature. « Rien ne sera comme avant », nous répète-t-on à longueur de journée ! Et tout le monde est d’accord. Il faut rester optimiste, mais aussi réaliste : qu’est-ce que je suis prêt à changer dans ma vie et dans mes habitudes ?

Non, tous les bénévoles dans le sport ne sont pas des violeurs en puissance ! (22/04/2020)

Dans son édition du 21 avril 2020, Le Monde annonce un projet de la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, pour lutter contre les violences sexuelles dans le sport. Au point de départ, des enquêtes journalistiques et d’accablants témoignages de sportifs ou anciens sportifs de haut niveau, parfois des dizaines et des dizaines d’années après les faits.

Parce qu’il concerne des enfants, parce qu’il est très médiatisé, le dossier est hyper sensible. Précisons d’emblée qu’une critique des initiatives et projets du ministère des Sports ne signifie aucunement que l’on se refuse à être actif dans la prévention et à être particulièrement vigilant à tout ce qui se passe dans les clubs. Encore moins que l’on cautionne les faits dès lors qu’ils sont avérés, ayant éventuellement abouti à une condamnation de leurs auteurs.

Bien sûr, nous sommes tous favorables à la mise en œuvre d’actions de prévention. Le mouvement sportif n’a pas attendu Roxana Maracineanu pour créer, développer, utiliser des outils, qu’ils relèvent de la sensibilisation, de l’information ou de la formation. Le ministère pourrait simplement et utilement donner encore plus de moyens au mouvement sportif pour une diffusion massive et efficace (donc évaluée) de ces outils.

Dans les médias, la ministre préfère mettre en avant une autre mesure : il va s’agir de recenser tous les bénévoles au sein des associations sportives (entraîneurs, dirigeants, arbitres, voire, selon Le Monde, parents accompagnateurs s’ils prennent une licence) ; il s’agira ensuite de faire effectuer « un croisement automatisé de ces données avec le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) ». Toujours selon Le Monde, la ministre entend systématiser, au plus tard en janvier 2021, ce « contrôle de l’honorabilité des bénévoles dans les associations sportives ». On notera au passage que le parent accompagnateur tenté par des comportements non honorables n’a qu’à économiser le prix d’une licence pour échapper au contrôle envisagé.

Si la ministre veut réellement qu’il y ait encore plus d’adultes et d’enfants à pratiquer du sport, elle ne pouvait pas plus mal s’y prendre ! C’est un peu comme si on disait aux parents : « Faites attention ! Les associations sportives sont dangereuses : la sécurité et l’intégrité physique et morale n’y sont pas garanties ! »

Un coup médiatique – un coût bien réel…

Sérieusement, à quoi va servir ce « contrôle de l’honorabilité » des bénévoles sportifs, sinon à créer des charges administratives supplémentaires et quelques emplois ? Le fameux FIJAISV a lui-même ses limites : par exemple, il peut enregistrer des personnes dont la condamnation n’est pas encore définitive ; a contrario, les faits d’exhibitionnisme ou de harcèlement sexuel n’entrent pas dans son champ.

Surtout, un bénévole – potentiellement auteur d’infractions sexuelles ou violentes – peut très bien n’avoir jamais fait l’objet d’une condamnation et passer judiciairement inaperçu. Dès lors, ce n’est pas le croisement automatisé de fichiers qui règlera le problème !

Et que se passera-t-il si le dispositif révèle qu’un bénévole – par exemple le trésorier-adjoint d’une association sportive – a déjà fait l’objet d’une condamnation mais a purgé sa peine ? Lui interdira-t-on de poursuivre ses activités ? Devra-t-il porter un signe distinctif ? Le sport ne peut-il plus être le formidable outil d’intégration sociale qu’il a toujours été ? Pas à n’importe quelle condition, certes ! Ce qui peut impliquer des mesures de mise à distance par rapport aux enfants et adolescents.

Et pourquoi seulement dans le sport ? Et pourquoi pas également, entre autres, dans tous les loisirs, toutes les activités culturelles (musique, danse, théâtre…) où il peut aussi y avoir une proximité physique, potentiellement à risque, entre un adulte et un enfant ou un adolescent.

Cependant, des études rigoureuses (telle l’enquête « Virage » de l’Institut national d’études démographiques) montrent que c’est au sein de l’espace privé – dans les relations notamment avec la famille et les proches – que survient le plus grand nombre de viols et de tentatives de viol d’enfants et d’adolescents. Va-t-on aussi infliger aux parents, aux futurs parents, un « contrôle d’honorabilité » ? Que l’on ne se méprenne pas sur nos propos : il ne s’agit pas de minimiser le drame que constituent les violences sexuelles dans le sport ou ailleurs. Nous voulons seulement suggérer une approche globale du problème tout en évitant la stigmatisation des bénévoles sportifs.

Sensibiliser, informer, former…

Dans le sport, plutôt que de gérer la question de façon viscérale, de se précipiter sous la pression médiatique, il nous apparaîtrait plus sage de poursuivre, voire de renforcer, les actions de prévention auprès des éducateurs et entraîneurs, des dirigeants, des jeunes sportifs, des parents. Dans le sport de haut niveau, en particulier, c’est essentiel que tous aient conscience des risques d’une relation trop fusionnelle entre l’adulte et l’enfant ou l’adolescent. Prenant le jeune dans toute sa globalité, l’entraîneur, le dirigeant, peut vite devenir un confident, celui qui soutient, console, accompagne le sportif poussé à bout par un système exigeant (pression des parents, stress lié au cumul sports / études, stress des compétitions…) – tout ceci engendrant fatigue du corps et de l’esprit… d’où la fragilité possible qu’un « coach » protecteur peut abusivement utiliser.

Éducateurs et entraîneurs, dirigeants, jeunes sportifs, parents, tous doivent prendre conscience que le sport expose à des risques spécifiques : il peut y avoir des contacts physiques lors des séances d’entraînement pour apprendre un geste ou sécuriser des exercices ; en outre, les tenues, les pratiques d’hygiène (se changer, se doucher…), la vie au quotidien partagée lors des stages ou des compétitions, tout cela peut générer des fantasmes douteux…

Prévenir, c’est aussi comprendre ! Il y aurait à analyser chaque cas de violences sexuelles avérées, dans une démarche quasi scientifique, pour identifier ce qui a permis à ces violences d’exister et parfois de perdurer. Il s’agit de comprendre comment les violences sexuelles sont possibles dans le sport qui se développe normalement dans un environnement collectif et ouvert, dans lequel il n’est nullement interdit aux parents d’être présents – bien au contraire. Comment le « contrôle social » peut-il ne pas être opérant ? Après, laissons la police ou la gendarmerie, et la justice, faire sereinement leur travail. Demandons à certains médias de demeurer responsables. Incitons-les à la prudence…

Le secteur de l’enseignement – où le problème est posé depuis plus longtemps – a aussi montré qu’il est possible de créer des « coupables » et de les exposer à un acharnement médiatique, de briser des carrières, d’anéantir des professionnels et des familles, tout cela sur la base de faits relevant de l’imagination ou du règlement de comptes. C’est tellement facile. Alors prudence ! Prudence ! Et tout autant, en particulier, avec des témoignages trente ou quarante ans plus tard. Les faits peuvent être avérés, certes, mais par ailleurs, les chercheurs nous ont appris que chacun d’entre nous peut créer, en toute bonne foi, de faux souvenirs.

 

Le Covid-19 s’attaque aussi aux libertés ! (21/04/2020)

Avec son Règlement général sur la protection des données (RGPD) dont les dispositions sont applicables depuis mai 2018, l’Union européenne a œuvré utilement pour la protection des données personnelles. Le citoyen européen doit dorénavant donner son accord au recueil de données le concernant ; il doit préalablement connaître l’usage qui en sera fait, les destinataires éventuels, la durée de leur conservation…

Le RGPD a commencé à sensibiliser les citoyens sur les risques liés à la circulation, sans contrôle, de leurs données personnelles. Le Covid-19 remet aujourd’hui en question deux ans d’avancées. À titre d’illustration, avait-on absolument besoin de savoir que Brune Poirson et Emmanuelle Wargon, deux des secrétaires d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, avaient été testées positives au Sars-CoV-2 ? Si elles avaient dû se mettre en arrêt pour une grippe ou un lumbago, cela aurait-il fait la une des journaux ?

En cette période de crise sanitaire, les médecins sont toujours autant tenus au secret médical, mais manifestement des journalistes ne se donnent pas les mêmes obligations. Cependant, les journalistes livrent les informations qu’on leur donne – et il s’agit souvent des personnalités publiques elles-mêmes qui ressentent le besoin d’étaler leurs soucis de santé.

Puisque nous sommes « en guerre », serait-ce finalement glorieux d’être testé positif au Sars-CoV-2 ? Par contre, les morts au champ d’honneur du Covid-19 ont une gloire bien tristounette. Ils ne sont plus là pour crier leur amertume et notre bêtise collective.

Si les problèmes de santé de chacun deviennent des données publiques, où s’arrêter ? Dans son édition des 19 et 20 avril 2020, le quotidien Le Monde a publié sur deux pleines pages un entretien – très riche – avec Edgar Morin, célèbre sociologue et philosophe. Pour introduire le texte, était-il indispensable d’écrire qu’Edgar Morin est né en 1921 et réside rue Jean-Jacques-Rousseau à Montpellier ? Et pourquoi ne pas donner son numéro de téléphone tant qu’on y est ?

 

Covid-19 – héros en vue pour les prix littéraires ! (18/04/2020)

Le 17 avril 2020, Livres Hebdo, publication spécialisée pour les professionnels des métiers du livre, annonce que ce ne sont pas moins de onze livres qui sont publiés ou à paraître sur le coronavirus : « Six livres sur la pandémie du Covid-19 sont déjà au programme à partir de mai, en plus de cinq autres titres déjà parus en format numérique, en attendant la diffusion en format imprimé. Du journal d'un médecin aux conseils pratiques face au virus, des analyses de la crise sanitaire aux manuels pour lutter contre les fausses informations, le coronavirus apparaît comme le sujet incontournable en non-fiction ».

Après la pandémie virale qui a envahi les voies respiratoires des humains de la planète, voilà qu'on nous promet une pandémie livresque dans les rayonnages des librairies réelles voire virtuelles. On croyait le virus presque soumis... Il a muté, il a tout contaminé !

On avait pourtant hâte que les librairies ouvrent à nouveau, pour oxygéner nos cerveaux d'aventures et de fictions... Mais ce sera plutôt des livres comme Les nouvelles aventures de Covid-19 qui feront les nouveautés sur table des premières semaines déconfinées, puis qui prendront rang pour la course acharnée aux prix littéraires de rentrée.

Sûrement très vite, les aventures de notre sinistre héros se retrouveront adaptées au cinéma, avant une transposition inévitable en comédie musicale.

Il va de soi que ce trait d'humour n'enlève rien à la gravité de la période que nous continuons de vivre, et au respect que nous devons à tous ceux – malades, soignants, chercheurs, personnalités politiques et fonctionnaires – qui luttent contre le virus !

 

Pour une nouvelle société « avec contact » (16/04/2020)

S’adapter à l’école faite à la maison. S’adapter à l’enseignement à distance. S’adapter au télétravail. S’adapter aux courses, mais de première nécessité. S’adapter à la réduction de ses déplacements. S’adapter à ce partage de l’intime et du professionnel dans les espaces privés. S’adapter au fait de dévoiler son état de santé. S’adapter au décompte des malades et des morts. S’adapter aux drones. S’adapter à ce temps qu’il faut occuper alors même que l’on se croyait débordé… La peur du vide, de ne rien avoir à faire, à se dire, de ne rien avoir à penser…

Alors redécouvrir son conjoint, ses enfants, sa famille, ses amis. Ceux de la vie réelle, même s’il faut échanger à distance. Rejoindre ses aînés. Découvrir que des collègues nous manquent. Profiter de son chien, de son chat. Faire face à ce que le temps et l’éloignement peuvent faire et défaire.

Après le temps du vivre et travailler confiné, il y aura cette autre vie qu’il faudra sans doute redécouvrir pour la vivre autrement. Ce n’est pas parce que nous avons pu et su vivre le confinement qu’il ne faudra pas pour autant aller chercher plus loin et autrement le sens de notre vivre ensemble.

Pour demain, quel modèle de société voudrons-nous ? Pour cette société de l’après, quels enseignements retirer de ce nouveau quotidien ? Quelle place à la cohabitation, à l’intimité, à la vie privée, à la confidentialité de nos données de santé, à l’école et à ceux qui la font, aux déplacements journaliers, au télétravail et aux statuts professionnels ? Notre société devra-t-elle passer par le presque tout numérique ou se réinventer une manière de faire pour que l’humain en soit la pierre angulaire ?

Car au fond, ce Covid-19 n’est-il pas l’occasion de nous interroger sur ce vivre ensemble et ce besoin que nous avons de nous retrouver malgré tout ? Ne faudrait-il pas, avant de tout recommencer comme si de rien n’était, se demander ce que nous avons fait de notre relation à l’autre ? Qu’avons-nous accepté de sacrifier quand nous allons aux caisses automatiques et quand nous achetons tout et n’importe quoi, n’importe où, via Internet ? Qu’avons-nous accepté d’oublier quand les selfies ont remplacé les photos de famille ? Qu’avons-nous généré quand le « sans contact » s’invite dans notre vie quotidienne ? Est-ce vraiment cette société que nous voulons ?

 

Chronique décalée du quotidien confiné (15/04/2020)

Au regard des images qui tournent en boucle à la télé voire sur Internet, il n’y a pas de doute, les chiens se sont bien promenés ces dernières semaines ; la France s’est remise au footing ; certains parents ont découvert que leur enfant n’est pas forcément le génie qu’ils croyaient et que peut-être l’instituteur avait finalement beaucoup de mérite.

Quant aux courses, les hommes s’y sont mis, merci messieurs… Grands seigneurs à s’exposer au coronavirus dans les grandes surfaces pendant que leur dame reste bien confinée. Ils ont dompté les caddies, se sont tenus à un mètre au moins de leurs confrères, ont cherché les bons rayons mais n’ont jamais autant pris en photo les paquets d’épices, de yaourts et autres jambons pour savoir si c’est bien cela qu’il faut ramener à la maison.

Pour les pâtes, pas besoin, la razzia a été faite avant ! Maintenant, reste à écouler le stock et pour le coup, il faudra en faire des tours et des tours du quartier en petites foulées.

Pendant ce temps, d’autres rêvent que la société est en train de changer, parce que tous les soirs certains applaudissent le corps médical dans son ensemble… On se souvient d’un temps pas si lointain où l’on embrassait les CRS pour nous avoir protégés contre les attaques terroristes, et puis après… Enfin cela, c’est une autre histoire, ne cédons pas au pessimisme !

Fallait-il vraiment en passer par là pour laisser tomber les téléphones portables au moment de passer en caisse dans les grandes surfaces, pour regarder enfin cette femme ou cet homme avec un minimum de respect, pour lui dire vraiment « bonjour » et « merci » ? Fallait-il que l’on ferme les bureaux de poste pour se rendre compte qu’ils sont vraiment indispensables au-delà des automates à billets et à timbres ? Fallait-il vraiment en passer par là pour savoir que dire « bonjour, ça va ? », veut vraiment dire quelque chose ? Pour se rendre compte que l’air peut être respirable, que les oiseaux gazouillent et que le silence plane dans les rues sans voiture ? Pour se rendre compte que nos aînés nous manquent et que ce qui nous rend humain est bien notre capacité à nous lier, nous relier les uns aux autres ? Pour constater que nous avions peut-être, dans notre course folle, oublié l’essentiel de ce qui fait qu’une vie vaut une vie et que l’on s’en souvienne…

 

Nos librairies sont fermées – Ouvrons nos livres ! (13/04/2020)

À l’annonce du confinement, et parce que les livres ne semblent pas être des produits de première nécessité, les librairies ont dû baisser leurs rideaux. Elles sont pourtant des lieux de rencontre, de conseil, de découvertes inattendues avec des auteurs et leurs ouvrages ; elles nous procurent du rêve et/ou du savoir. N’est-ce pas pour cela que nous les apprécions tant ? Nous sommes dans l’impatience de pouvoir y revenir.

Il fallait protéger les libraires et leurs clients – c’est indiscutable –, mais nous regrettons cette politique publique qui a fermé les librairies comme pour faciliter les plateformes internationales de vente par correspondance. Plus encore, on peut s’interroger sur ces directives qui n’ont pas bloqué la vente des livres dans les grandes surfaces où on peut en acheter comme on peut s’y procurer des carottes ou des salades.

Présentement il y a pourtant une façon d’aider les libraires : redécouvrons le plaisir de lire « nos » classiques pour susciter le besoin, le moment venu, de s’offrir et d’offrir de nouveaux livres.

Pour un dé-confinement de nos livres !

Dans un premier temps, revisitons nos bibliothèques personnelles pour cultiver cette impatience d’ouverture. Tous les livres achetés, conservés, chouchoutés dans nos rayonnages personnels, dans les cartons de nos soupentes, au pied de notre lit, dans l’attente d’un peu de temps pour être lus, n’ont-ils pas enfin le droit, en cette période où le temps semble ralenti, d’être ouverts, sortis, aérés voire dépoussiérés ?

Les livres habitent nos maisons dans lesquelles nous sommes confinés. Il est temps de sortir les livres oubliés de nos étagères et de prendre de l’avance sur ces livres mis de côté pour les vacances ou pour bien plus tard. Lire et relire les textes qui nous sont chers, d’un œil neuf... Et si nous n’avons pas ou plus de livres à (re)parcourir, ou si nos voisins s’ennuient, nous pouvons aussi développer des solidarités par des prêts de voisinage, bien entendu dans le respect des gestes barrières.

Quelle urgence peut-il y avoir à acheter tel livre en ligne, en format numérique ? Quelle urgence qui ne puisse être comblée par tous les livres qui nous entourent sans doute déjà ? Nous avons encore besoin de ce contact réel et vivant avec ces petits objets que sont les livres, qui ont une existence palpable, qui nous accompagnent et nous marquent et que l’on peut conserver dans nos bibliothèques comme trace de notre chemin parcouru depuis les premiers livres lus par nos parents au creux d’un oreiller, en passant par les livres de bain, pour arriver au dernier Goncourt ou à une thèse sur l’épanouissement personnel et la philosophie du zen !

Une présence indispensable…

À l’heure où certains se rendent compte qu’acheter à l’autre bout du monde ce qui peut se trouver à proximité, fragilise notre planète mais aussi nos capacités locales à faire face à ce qui arrive, n’est-il pas temps d’entendre que la librairie est nécessaire à la respiration d’une société car elle y permet le dialogue, l’évasion, la confrontation des idées, la construction d’un monde différent ?

Quand l’heure sera venue, quel bonheur ce sera de retrouver les libraires, amis des livres et de la lecture, du partage aussi, et de sentir ô combien leur présence nous est indispensable, au-delà du livre lui-même, au-delà des fichiers numériques qui remplissent nos liseuses mais qui ne comblent pas ce besoin que nous avons de leurs conseils. Nous saurons alors pleinement assumer cette fidélité dans laquelle ils nous ont engagés, non pas à cause de ces cartes qui nous incitent à revenir pour cette réduction promise de 5 %, mais parce que sans eux, il nous manquerait toujours leur connaissance des pépites qui se cachent sur leurs tables et dans leurs rayonnages, et plus encore ce dialogue discret, bienveillant et enrichissant qui fonde notre fidélité.

Le confinement nous rappelle que nous avons besoin des libraires, de leur contact, de leur regard, de leur présence réelle et physique plus vraie que derrière les écrans d’outil numérique.

Évelyne Darmanin, responsable de la filière Librairie à l'UCO Laval

 

Le double jeu de la télévision (06/04/2020)

Les chaînes de télévision déploient des trésors d’imagination pour couvrir la pandémie de coronavirus sans lasser le téléspectateur. Cela implique de multiplier et de renouveler les sujets de reportage. Il s’agit pour les journalistes de maintenir l’intérêt, sans tomber dans les discours trop anxiogènes, et si possible en donnant l’illusion d’une utilité sociale par des messages informatifs et préventifs.

Heureusement pour les journalistes, il y a eu les affaires de masques, de tests, de places en réanimation, de transferts de malades ou de traitements miracles qui sont revenues sur le devant de l’actualité de façon récurrente. Tout de même, on ne pouvait pas se limiter à la seule litanie de statistiques mortifères du directeur général de la Santé. Certes, transparence oblige ! Heureusement pour les journalistes, il y a eu aussi ces personnalités politiques obligées de trouver coûte que coûte un « truc » pour empêcher le président et/ou le gouvernement de tirer un quelconque avantage de sa gestion de la crise… Cette idée leur était insupportable !

Dans quelques mois, le parlement demandera au gouvernement de rendre des comptes. Les commissions d’enquête permettront à des députés ou des sénateurs d’eux-mêmes se mettre en avant. On sera alors bien avisé de s’interroger également sur la responsabilité de la télévision.

Nous avons vécu le confinement comme étant la première solution à la crise. La télévision pouvait nous montrer ceux qui ont pu ou dû continuer à se déplacer, notamment pour le travail, mais était-il responsable de montrer, par un bel après-midi ensoleillé, ces promeneurs, à la marge, qui faisaient fi du danger ?

Pire, la télévision a puisé dans ses réserves pour assurer une continuité des programmes. Et on a vu, ainsi, une succession de jeux ou d’émissions de variétés réunissant un très large public, voire une foule, projetés comme s’il s’agissait d’un direct. Comment croire dans ces conditions à la nécessité du confinement ? Bien sûr, les émissions furent enregistrées avant le confinement, quand bien même un présentateur ou un animateur nous dit qu’on est tel jour – celui du passage réel du programme… Le 1er avril par exemple !

Aurait-il été compliqué de faire figurer systématiquement la date d’enregistrement sur les écrans de télévision pour lever toute ambiguïté, tout doute dans les esprits, toute mauvaise interprétation des messages de prévention en faveur du confinement ? Fallait-il vraiment une mesure législative quand le bon sens, ou le sens des responsabilités, pouvait paraître suffisant ?

 

Pandémie de coronavirus : un autre sens des priorités ? (03/04/2020)

Dans son ouvrage Du bon usage des crises (1), Christiane Singer assurait avoir « gagné la certitude que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire ». Et si cette catastrophe qui frappe actuellement l’ensemble des peuples de la terre était l’occasion de voir sous un nouveau jour nos relations et nos interdépendances ?

Pour se préserver au mieux du coronavirus, chacun est tenu de rester chez lui. Dans son foyer, seul, en couple ou en famille. Il s’agit de prendre soin de soi, pour mieux protéger aussi les autres. C’est comme si nous prenions soudainement conscience que nous sommes reliés les uns aux autres : en prêtant attention à nos propres comportements, nous agissons pour le bien commun de tous, à commencer pour le droit fondamental à la santé.

Ce contexte inédit de confinement nous renvoie à cette inconnue que nous ne convoquons que trop rarement dans nos vies bien remplies : notre intériorité. Le temps semble comme « arrêté » ; les villes sont presque désertes, les loisirs à l’extérieur limités et les sorties culturelles inenvisageables. Chacun d’entre nous est freiné dans son élan et cherche comment vivre ce temps nouveau. Pour certains, il est d’ailleurs difficile de supporter cette forme particulière de frustration. La liberté de mouvement dont nous disposons habituellement est mise entre parenthèses et nous amène à la responsabilisation puisqu’il revient à chacun de nous de se donner une raison valable et attestée pour justifier ses sorties. Tel est bien notre devoir, en tant que citoyens responsables. Une façon de donner du sens aussi à nos déplacements…

Dans certains pays, notamment ceux en guerre, la liberté et la survie sont menacées chaque jour, chaque instant. Or, sous nos latitudes, nous avons la possibilité de nous mettre à l’abri dans un confort parfois relatif mais qui nous protège. En outre, les professionnels de différents secteurs continuent de travailler afin de permettre au plus grand nombre d’être nourri, soigné, formé, informé... Ces femmes et ces hommes, qui faisaient presque partie de l’ombre du décor quotidien, semblent avoir retrouvé la lumière et cette reconnaissance qui font la valeur du travail.

Il y a aussi d’autres « oubliés » dont il est question dans l’actualité : les personnes âgées, les personnes sans abri, les conjoints ou enfants victimes de violence… Cet espace qui se crée en chacun permet d’ouvrir les yeux sur d’autres dimensions de notre société et ainsi d’impulser un élan d’entraide. Des dispositifs permettent à ceux qui le souhaitent de proposer leurs services à ceux qui en ont besoin. Et l’empathie gagne une bonne partie de la population qui constate, avec émotion, le nombre croissant de malades infectés par le coronavirus.

Et si ce virus, parce qu’il frappe sans distinction de lieu ou de statut, nous ramenait à l’importance du « prendre soin » de soi certes mais aussi des autres ? Et si l’occasion nous était donnée d’inventer de nouvelles façons de vivre ensemble, avec une conscience accrue du tissu social qui fait de nous ce que nous devrions être vraiment, à savoir des femmes et des hommes solidaires et responsables ? Tout cela n’est-il pas une façon de nous rappeler une fois encore, une fois de plus, que nous ne sommes que les locataires de cette Terre qui nous accueille et dont nous dépendons pourtant tellement ? Une occasion également de prêter plus d’attention à chaque dimension de notre existence et de la vie toute entière ?

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(1) – Christiane Singer (1943-2007), écrivaine, essayiste et romancière française, a publié Du bon usage des crises en 1996 aux éditions Albin Michel.

 

Égalité « hommes / femmes » ou… « femmes / hommes » (13/01/2020)

Les discours pour une juste place des femmes dans notre société, y compris de la part de ceux qui œuvrent pour l’égalité, sont parfois plus « viscéraux » que construits en s’appuyant sur des constats objectifs et un minimum d’analyse.

De tels discours peuvent être pleins de certitudes, parfois de reproches, voire d’accusations, comme sur la question des écarts de rémunération. Les mêmes protagonistes vont user d’un style d’écriture dit « inclusif » qui, dans ses formes les plus poussées, va rendre la lecture quasiment impossible à une partie non négligeable de la population.

Dans le même temps, les mêmes acteurs peuvent nous parler de l’égalité « hommes / femmes ». Marqués par un héritage ancestral, ils continuent de mettre les hommes avant les femmes et, même, s’étonnent qu’on puisse réagir face à un tel conservatisme.

Ce serait « anecdotique », répondent-ils avec aplomb. Mais alors tous les discours et toutes les initiatives visant l’égalité seraient le combat perdu d’avance puisqu’on admet que les hommes ont à demeurer placés avant les femmes ?

Mettre les femmes avant les hommes, et parler de l’égalité « femmes / hommes », serait-ce simplement inverser le problème ? Le législateur a choisi de retenir, par exemple, dès 2001, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (et non l’inverse). Dans son article premier, la Constitution française dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Marlène Schiappa est elle-même secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et la Lutte contre les discriminations…

Pourquoi chercher les complications ? Si l’on rejette les actes symboliques, mettre les femmes avant les hommes, c’est simplement adopter l’ordre alphabétique – comme on le fait spontanément en plein d’autres circonstances.

Même les statisticiens doivent remettre en question leurs pratiques. L’Insee, ainsi, serait bien avisé de systématiquement montrer l’exemple, dans ses tableaux de données, en mettant la colonne « femmes » avant celle « hommes ». Cela arrive, mais c’est encore bien rare !

 

« Gilets jaunes » et inculture politique (21/01/2019)

Ouest-France, dans son édition du 18 janvier 2019, annonce ce que les « gilets jaunes » ont concocté pour le lendemain : un pique-nique près de la préfecture « avec si possible, des denrées achetées chez les commerçants à proximité ». Sympathique ! Et un porte-parole évronnais d’assurer que la revendication des « gilets jaunes » est « claire ». En l’occurrence, « le Référendum d’Initiatives Citoyenne (R.I.C) avec comme première question : souhaitez-vous garder le gouvernement en place ? »

Ouest-France en perd ses repères typographiques (des initiales majuscules qui n’ont pas lieu d’être, des points dans un sigle) et grammaticaux (une faute d’accord). Le plus inquiétant, c’est quand même de voir qu’un Mayennais, se présentant comme « citoyen », puisse imaginer qu’il soit possible, en République française, qui est bien une démocratie parlementaire, d’organiser comme cela un référendum qui décide s’il faut changer ou non de gouvernement.

La stratégie de Ouest-France serait-elle de discréditer le mouvement des « gilets jaunes » mayennais en publiant sa revendication (apparemment une seule), de façon brute, sans le moindre commentaire ?

 

Estimations au 1er janvier 2016 : à 127 habitants près… (31/12/2018)

Au 1er janvier 2016, la Mayenne compte officiellement 307 688 habitants. Sur un an, le département en a perdu 252. Début 2018, l’Insee a publié des estimations pour les années 2016, 2017 et 2018 (1). Pour la population au 1er janvier 2016, l’Insee annonçait 307 561 habitants. Le chiffre officiel est donc supérieur aux estimations avec 127 habitants en plus.

Au 1er janvier 2017, l’Insee prévoyait 307 014 habitants et, au 1er janvier 2018, la population basculait nettement sous les 307 000 habitants (306 323).

Fort des nouvelles données du recensement au 1er janvier 2016, et avec également la connaissance de l’état civil (naissances et décès) jusqu’à fin 2018, l’Insee va prochainement ajuster ses estimations. Il restera toujours un élément difficilement prévisible : les entrées / sorties du département (migrations).

__________

(1)- Cf. « Un “sursis” de quelques années », La Lettre du CÉAS n° 346 de janvier 2018 (page 11).

 

Stagnation… descendante pour la Mayenne ? (28/12/2018)

« La population du département stagne », titre Ouest-France dans son édition du 28 décembre 2018. Le quotidien a raison : la Mayenne n’a gagné « que » 657 habitants entre le 1er janvier 2011 et le 1er janvier 2016, soit sur un cycle de cinq ans.

Les chiffres de population restent approximatifs et de légères variations d’une année sur l’autre ne sont pas nécessairement significatives. Au demeurant, en variation annuelle, force est de constater que la population mayennaise a diminué sur l’année 2015 : – 252 habitants, soit – 0,08 % sur un an. Ce qui nous donne 307 688 habitants au 1er janvier 2016.

Il faut maintenant attendre une année pour savoir si cette baisse marque ou non une rupture. Rappelons que la Mayenne a franchi le cap des 307 000 habitants sur l’année 2010 (population au 1er janvier 2011), et celui des 300 000 habitants sur l’année 2006 (population au 1er janvier 2007).

 

Faire disparaître les Ehpad ? Trouver une argumentation plus solide… (24/12/2018)

Dans les Actualités sociales hebdomadaires n° 3089 du 21 décembre 2018, le sociologue Bernard Ennuyer répond à trois questions de Nathalie Auphant. Si les propos recueillis sont strictement fidèles, Bernard Ennuyer a un avis très tranché sur les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : il déclare militer pour leur disparition, mais sans être pour autant un fervent partisan du maintien à domicile. L’alternative, selon lui, est le domicile collectif qui « permet de mutualiser les moyens ».

Cependant, difficile de suivre l’argumentation du sociologue : « Toutes les études, soutient-il, ont montré que les résidents prennent dix médicaments par jour en moyenne ; cela signifie qu’il y a de la iatrogénie [maladie provoquée par des médicaments], ce qui amène ainsi à penser que l’Ehpad coûte relativement cher pour un service de mauvaise qualité ».

Les résidents en Ehpad ont un médecin traitant et recourent à des médecins spécialistes qui ont également des patients vivant à leur domicile. Comment peut-on penser que des professionnels de santé prescriraient plus de médicaments parce que leur patient est en Ehpad et non à son domicile ? Ce sont les soucis de santé qui génèrent à la fois l’entrée en Ehpad et la prescription de plus de médicaments… Ce n’est pas d’abord parce qu’une personne est en Ehpad qu’elle aura, d’emblée, plus de médicaments.

Le cas échéant, c’est le procès de la sur-médication qu’il faut faire – surtout chez les personnes les plus âgées –, et non celui des Ehpad. Ou alors il faut trouver d’autres arguments.

 

Oui, les Français condamnent les violences des « gilets jaunes » (10/12/2018)

Juste après l’intervention du Premier ministre, Édouard Philippe, et l’annonce, entre autres, d’un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants, soit le mardi 4 décembre, la société Elabe a effectué un sondage en ligne sur « les Français, les gilets jaunes et les mesures annoncées ». Ce sondage est réalisé pour BFM-TV, les 4 et 5 décembre 2018 (1), auprès d’un échantillon censé être représentatif de la population française. Il porte sur 1 002 personnes.

On retient de ce sondage que 72 % des Français approuvent alors la mobilisation des « gilets jaunes ». Ce résultat tourne en boucle sur BFM-TV et est largement repris par les médias. Le taux arrange bien entendu BFM-TV qui fait de l’audience avec ses directs sur les manifestations. Mais que penser de ce sondage qui semble respecter les règles de l’art – en apparence ? Tout de même, on est loin d’avoir sept voitures sur dix à exhiber un gilet jaune derrière leur pare-brise. !

Première question du sondage : « Un mouvement social, aussi appelé mouvement des “gilets jaunes”, se mobilisant contre la hausse des taxes sur les carburants et pour le pouvoir d’achat, a eu lieu ces derniers jours. Quelle est votre attitude à l’égard de cette mobilisation ? » Ainsi posée, la question nous donne 46 % des Français qui soutiennent la mobilisation, plus 26 % qui ont de la sympathie pour celle-ci, d’où 72 % des Français qui l’approuvent, selon la conclusion de la société Elabe.

La première question aurait pu être : « Désapprouvez-vous le saccage de l’Arc de triomphe – symbole de la République –, et le pillage des commerces lors des émeutes des “gilets jaunes” ? » N’y aurait-il pas eu 72 % des Français désapprouvant leurs manifestations ?

La première question de la société Elabe est ambiguë pour plusieurs raisons :

1-    Les items recourent à un vocabulaire qui n’est pas sur le même registre : soutien, sympathie, opposition, hostilité, indifférence…

2-    La question utilise un vocabulaire « adouci », se gardant bien des mots qui tendraient à décrédibiliser les « gilets jaunes ». Au contraire, le vocabulaire appelle une réponse correspondant à une attitude favorable de la part de celui qui répond au sondage. Peut-on être contre un mouvement qui milite pour le pouvoir d’achat ?

3-    La question légitime le mouvement des « gilets jaunes » (mobilisation « contre la hausse des taxes sur les carburants et pour le pouvoir d’achat »), alors que, chacun peut facilement le vérifier, les revendications du mouvement sont aujourd’hui cacophoniques, allant parfois jusqu’à remettre en question la République et la démocratie en France. Mais aucune allusion à cela dans le sondage.

De toute façon, sur un plan technique, le sondage est critiquable dans sa conception car nous ne saurons jamais si ceux qui y ont répondu (par Internet) ne sont pas plus enclins à soutenir un mouvement comme celui des « gilets jaunes ».

Par ailleurs, nous ne pouvons pas suivre la société Elabe quand elle détaille les résultats du sondage par catégories sociodémographiques et professionnelles. Un millier de personnes ont répondu au sondage. La société Elabe fournit les marges d’erreur pour un échantillon de 1 000 personnes, mais quand elle donne les résultats, par exemple, selon l’âge du répondant, il n’y a plus que 100 à 300 répondants par tranche d’âge. Quelle est alors la marge d’erreur ?

La deuxième question : « Vous-même, diriez-vous que vous êtes un “gilet jaune” ? » Les résultats sont en cohérence avec ceux de la première question : 20 % répondent « oui » ; 54 % répondent « non », mais tout en déclarant soutenir « l’action et les revendications des gilets jaunes ». Les spécialistes douteront de ces résultats en se référant au phénomène de « halo ». On répond à cette question en fonction de ce que l’on a répondu à la précédente… Et de même pour la troisième et les suivantes…

Par contre, la sixième question fera sourire : si 72 % des Français approuvent la mobilisation des « gilets jaunes », 82 % des Français condamnent les violences qui se sont produites le 1er décembre et 62 % ne les comprennent pas. Mais tout de même, gilet jaune ou pas, peut-on ne pas condamner des violences (si on n’en est pas l’auteur) et si on les condamne, peut-on malgré tout les comprendre ?

Avec toutes les réserves déjà exprimées sur la taille de l’échantillon, soulignons qu’un quart de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen ne condamnent pas ces violences.

Mais c’est la sixième question et elle intéressera moins les médias…

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(1)- Et non « les 4 et 5 novembre 2018 » comme écrit par erreur dans la fiche technique du sondage (page 2 du rapport).

 

La Nouvelle-Calédonie reste en France (pour le moment) (20/11/2018)

Le 4 novembre 2018, les électeurs calédoniens ont répondu à la question suivante : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Le « non » l’a emporté avec 56,7 % des suffrages exprimés.

La question n’est peut-être pas close définitivement pour autant. Comme le remarque Patrick Roger dans Le Monde du 6 novembre 2018, « le succès du “non”, moindre que ne le laissaient prévoir les sondages et, surtout, que ne l’escomptaient les dirigeants loyalistes, rebat en partie la donne ». Paradoxalement, souligne Patrick Roger, les vainqueurs sont déçus et les vaincus satisfaits !

Comment expliquer que le « non » n’ait pas obtenu un score plus élevé, comme le prévoyaient les sondages ? On peut mettre en avant une hypothèse, mais qu’il sera impossible de vérifier. Elle porte sur la formulation même de la question. Celle-ci résulte d’un compromis obtenu laborieusement par le Gouvernement dans la nuit du 27 au 28 mars.

Sûrement la question était-elle claire et loyale, comme l’exige le Conseil constitutionnel. Cependant, aucune question, appelant une réponse aussi catégorique que « oui » ou « non », ne peut être totalement neutre.

La question posée (« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ») favorise a priori les indépendantistes car des chercheurs ont montré que dans les sondages, on répond plus volontiers « oui » que « non » (attraction de la réponse positive).

Cependant, des chercheurs évoquent un autre biais (1) : celui de la « peur du changement » et de la « tendance au conformisme ». Ce phénomène psychosocial aurait dû favoriser le « non », mais pour cela peut-être aurait-il fallu un vocabulaire insistant plus sur la rupture que générerait l’indépendance ?

À titre d’illustration, demandons aux Calédoniens : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie se maintienne dans la France ? » Là, il est fort probable que le « oui » l’emporterait avec beaucoup plus que 56,7 % des suffrages exprimés, mais les indépendantistes ne sont pas naïfs au point d’accepter une telle question !

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(1) – Un biais correspond à tout ce qui est susceptible d’influencer les résultats dans un sens ou dans l’autre.

 

Vous êtes d’accord ou non ? Mais avec quoi déjà ? (05/11/2018)

Les 16 et 17 octobre 2018, pour Ouest-France, l’Ifop a réalisé un sondage par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon de 1 006 personnes censées être représentatives de la population française âgée de 18 ans ou plus.

Dans la présentation des résultats, l’Ifop utilise le jargon habituel pour crédibiliser la démarche qui « respecte fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l’enquête par sondage ».

Bien entendu, ceux qui ont répondu pouvaient ne pas avoir d’avis… Même si, quand une seule réponse était requise, les pourcentages pour l’ensemble sont systématiquement de « 100 % ».

L’Ifop diffuse l’« intervalle de confiance situé de part et d’autre de la valeur observée et dans lequel la vraie valeur a une probabilité déterminée de se trouver » – bref, les marges d’erreur. L’exemple retenu porte sur un échantillon de 1 000 personnes. Dès lors, quel crédit apporter aux résultats quand l’Ifop fournit des scores, par exemple, en fonction du niveau d’éducation ou encore du vote à la présidentielle de 2017 (premier tour) ? Là, on n’est plus sur un effectif de 1 000 personnes, mais sur un effectif pouvant être inférieur à 100…

La première question est : « Selon vous, qui détient le pouvoir aujourd’hui en France ? » Dans les items proposés, il n’y a pas le Parlement qui – en France – détient quand même le pouvoir de voter les lois et de contrôler le Gouvernement… « Détenir le pouvoir ? » Le pouvoir de quoi ? Peut-on apporter le moindre crédit à un sondage recourant à un vocabulaire aussi équivoque ?

Quelques questions plus loin, l’Ifop souhaite mesurer l’adhésion à l’idée de confier la direction du pays à des experts non élus. Quelle idée ! Voici la question posée : « Certains pensent que la France doit se réformer en profondeur pour éviter le déclin mais qu’aucun homme politique élu au suffrage universel ne disposera plus du pouvoir nécessaire pour mener à bien ces réformes et que dans ce cadre, il faudrait que la direction du pays soit confiée à des experts non élus qui réaliseraient ces réformes nécessaires mais impopulaires. Vous personnellement, êtes vous tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas du tout d’accord avec cette opinion ? »

Mais de quelle opinion s’agit-il déjà – tellement longue est la question ? À quoi doit-on répondre ? Bref, 59 % des Français seraient d’accord. Mais d’accord avec quoi ? Bien sûr, avec l’avis personnel du rédacteur car difficile d’être convaincu par la neutralité de la « question »…

La seule chose à retenir de ce questionnaire : l’enjeu de l’éducation populaire afin de développer massivement l’esprit critique.

 

Coup dur pour les associations… Services à la personne : et voilà la TVA ! (24/10/2018)

L’article 20 du Projet de loi de finances pour 2019 opère une mise en conformité du régime de TVA des services à la personne avec le droit de l’Union européenne (1). Cela va peser lourd pour les associations autorisées ou agréées. Pour autant, comme si cela était déjà anticipé, cette mesure ne suscite pas de très vives réactions. C’est vrai qu’une récente négociation sur les cotisations sociales patronales s’est avérée positive pour les opérateurs.

Jusqu’à présent, les associations bénéficient d’une exonération de TVA pour l’ensemble de leur activité – quelle que soit la situation (de fragilité ou non) du bénéficiaire –, ce qui exposerait la France à une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne.

L’activité en question, c’est l’« aide de confort ». En quoi la suppression de l’exonération de TVA peut-elle poser problème ? Pour l’usager, c’est une facture qui augmente de 20 % (petits travaux de jardinage) ou de 10 % (entretien de la maison et travaux ménagers, travaux de petit bricolage). Le risque, c’est le coup de frein au développement de l’aide de confort. Or, celle-ci contribue à équilibrer les comptes des associations, étant entendu que l’activité auprès des personnes fragilisées est encadrée par des financeurs (dont les Conseils départementaux) peu enclins à des largesses budgétaires.

Ainsi, dans l’hypothèse où le Parlement vote en l’état l’article 20 du Projet de loi de finances, les associations de services à la personne seront toujours exonérées de TVA pour les prestations assurées auprès d’un public en situation de fragilité ou de dépendance, tels « les enfants de moins de 3 ans, les mineurs et les majeurs de moins de 21 ans relevant du service de l’Aide sociale à l’enfance, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les personnes atteintes d’une pathologie chronique et les familles fragiles économiquement ». Par contre, ces mêmes associations devront sectoriser leur activité et pratiquer de la TVA sur les prestations auprès du public non fragile ou non dépendant – et donc avec deux taux différents de TVA.

Cette mesure, si elle est adoptée, va enrichir l’État et appauvrir les associations, au minimum freiner leur développement. C’est injuste au regard de l’antériorité des associations sur ce champ des services à la personne, de leur investissement auprès des plus fragiles, des efforts produits pour l’amélioration de la qualité des prestations.

Le 11 octobre, à l’Assemblée nationale, la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, présidée par Éric Woerth, a adopté l’article 20 sans modification. Il n’y a pas eu de débat sur cet article.

Stéphanie Vandalle, avocate associée à la société Taj, du réseau Deloitte, a déjà observé que la perte du bénéfice de l’exonération de TVA entraînerait ipso facto la perte du bénéfice de l’exonération d’impôt sur les sociétés.

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(1) – Directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (article 132).

 

Suppression de postes à l’Éducation nationale
Ce que la démographie nous enseigne
(24/09/2018)

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, a annoncé la suppression de 1 800 postes, en 2019-2020, dans le second degré (collèges et lycées) et les services administratifs. On peut supposer que le ministre a pris en compte l’évolution des naissances annuelles avant de prendre sa décision. De fait, les bébés, quelques années plus tard, deviennent les élèves des écoles du premier degré.

Il y a eu un « pic » des naissances en 2000 : très précisément 807 405 pour la France entière, soit un gain de 50 000 par rapport à 1997. Une part importante de ces bébés de l’an 2000 ont quitté ou vont quitter le lycée pour rejoindre l’université.

On focalise sur l’année 2000 en oubliant parfois que la natalité, en France, est restée à un niveau élevé durant toute la décennie 2000. Un record est même atteint en 2010 avec 832 799 naissances, soit quelque 25 400 naissances en plus par rapport à l’an 2000. Ces bébés de 2010 ne sont pas encore au collège, mais vont bientôt le rejoindre.

Par contre, en 2015, malgré l’apport de la natalité à Mayotte, les naissances en France redescendent sous la barre des 800 000 et leur chute se poursuit en 2016 et 2017. Ainsi, près de 833 000 naissances en 2010 (sans Mayotte) ; environ 767 000 en 2017 (avec Mayotte). Nous laissons à chacun le soin de calculer le nombre de classes à fermer dans les toutes prochaines années et/ou de réfléchir à quelle politique d’accueil des immigrés il convient de mettre en œuvre.

 

Les maisons de retraite fabriquent de la désespérance chez les proches (06/09/2018)

Dans son édition du 31 août 2018, en page Pays de la Loire, Ouest-France publie un article sur quatre colonnes, intitulé « Maison de retraite : “On fabrique des grabataires” ». Sans aucun commentaire du journal (hormis deux lignes de chapeau), il s’agit du témoignage brut d’une personne dont la mère, malade d’Alzheimer, est résidente « dans un Ehpad (1) de la Mayenne ».

Cet article nous apparaît comme étant une bévue de la part de Ouest-France. En effet, la publication de ce témoignage, qui stigmatise l’ensemble des Ehpad de la Mayenne par amalgame, est critiquable sur le plan déontologique.

Puisqu’il s’agit d’un témoignage brut, il avait plus sa place dans un courrier des lecteurs ou, à la rigueur, dans une rubrique « Point de vue ». En publiant cet article en page d’informations régionales, le plus grand journal français de la presse quotidienne régionale (PQR) lui apporte de la crédibilité et il en légitime les contenus. Un souci de rigueur aurait pu amener le journal à recueillir des avis contradictoires (direction de l’Ehpad, par exemple) et / ou des commentaires plus experts (Agence régionale de santé, Conseil départemental, etc.).

Ce contexte nous fait penser au documentaire de Jean-Albert Lièvre, Flore (2) : une personne malade d’Alzheimer, accueillie successivement dans deux établissements parisiens, voit sa santé très fortement se dégrader. Ses enfants ne le supportent pas et ils organisent le retour de leur mère, chez elle, en Corse. Elle y arrive en étant grabataire, avec des escarres, mais grâce à un environnement humain exceptionnel, elle va peu à peu retrouver de l’autonomie, jusqu’à pouvoir nager dans la mer ! Malgré tous les soins prodigués, cette personne malade – Flore – va décéder quelques mois plus tard, mais le documentaire reste sur les images d’une personne radieuse. La maladie est implacable…

Il est possible que l’établissement visé par l’article de Ouest-France (non explicitement désigné) soit maltraitant. Pour autant, le chapeau du témoignage est un peu « court » : « À cause du manque de moyen humain et matériel, elle a vu la santé de sa mère se dégrader ». Ouest-France nous semble faire preuve d’une grande légèreté en affirmant, de façon péremptoire, que la dégradation de la santé de la personne est liée à un « manque de moyen humain et matériel »

Cependant, s’il s’agit d’un résident malade souffrant d’une pathologie neuro-dégénérative Alzheimer ou apparentée, tout est complexifié : le regard est faussé et le déni de la maladie avec ses troubles provoque fréquemment parmi les proches un refus de la réalité. La mise en cause ou l’accusation des autres est un moyen d’« évacuer », voire de se déculpabiliser... Dans ce cas, raison de plus, certes, pour laisser chacun exprimer son ressenti, voire sa colère ou sa douleur, mais ailleurs si possible que dans un grand quotidien de la presse écrite, ensuite écouter, écouter encore, et puis expliquer, expliquer, expliquer encore…

À la lecture du témoignage, on perçoit assez bien que le problème est peut-être ici celui d’un établissement qui manque de moyens, mais il est surtout celui d’une personne qui a du mal à accepter l’évolution de la maladie de sa mère…

L’auteure du témoignage critique que les ongles peuvent être « longs, sales » ; que la coiffure « n’est pas faite », que la robe est « mal boutonnée »… N’est-ce pas un peu rapide que de conclure à de la négligence de la part du personnel ? Et si ce type de soins générait systématiquement de l’agressivité, à ce moment précis de la journée, chez la personne malade d’Alzheimer ? Faudrait-il la « shooter » avec des médicaments de façon à s’occuper de ses ongles, de sa coiffure, de sa robe ?

Cela dit, on ne peut exclure qu’il risque de plus en plus d’y avoir des problèmes dans certaines structures en termes d’accompagnement du fait des moyens restreints au regard de la dépendance et de la perte d’autonomie ; on ne peut exclure non plus, par ailleurs, qu’il peut y avoir des comportements individuels inacceptables et intolérables indépendamment des moyens. Alors, au lieu de cet appel de détresse adressé au quotidien et à ses lecteurs, n’aurait-il pas été plus adapté, si négligence il y a, d’adresser un courrier circonstancié à l’Agence régionale de santé ou au Conseil départemental – voire de recourir à un médiateur qui, pour tous les établissements sociaux et médico-sociaux, est appelé « personne qualifiée » ?

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(1) – Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

(2) – Cf. www.ceas53.org, rubrique « Gérontologie », puis « Maladie d’Alzheimer » et dossier sur la maladie au cinéma et dans la littérature.

 

Dans dix mois, il pourrait être trop tard… (04/09/2018)

Soyons très attachés à l’Europe qui nous a apporté la paix et nous permet de mieux connaître nos voisins avec qui nos pères se sont tant déchirés. Il ne faut pas remettre l’Europe en cause, il faut la réformer pour la rendre plus sociale et humaine contre tous ces populistes qui la menacent de l’intérieur.

Le 26 mai 2019, les citoyens français seront appelés aux urnes pour élire leurs députés au Parlement européen. Le moins que l’on puisse attendre des partis politiques qui présenteront des candidats, c’est qu’ils fassent part de leur programme pour l’Union européenne, pour la renforcer, éventuellement pallier ses travers, manques ou limites.

Peut-on imaginer que des partis politiques europhobes présentent des candidats avec la seule motivation de détruire l’Union européenne et de revenir plus de cinquante ans en arrière ? En France, ce serait comme si on appelait à élire des parlementaires – députés ou sénateurs – pour retourner avant 1789 et retrouver un roi et de grands seigneurs.

Vraiment, est-ce faire preuve de responsabilité politique que de marteler que les élections européennes doivent constituer un « référendum anti-Macron » ? Concrètement, le 26 mai 2019, il faudrait que les Français votent pour une liste d’extrême-gauche – ou d’extrême-droite –, non pas sur des idées pour une politique européenne (pour cela, il faut avoir des idées sur la question), mais pour élire des eurodéputés d’un parti en mal de reconnaissance politique, jusqu’au-boutiste, prêt à actionner le levier de la plus vile démagogie et à tromper les Français sur les véritables enjeux d’une élection. Il faut espérer que les Français sauront ne pas tomber dans un piège si grossier !

S’inscrire sur les listes électorales, oui bien sûr ! Voter le 26 mai 2019, c’est une quasi-obligation morale et citoyenne… Et donc voter pour l’Europe que l’on souhaite, sur les plans économique, social, culturel, voire militaire… Mais ne pas se tromper d’année : voter ce jour-là pour ou contre le président de la République, Emmanuel Macron, cela non seulement n’aurait aucun sens, mais de plus cela pourrait s’avérer dangereux de par les risques d’implosion. Ce n’est pas le moment d’affaiblir l’Union européenne ! La prochaine élection présidentielle, c’est en 2022.

 

Le documentaire va-t-il susciter des vocations ? (03/09/2018)
De chaque instant, de Nicolas Philibert (2018)

Nicolas Philibert, réalisateur entre autres du Pays des sourds (1992) ou d’Être et avoir (2002), a consacré son dernier documentaire, De chaque instant, à la formation des infirmiers en France, plus précisément à l’institut de formation de la Croix-Saint-Simon, à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Des soucis de santé ont amené Nicolas Philibert plusieurs fois à l’hôpital et ce film est comme un hommage à l’ensemble des infirmiers. Dès lors, très intéressé par les questions d’apprentissage, le documentariste a choisi l’angle de la formation des futurs professionnels du « prendre soin ».

Le long-métrage (105 mn) s’articule en trois parties : 1) La formation à l’institut ; 2) Les stages ; 3) Le retour sur les bilans de stage avec les formateurs référents. Réaliser un documentaire sur un thème précis, ce n’est pas forcément tout montrer… même si c’est techniquement possible. Le cinéma a ses contraintes, notamment en termes de durée, de rythme, voire d’éthique.

La première partie, sur la formation à l’institut, est d’un très grand intérêt. Elle nous montre des enseignements – plutôt des travaux pratiques – qui se déroulent en petit groupe, sans pression particulière, vraiment dans la bonne humeur, avec des formateurs qui prennent le temps de bien expliquer, de montrer, de guider, de rassurer… Comment le documentaire pourrait-il ne pas susciter de vocations ? Cette première partie a néanmoins ses propres limites : le référentiel de formation ne prévoit pas uniquement de tels travaux pratiques. Le cours sur les neuroleptiques en est une rapide illustration. Bien sûr, l’apprentissage pratique des règles d’hygiène et des actes techniques est plus dynamique, au cinéma, qu’un cours magistral. Le lavage des mains et ces actes techniques sont importants, essentiels même, mais à eux seuls ils ne peuvent constituer les seuls apprentissages utiles et nécessaires…

Avec les stages, la deuxième partie est une immersion dans des terrains professionnels. On découvre la très grande diversité des lieux d’exercice du métier, et cet aspect est également très intéressant (1). Dans cette deuxième partie, les actes techniques sont encore omniprésents, mais cette fois-ci, il y a des patients, chez lesquels on perçoit, face à des étudiants encore un peu néophytes, à la fois de l’inquiétude, de l’indulgence, mais aussi de la reconnaissance. On perçoit également le souci des tuteurs de stage de transmettre leurs savoir-faire et leurs qualités relationnelles. Bref, des tuteurs de stage pleinement dans leur rôle, très facilitateurs, qui eux aussi donnent envie de s’engager dans ce beau métier du soin.

La troisième partie – le retour sur les bilans de stage avec les formateurs référents – peut mettre mal à l’aise. Tout s’y complique… Là, on voit des étudiants craquer, pleurer… Du moins retient-on plus particulièrement ces séquences qui sont douloureuses pour tous. Des tuteurs de stage, des médecins, apparaissent tout à coup de véritables tyrans et il faut vraiment être motivé pour s’accrocher et poursuivre sur cette voie du « prendre soin ». Les étudiants ainsi désemparés vont poursuivre car ils sont dans la dernière ligne droite de leur formation, mais l’enthousiasme sera-t-il toujours là ?

Le parti-pris de Nicolas Philibert est un peu déconcertant. Il fallait sûrement dire que le secteur de la santé est lui aussi marqué par le manque de moyens humains, matériels, financiers, mais là, ce sont des problèmes de management qui ressortent. Quand un tuteur de stage met la barre trop haut, au risque de générer du stress chez un étudiant, cela ne va pas spontanément générer de la professionnalité. La plus grande difficulté pour les étudiants infirmiers, on aurait pu penser qu’elle viendrait des patients ; on ne l’aurait pas imaginée à ce niveau.

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(1) - Nous ne développerons pas ici ce que l’étudiant en psychiatrie donne à voir de son métier car la séquence peut paraître caricaturale. On ne comprend pas d’emblée qu’on a affaire à un étudiant en soins infirmiers.

 

BlacKkKlansman ne nous a pas fait rire ! (31/08/2018)

BlacKkKlansman, film américain de Spike Lee (2018), inspiré de faits réels, n’a pas remporté la Palme d’or, mais tout de même le Grand Prix lors de la 71e édition du Festival de Cannes : donc ce ne peut pas être un film banal… Mais pourquoi diantre nous le présente-t-on comme une comédie ? C’est ce que font pourtant les documents promotionnels des salles de cinéma, et même l’encyclopédie Wikipédia ! Tout de même, ces deux policiers, un Noir et un Juif, qui ensemble infiltrent le Ku Klux Klan, ce n’est pas Un Gendarme à Saint-Tropez…

Il faut absolument aller voir BlacKkKlansman, mais pas forcément pour rigoler car le racisme aux États-Unis, cette idéologie qui promeut la suprématie de la race blanche, non, vraiment, cela n’a rien de drôle.

BlacKkKlansman n’est pas sans nous rappeler Mississippi Burning, d’Alan Parker (1988), dans sa dénonciation du Ku klux Klan (1). Mais la force de BlacKkKlansman, c’est de relier le lointain passé de l’Amérique du début du XXe siècle à celle de la fin des années 1970, mais aussi à l’Amérique d’aujourd’hui avec les événements de Charlottesville, en Virginie (août 2017) ; la mort criminelle de Heather Heyer, militante de 32 ans, écrasée par la voiture d’un extrémiste blanc ; les déclarations ambiguës du président américain, Donald Trump.

La fin de Mississippi Burning nous laissait espérer. BlacKkKlansman est peut-être plus pessimiste, plus réaliste. Espérons que ce film ne contribue pas à exacerber les rancœurs dans les camps extrémistes. Espérons qu’il permette des prises de conscience, du débat constructif, des prises de position politiques courageuses. Retenons déjà cette déclaration d’Ivanka Trump, la fille du président américain : « Alors que les Américains ont la grâce de vivre dans un pays qui protège la liberté, la liberté d’expression et la diversité d’opinion, il n’y a pas de place pour le suprématisme blanc, le racisme et le néonazisme dans notre grand pays » (Le Monde du 14 août 2018).

BlacKkKlansman focalise les regards sur les États-Unis. Puisse-t-il aussi ouvrir les yeux, dans tous les pays de la Planète, sur toutes les formes d’extrémisme, en particulier de racisme. Au sein de l’Union européenne, mieux vaudrait réagir dès maintenant, sans attendre les élections européennes de mai 2019, où l’abstention et le vote populiste peuvent très bien être aussi destructeurs que le Ku Klux Klan américain.

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(1)- Cf. www.ceas53.org, rubriques « Société », puis « Racisme et discriminations ».

 

La démocratie « coopérative » laisse sceptique… (06/06/2017)

Une mission sénatoriale d’information a travaillé sur le thème : « Démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire – comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 ». Présidée par Henri Cabanel (Socialiste et républicain) et avec comme rapporteur Philippe Bonnecarrère (Union des démocrates et indépendants – Union centriste), la commission formule dix propositions pour une démocratie « coopérative ». Ces propositions se veulent « concrètes, pragmatiques et efficaces », « le plus souvent à droit constant et sans bouleversement législatif ou institutionnel majeur ».

Nous partageons le constat : « La France de 2017 est un pays en partie bloqué, qui ne parvient plus aussi facilement qu’avant à faire des choix structurants, notamment en matière de réforme de son modèle social ou de construction d’infrastructures ». On pense tout naturellement à la loi Travail en 2016 ou à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Dès lors, les propositions de la mission sénatoriale visent à « permettre globalement une meilleure association des citoyens à la prise de décision publique », ou encore à « mener à bien des projets d’infrastructure concertés ». Trois propositions concernent plus spécifiquement la réforme du code du travail « en offrant une bonne articulation entre démocratie représentative et démocratie sociale ».

Les outils sont « participatifs, numériques comme non-numériques ». La mission évoque des consultations numériques, des panels de citoyens, un droit de pétition auprès des assemblées parlementaires, voire un « recours apaisé au référendum »…

Ne manquerait-il pas l’essentiel ? L’acceptation, par tous les citoyens, des décisions qui sont légitimement prises… Cela suppose que l’intérêt public puisse prévaloir sur ses intérêts personnels. La baguette magique n’existe pas : comment croire que les citoyens acquièrent tous, d’un seul coup, une conscience collective !

Encore et encore, assénons-le : aucun changement n’est à attendre sans un travail de fond qui relève de l’éducation populaire – tout en y associant les écoles car rien ne changera si les jeunes générations reproduisent les schémas de leurs aînés.

 

Gouvernement : les priorités ne sont pas universelles (29/05/2017)

Le Journal officiel du 25 mai 2017 publie les attributions des ministres du Gouvernement d’Édouard Philippe.

Nous avons cherché vainement l’Éducation populaire. Elle doit bien être quelque part ; c’est trop sérieux ! En tout cas, on ne la trouve pas facilement. Il serait quand même impensable, suicidaire, de ne pas avoir tiré des enseignements de la montée des extrémismes en France. Comment mieux y résister, sinon en se battant sur le terrain de l’Éducation populaire ?

Et la Vie associative ? Voilà son développement, avec la Jeunesse et l’Engagement civique, rattaché au ministère de l’Éducation nationale. Ce n’est pas réellement pour nous rassurer. Dans le parcours universitaire et professionnel du nouveau ministre, Jean-Michel Blanquer, on cherche des raisons de croire à l’intérêt qu’il porte aux associations.

Et le développement de l’Économie sociale et solidaire ? Ce secteur est rattaché au ministère de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, mais on le retrouve aussi dans celui d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Deux ministères pour un seul secteur : reconnaissance ou mise à l’écart ?

Ne tombons pas dans la critique gratuite, mais, tout de même, il y a lieu d’être inquiet et vigilant. Espérons que les ministres sachent s’entourer de conseillers à l’écoute, experts, compétents, convaincants.

 

Ouest-France : le camp du vainqueur ? (15/05/2017)

Dans l’éditorial de Ouest-France des 6 et 7 mai, François Régis Hutin, président du Comité éditorial, appelle sans équivoque à voter pour Emmanuel Macron, et dans celui du 8 mai, il condamne sans appel le Front national et indirectement Marine Le Pen : « L’inanité du programme du Front national est apparue de plus en plus nettement. Derrière cette façade, il n’y a que du vent, des incantations et des non-dits »

Ces deux éditoriaux contrastent avec la couverture journalistique du débat télévisé. À la une de Ouest-France du 4 mai, le quotidien évoque des « styles radicalement opposés » ; cependant, le quotidien met sur un même pied les deux candidats : « Invectives, attaques »« Des échanges à couteaux tirés »« Un dialogue insupportable sur la forme, plus bruyant qu’éclairant sur le fond », soutient Michel Urvoy dans un « commentaire ». Et selon Thierry Richard (page 5), « un débat musclé qui a viré au pugilat » ou, plus loin, « une bataille de chiffonniers »

Avons-nous vu le même débat ?

Il est tout de même surréaliste que les critiques les plus virulentes vis-à-vis de l’attitude de Marine Le Pen soient venues de militants, de cadres du Front national, sans oublier Jean-Marie Le Pen lui-même.

Certes, avec un peu de recul, Thierry Richard revient sur le débat dans l’édition de Ouest-France du 5 mai (page 5). Il concède que Marine Le Pen « s’est montrée confuse et hésitante dans ses explications, s’emmêlant dans ses fiches et des dossiers »… Elle « a été agressive de bout en bout »… Elle a contribué « à faire de ce débat d’une brutalité sans précédent un rendez-vous manqué »… Incorrigible, Thierry Richard conclut pourtant sur un débat d’idées qui « a tourné court » ; « un show télévisuel un peu pénible qui n’est sûrement pas de nature à réconcilier les Français avec la politique ». Mais la faute à qui ?

C’est vrai qu’en ces temps difficiles pour la presse écrite, il faut ménager son lectorat : rien qu’en Mayenne, ils sont tout de même plus de 43 000 à avoir voté « Marine Le Pen » au second tour.

 

Donald Trump : courage, énergie… ou calcul, folie ? (18/04/2017)

En riposte à l’attaque chimique qui a fait une centaine de morts le mardi 4 avril à Khan Cheikhoun (Syrie), Donald Trump a donné l’ordre, le jeudi 6 avril, d’utiliser 59 missiles Tomahawk pour détruire des installations militaires syriennes à Chayrat. Les frappes auraient fait six morts.

On voudrait nous faire croire que la vision des enfants tués à Khan Cheikhoun ont ému Donald Trump et l’ont fait réagir en justicier légitime.

Cela ne tient pas ! Les enfants sont victimes dans toutes les guerres et les États-Unis devraient être aveugles pour ne pas recourir quotidiennement à leurs missiles vengeurs.

Donald Trump a simplement voulu marquer un point en se montrant plus réactif, plus expéditif, que son prédécesseur. Le régime de Bachar al-Assad lui en a fourni le prétexte.

Alors que les Russes semblent avoir joué un jeu trouble dans l’élection présidentielle américaine, Donald Trump a voulu faire mine de se démarquer de Vladimir Poutine. Bien entendu, les Américains ont notamment informé les Russes de leurs frappes imminentes sur la base aérienne de Chayrat – lesquels ont dû avertir les Syriens. Comment expliquer, sinon, que 59 missiles Tomahawk font moins d’une dizaine de victimes ?

François Hollande et Angela Merkel ont surtout dit qu’utiliser des armes chimiques est inadmissible. Ils n’ont pas désapprouvé officiellement Donald Trump. En privé, on imagine ce qu’ils pensent du personnage ! Mais diplomatiquement, peut-on désapprouver les États-Unis, alliés dans le cadre de l’Otan ? Désavouer Donald Trump, ce serait renforcer le poids international de Vladimir Poutine. François Hollande et Angela Merkel étaient piégés.

Les candidats à l’élection présidentielle étaient plus libres. Dès lors, nombreux soulignent – et ils ont raison – que toute réaction doit être coordonnée sur le plan international et s’inscrire dans un mandat de l’ONU.

Dans cette affaire, et c’est un comble, la Chine appelle au calme, à la retenue, au dialogue. C’est vrai vis-à-vis de la Syrie, mais aussi de la Corée du Nord – autre terrain sur lequel Donald Trump joue avec le feu (nucléaire cette fois-ci).

Ce qui est encore plus grave dans ce contexte, c’est que l’élection d’un Donald Trump, dangereux président des États-Unis, à court terme, ne génère pas un cataclysme au sein de son pays. Au contraire, Donald Trump devient un héros ! Espérons que cela ne fasse pas perdre toute lucidité aux citoyens français !

 

Le CÉAS aurait des soucis à se faire si… (13/04/2017)

L’Union nationale des associations ADMR a pris une excellente initiative : interpeller les candidats à l’élection présidentielle sur les problématiques du secteur des services à la personne. Sept candidats ont répondu aux questions. Le Lien – le mensuel des associations ADMR n° 747 de mars 2017 publie leurs réponses complètes… tout en rappelant que l’ADMR est « un mouvement apolitique » qui « ne prend parti pour aucun programme ni aucun candidat ».

À deux questions, la réponse de la candidate Marine Le Pen (Front National) nous a fait froid dans le dos. À propos de l’économie sociale et solidaire et du bénévolat, la candidate souligne l’intérêt de l’action que l’ADMR conduit, mais ne peut s’empêcher de fustiger ces associations qui « ont confondu copinage et service, politicaillerie et bien commun ». Marine Le Pen s’engage à « mettre fin aux mauvaises pratiques ». Comment ? En mettant en avant « la reconnaissance du statut d’utilité publique ». Comme si le statut d’association reconnue d’utilité publique était une garantie contre des dérives ! Ne confondrait-elle pas utilité publique, utilité sociale, intérêt général ?

« Pour mettre fin à la gabegie et que les Français puissent savoir où va leur argent », Marine Le Pen se propose de « créer une base de données pour les associations ». Il suffisait d’y penser : ficher les associations ! Vous verrez ainsi, assure la candidate, « que les plus saines et les plus utiles [selon les critères de l’extrême droite ?] profiteront très largement de cette transparence car elles récupéreront les sommes parfois importantes dilapidées par d’autres structures associatives moins exemplaires [comme le CÉAS ?] ».

On voudrait des noms…

Morceaux choisis

 

Au final, 70 parrainages d'élus mayennais
Benoît Hamon en décroche trois ! (20/03/2017)

Au 18 mars 2017, ce sont finalement soixante-dix élus mayennais (sur près de trois cents) qui ont adressé au Conseil constitutionnel leur « parrainage » pour un candidat à l’élection présidentielle. Le taux en Mayenne est plus faible qu’au niveau national.

Deux candidats à eux seuls se partagent près des trois quarts des parrainages 73 %) : Emmanuel Macron (27) et François Fillon (24). À la marge, François Asselineau en compte cinq ; Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon trois ; Alexandre Jardin et Jean Lassalle deux… Marine Le Pen n’a qu’un seul parrain en Mayenne avec le conseiller régional frontiste Bruno de la Morinière. Trois candidats n’ont aucun parrain en Mayenne : Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou. Quelques personnalités locales n’ont parrainé aucun candidat : la sénatrice Élisabeth Doineau ; Philippe Henry, conseiller régional et maire de Château-Gontier ; Joël Balandraud, conseiller départemental et maire d’Évron…

Emmanuel Macron (27) : Jean-Marc Allain (Gorron) ; Michel Angot (Mayenne) ; Géraldine Bannier (Courbeveille) ; Maurice Boisseau (Saint-Baudelle) ; Frédéric Bordelet (Moulay) ; Jean-Marc Bouhours (L’Huisserie) ; Jean Brault (La Chapelle-Anthenaise) ; Patricia Bresteaux (Ménil) ; Christian Briand (conseiller départemental) ; Dominique Coueffé (Cosmes) ; Laurence Deschamps (Châtelain) ; Françoise Duchemin (Chantrigné) ; Valérie Hayer (conseillère départementale) ; Michel Hervé (conseiller départemental) ; Christophe Langouët (Cossé-le-Vivien) ; Christian Lefort (Argentré) ; Daniel Lenoir (Villaines-la-Juhel) ; Jean-Luc Messague (Saint-Léger-en-Charnie) ; Hubert Moll (Saint-Fraimbault-de-Prières) ; Béatrice Mottier (conseillère départementale) ; Denis Mouchel (Changé) ; Jean-Paul Pichonnier (Averton) ; Franco Quargnul (Ballots) ; Michel Rocherulle (Soulgé-sur-Ouette) ; Solange Schlegel (Blandouet-Saint-Jean) ; Pierrick Tranchevent (Jublains) ; Antoine Valpremit (Sacé).

François Fillon (24) : Magali d’Argentré (conseillère départementale) ; Marcel Barbé (Saint-Loup-du-Gast) ; Yannick Borde (Saint-Berthevin) ; Norbert Bouvet (conseiller départemental) ; Daniel Chesneau (Neuilly-le-Vendin) ; Guillaume Chevrollier (député) ; François Delatouche (Saint-Pierre-sur-Erve) ; Florence Desillière (conseillère régionale) ; Alain Dilis (Saint-Germain-de-Coulamer) ; Gérard Dujarrier (conseiller départemental) ; Yannick Favennec (député) ; Pascal Gangnat (Beaumont-Pied-de-Bœuf) ; Roger Guédon (Saint-Denis-d’Anjou) ; Henri Guilmeau (Saint-Calais-du-Désert) ; Gérard Lemonnier (Juvigné) ; Marie-Cécile Morice (conseillère départementale) ; Daniel Pinto (Bouessay) ; Loïc de Poix (Crennes-sur-Fraubée) ; Olivier Richefou (conseiller départemental) ; André Rocton (Le Ribay) ; Samia Soultani-Vigneron (conseillère régionale) ; Claude Tarlevé (conseiller départemental) ; Émile Tatin (Vimarcé) ; François Zocchetto (sénateur).

François Asselineau (5) : Bernard Blanchard (Madré) ; Olivier Barre (Saint-Jean-sur-Mayenne) ; Marie-Claude Helbert (Ruillé-Froid-Fonds) ; Éric Neveu (Hardanges) ; Michel Peccatte (Thubœuf).

Benoît Hamon (3) : Guillaume Garot (député) ; Fabienne Germerie (conseillère départementale) ; Marie-Noëlle Tribondeau (Bierné).

Jean-Luc Mélenchon (3) : Christophe Carrel (Montflours) ; Monique Doumeau (Longuefuye) ; Claude Garnier (Brée).

Alexandre Jardin (2) : Jean-Luc Lecourt (Saint-Cyr-en-Pail) ; Éric Transon (Saint-Germain-d’Anxure).

Jean Lassalle (2) : Marc Bourges (Izé) ; Ludovic Pennel (Le Buret).

Jacques Cheminade (1) : Jean-Pierre Chouzy (Belgeard).

Henri Guaino (1) : Raymond Lelièvre (Lignières-Orgères).

Marine Le Pen (1) : Bruno de la Morinière (conseiller régional).

Didier Tauzin (1) : Jean-François Lassalle (Grez-en-Bouère).

 

Département de la Mayenne au 1er janvier 2014
Les paris sont ouverts : plus ou moins d’habitants ? (21/12/2016)

Dans quelques jours, pour toutes les communes de France, et donc pour les départements, l’Insee diffusera les nouvelles populations légales, cette fois-ci au 1er janvier 2014.

L’enjeu est important pour la Mayenne. Sur l’année 2012, la population n’a augmenté que de 47 habitants. Si la tendance se poursuit, la Mayenne aura perdu de la population. Ce qui peut « sauver » la Mayenne, c’est un solde naturel (naissances / décès) plus favorable en 2013 qu’il ne l’avait été en 2012 (880 en 2012 et 926 en 2013, soit + 46).

Ce qui peut également « sauver » la Mayenne, c’est un solde migratoire (sorties du département / entrées) moins défavorables, mais là c’est la grande inconnue. On sait seulement que le solde migratoire en Mayenne est négatif depuis 2010.

Le solde naturel (qui sera nécessairement positif) sera-t-il suffisant pour couvrir un solde migratoire dont on ignore tout pour le moment ?

Finalement, que la population mayennaise augmente ou diminue, la question ne doit pas être si importante puisque le Plan stratégique 2016-2021 du Conseil départemental ne fixe aucun objectif en termes de population. La panorama des enjeux et défis va jusqu’à arrondir la population du département à 310 000 habitants… alors que la population est seulement de 307 500 habitants au 1er janvier 2013. (Re)verra-t-on un jour 310 000 habitants en Mayenne ?

 

Le Comité international olympique, la Russie, le dopage…
Pour vous faire vraiment détester le sport ! (30/08/2016)

La question n’est pas de savoir si tous les sportifs russes de haut niveau se dopaient. Ce qui est consternant, c’est que l’État russe a organisé le dopage des sportifs de haut niveau, en allant jusqu’à recourir à ses services secrets, comme l’a démontré le rapport de Richard McLaren, membre de la Commission indépendante de l’Agence mondiale antidopage. D’où la formule que l’on retrouve un peu partout dans les médias : un « dopage d’État en Russie ».

Le Comité international paralympique a exclu tous les sportifs russes des Jeux paralympiques organisés à Rio de Janeiro en septembre 2016. Le Comité international paralympique est indépendant du Comité international olympique, organisateur des Jeux olympiques d’août 2016, lequel n’a pas eu le même courage et a renvoyé la décision de participation ou non des sportifs russes, à chaque fédération sportive internationale, se réservant néanmoins la possibilité d’invalider leur décision.

Les modalités du dopage organisé en Russie sont notamment connues grâce au témoignage d’une athlète russe de haut niveau, spécialiste du 800 m, Ioulia Stepanova, et de son mari, Vitaly Stepanov, ancien contrôleur de l’agence russe antidopage (Rusada). Pour leur sécurité, ils vivent cachés, quelque part aux États-Unis.

Compte tenu du service que le couple a rendu pour un sport propre, la Fédération internationale d’athlétisme a donné son accord pour que Ioulia Stepanova dispute le 800 m aux Jeux olympiques, mais le Comité international olympique s’y est opposé. Concrètement, celui-ci avertit les sportifs : « Si vous dénoncez des pratiques de dopage, attendez-vous à des sanctions sportives. Dopez-vous si vous voulez, ne vous faîtes pas prendre et, surtout, taisez-vous ! » Grand prince, le Comité international olympique a invité les époux Stepanov à Rio de Janeiro, tous frais payés, pour venir regarder l’athlétisme depuis les gradins. Ils ont refusé…

Il est de notoriété publique que le président du Comité international olympique, l’Allemand Thomas Bach, est proche de Vladimir Poutine. Bien entendu, cela n’a rien à voir avec la décision du Comité international olympique vis-à-vis de Ioulia Stepanova – que Vladimir Poutine a qualifiée de « judas ». Elle n’a pas pu participer aux Jeux olympiques : sa contribution de « lanceur d’alerte » ne l’a pas exonérée de sa suspension de deux ans (2013-2015). Pourtant, bien d’autres athlètes, précédemment suspendus pour dopage, ont participé aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro. La presse a principalement cité le cas du sprinter américain Justin Gatlin, vice-champion olympique sur 100 m en 2016, mais suspendu de 2006 à 2010.

Cette affaire jette le discrédit sur le sport russe, mais aussi sur le Comité international olympique. Nous lisons dans Ouest-France du 9 août 2016 que la sabreuse française Manon Brunet a perdu en demi-finale « après un combat douteux ». Le quotidien ajoute que « le camp tricolore masque à peine ses doutes sur la probité du juge ». C’est vrai que l’arbitre sénégalais refuse une touche à la Française pour la victoire et une place en finale : « Il est allé voir le ralenti, a changé sa décision, et personne n’a compris »… Au fait, de quelle nationalité l’adversaire de Manon Brunet était-elle ? Russe… Nécessairement une coïncidence ! Quand même, on finirait « parano » et on se mettrait à douter de tout.

NDLR. Nous adressons nos sincères condoléances aux familles de Viatcheslav Sinev, ancien directeur de la Rusada (2008-2010), « mort de manière suspecte » (Le Monde du 17 août 2016), et de Nikita Kamaïev, ancien directeur exécutif (2011-2015) qui, à 52 ans, a succombé à une crise cardiaque en revenant d’une balade à ski de fond. Tous les deux sont décédés durant la première quinzaine de 2016. Nikita Kamaïev projetait d’écrire un livre pour raconter ce qu’il savait. Ce n’était pas forcément très raisonnable…

 

La politique, c’est aussi de la psychologie sociale
La question du « référendum » était techniquement irréprochable… (06/08/2016)

Il n’appartient pas au CÉAS de prendre position pour ou contre le transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique. Par contre, il est dans son rôle quand il analyse, même si c’est après la consultation locale, le contenu de la question posée aux citoyens de la Loire-Atlantique : « Êtes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? »

Le « oui » l’a emporté avec 55 % des votes exprimés. L’écart oui / non est plus que significatif. Peut-être la formulation même de la question y a-t-elle contribué si on veut bien considérer que les concepteurs de la question avaient à défendre le « oui » ?

Ressortons notre manuel : Le questionnaire dans l’enquête psycho-sociale, de Roger Mucchielli (Paris : éd. ESF – Entreprise moderne d’édition / Librairies techniques, 1985, 8e édition). L’auteur évoque notamment l’attraction de la réponse positive. C’est une tendance, « très connue en psychologie sociale », à l’acquiescement.

Roger Mucchielli mentionne également les réponses de suggestion dues à la formulation même de la question. De fait, telle qu’elle est posée (« Êtes-vous favorable au projet »…), la question de la consultation locale est « tendancieuse ». Elle est tout sauf neutre puisque, d’emblée, elle incite inconsciemment à être favorable. S’il ne s’agissait pas d’une consultation locale par oui / non, il aurait été plus rigoureux de poser la question ainsi : « Concernant le projet de transfert (…), y êtes-vous : - Très favorable ; - Plutôt favorable ; - Peu favorable ; - Pas du tout favorable ; - Sans avis »

Roger Mucchielli, enfin, conseille d’éviter les mots qui, « affectivement chargés ou socialement non désirables, provoquent par eux-mêmes des réactions de défense et de fuite ». Des mots peuvent ainsi faire peur et entraîner la réponse « non ». Les concepteurs de la question de la consultation locale ont bien appris leurs leçons de psychologie sociale : apprécions comme il se doit le ton très banal de la formulation… Il s’agit d’un « projet de transfert »… Pas de quoi affoler les foules !

 

Résister : éviter de tomber dans le piège tendu à tous les Français (28/07/2016)

Dans Le Monde du 28 juillet 2016, Jérôme Fenoglio, directeur du quotidien, décode la stratégie de la mouvance islamiste et en dégage des enseignements pour permettre aux Français de continuer à vivre en démocratie. Il s’agit bien, effectivement, d’éviter à tout prix l’aveuglement qui amènerait les Français à s’entredéchirer.

1) Quel que soit le terroriste, l’instigateur des actes de barbarie est toujours cette organisation dite « État islamique », « métastase d’Al-Qaïda », comme la définit Jérôme Fenoglio. La spécialité de l’organisation : le lessivage de cerveau à la propagande djihadiste.

2) La France est ciblée, selon le directeur du Monde, parce qu’elle comprend l’une des plus importantes communautés musulmanes d’Europe : « L’objectif des djihadistes, écrit-il, est de provoquer des actions de représailles sauvages qui installeront chez nous une manière de guerre civile religieuse ». Le but visé : en finir avec ce pays « où des religions coexistent pacifiquement dans le cadre ancien, et tolérant, que nous appelons laïcité ». Ne pas céder à la tentation de la vengeance, c’est la meilleure des résistances ; c’est une « première défaite infligée à l’ennemi ».

3) Jérôme Fenoglio en appelle au sens des responsabilités, en particulier chez les dirigeants des partis d’opposition : « Ceux-ci ne peuvent pas laisser entendre n’importe quoi et, notamment, qu’en prenant telle ou telle mesure miracle une autre majorité politique arrêterait net la guerre que nous mènent les djihadistes ». Jérôme Fenoglio avertit ces responsables politiques : une telle attitude « relèverait du mensonge et de l’exploitation électorale d’une situation tragique ».

4) Le directeur du Monde, enfin, rappelle le lourd tribut payé à travers le monde par les musulmans, femmes, hommes, enfants, qui sont les premières victimes du totalitarisme islamiste. Dans ses racines, se trouvent entre autres les divisions internes de l’islam et l’effondrement de la Syrie et de l’Irak. La solution au terrorisme islamiste implique nécessairement la recomposition de ces deux États « dans le respect de la diversité ethnique et religieuse de leurs populations ».

5) En France, soutient Jérôme Fenoglio, la solution ne peut pas relever uniquement des forces armées ou de maintien de l’ordre, des services de renseignement et du personnel politique. Les réseaux sociaux sont le principal vecteur de la haine djihadiste. Dès lors, sans une prise de conscience des entreprises contrôlant les réseaux sociaux, nouveaux médias de masse, il sera de plus en plus malaisé de résister aux effets de la stratégie de haine. Rumeurs et « complotisme » sont placés sur le même plan que des informations fiables et vérifiées. Comment des esprits fragilisés ne peuvent-ils pas perdre toute lucidité critique sous les coups répétés d’un discours usant de toutes les astuces de la manipulation mentale ?

 

 Du Brexit à l'Euro : sortie de terrain pour l'Angleterre (08/07/2016)

Il s’est trouvé certains esprits mal intentionnés et quelque peu perfides pour déceler dans la défaite surprenante des footballeurs anglais face à l’Islande la juste et « divine » sanction de l’aspiration majoritaire du Royaume-Uni à jouer en touche au sein de l’Union européenne.

Plus sérieusement, on doit analyser le résultat du référendum sur le Brexit pour ce qu’il est, à savoir l’expression populaire d’une volonté de sécession, lourde de conséquences internationales et aussi nationales.

1. Sur la forme : le spectacle affligeant d’une classe politique irresponsable

Avant toute considération sur la dimension géopolitique du vote britannique, on n’aura pas manqué de constater – sans vouloir donner des leçons de morale politique à nos voisins d’outre-Manche – la gigantesque opération de détournement sur laquelle s’est appuyée la consultation.

On a bel et bien assisté, en effet, à une véritable partie de poker menteur, instrumentalisée à des fins de politique interne, sur fond de recadrage d’un leadership national, et sanctionnée par un vote laissant chaque camp désemparé par l’ampleur de la déflagration.

En premier lieu, la division du parti conservateur s’est artificiellement cristallisée sur la base d’un revirement opportuniste des convictions précédemment affichées par telle ou telle personnalité : d’un côté, le bouillant Boris Johnson qui, lorsqu’il était maire de Londres, témoignait d’une sensibilité europhile de bon aloi, en concordance avec le vote final de l’écrasante majorité des Londoniens partisans du « Remain » ; de l’autre, l’actuel Premier ministre, David Cameron, qui ne faisait pas mystère de son euroscepticisme avant de céder, en héraut inattendu des partisans de l’Union, à la surenchère démagogique d’une promesse de référendum, destinée en fait à conforter sa qualité de locataire du 10, Downing Street.

Quant à Jeremy Corbin, le peu charismatique leader du Labour, englué dans le dogme marxiste (et suranné) d’une vision de l’Europe assimilée à l’hydre capitaliste dévorant les masses laborieuses, la tiédeur de sa campagne est en grande partie responsable de la victoire du « Leave ».

Dans un tel contexte, force est de créditer Nigel Farage, leader de l’UKIP (Parti pour l’Indépendance du Royaume-Uni) d’une réelle constance dans l’expression de son antieuropéanisme agressif, allant jusqu’à reconnaître rétrospectivement et non sans cynisme le gros mensonge sur le montant réel des contributions versées à l’Europe, étalé et véhiculé sur les bus rouges emblématiques (véritables icônes de la « british way of life ») qui ont sillonné la campagne…

Au final, les cartes ont été battues et rebattues dans la plus grande confusion pour aboutir, après quelques tours de passe-passe, à un score qui inspire à chacun une mauvaise conscience bien puérile, à l’image d’un enfant surpris les doigts collés dans le pot de confiture ! En témoigne, notamment, la pathétique incapacité des vainqueurs à assumer les conséquences de leur victoire.

Sur le plan de la cohérence, le bilan de ces (im)postures est consternant : une fois encore, se trouve gravement écornée la crédibilité du débat politique, pour l’ensemble des citoyens abusés par une telle mascarade.

2. Sur le fond : la faillite (momentanée ?) de l’idéal européen

Depuis la publication des résultats, plusieurs voix se sont fait entendre en France et à l’étranger pour tenter de positiver  la secousse provoquée par cet électrochoc.

Oui, l’irruption de la volonté séparatiste du Royaume-Uni peut devenir l’occasion propice d’un rebondissement salutaire en vue d’une (re)définition de l’idée européenne autour d’un projet réactualisé. C’est notamment l’analyse de Jean Arthuis, député européen (« Le Brexit, une chance à saisir », Ouest-France du 28 juin 2016), rejoint par son ex-collègue de Strasbourg, Dany Cohn-Bendit.

Certes, depuis son entrée dans l’Europe, le Royaume-Uni était resté un partenaire atypique et indiscipliné, acceptant de rentrer dans une zone de libre-échange tout en s’affranchissant d’une appartenance à la zone de la monnaie unique ou à l’espace Schengen.

Sans doute, aussi, faut-il voir dans le Brexit la résurgence de l’irréductible insularité du peuple britannique, autrefois stigmatisée par le général de Gaulle, hostile à son adhésion.

Et à cet égard, on doit soutenir sans faille la position du Président Hollande, réclamant une clarification rapide du processus de séparation, seul moyen d’éviter la tentation du Royaume-Uni de « filer à l’anglaise ! » en recourant à des tractations destinées à ménager la « chèvre » (gourmande) et le « chou » (appétissant) : la construction de l’Europe mérite mieux que ces éventuels petits arrangements entre ex-amis…

Il y a donc place pour un débat de fond permettant de remettre à plat les fondamentaux mis en avant par les pères fondateurs de l’Union européenne, les premières motivations économiques s’enrichissant désormais d’autres urgences du temps présent : régulation des flux migratoires, lutte contre le terrorisme,  protection de l’environnement…

Pour contrecarrer l’appel d’air et le pouvoir de contagion que représente le vote du Brexit par rapport aux populismes de toutes sortes, l’Europe doit cesser d’être lâchement désignée comme le bouc-émissaire permanent de nos dérèglements et dysfonctionnements nationaux : n’en déplaise à Marine Le Pen, ce n’est pas d’un autre référendum suicidaire sur l’Europe que la France et ses partenaires ont besoin mais bien d’un nouveau traité de refondation de l’Union.

3. La construction européenne comme utopie nécessaire et vitale pour l’avenir des peuples

Il faut en effet avoir le courage et la lucidité de reconnaître dans le vote britannique l’expression du rejet prioritaire d’une immigration perçue comme tentaculaire et déstabilisante : au FN comme à l’UKIP, c’est la même odeur rance et fétide d’une xénophobie rampante, se nourrissant du remugle de tous les égoïsmes nationaux et du chauvinisme cocardier, contre lesquels l’Europe reste le meilleur rempart.

Enfin, le gâchis le plus attristant produit par le séisme du Brexit est clairement illustré par l’analyse que l’on peut faire de la répartition des votes du 23 juin. La majorité triomphante se retrouve bien dans les couches les plus âgées de la population : le Brexit est un vote de vieux, frileusement cramponnés aux fantômes d’une vision passéiste, au moment où les jeunes générations affirment leur soif décomplexée de modernité, d’ouverture et d’échanges culturels.

La pratique communautaire comme modèle d’une citoyenneté vécue au quotidien

Pour terminer ce plaidoyer sur un rapprochement qui pourrait apparaître inopiné, qu’il me soit permis en tant qu’ancien élu de proximité de souligner l’évidente ressemblance de la problématique européenne avec le débat récurrent sur l’avenir des collectivités locales face au développement de l’intercommunalité.

À des niveaux bien différents, les objectifs restent les mêmes : définition de projets de territoire, adoption de politiques communes, mutualisation de moyens…

À Bruxelles comme dans toute communauté d’agglomération, les élus doivent dépasser les querelles de « clochers » pour construire les conditions d’un nouveau vivre-ensemble, à la hauteur des enjeux du monde multipolaire d’aujourd’hui.

 Le 30 juin 2016

Michel Ferron
Administrateur de la Maison de l’Europe en Mayenne

Administrateur du CÉAS de la Mayenne

 

« Loi Travail » : on ne la connaît pas, mais on a un avis (21/06/2016)

L’Ifop est devenu maître ès sondages sur le mouvement de mobilisation contre la loi Travail. Depuis mi-mai, l’institut a successivement vendu ses services à RTL (enquête les 19 et 20 mai), à nouveau RTL (23 au 25 mai), Sud-Radio (30 mai au 1er juin), Atlantico.fr (6 au 8 juin), Dimanche Ouest-France (14 au 17 juin).

La question posée, dans le sondage pour Dimanche Ouest-France, était la suivante : « Vous savez que depuis plusieurs semaines, de nombreuses manifestations et grèves (notamment dans les transports), et dernièrement des blocages de raffineries, ont lieu pour protester contre la réforme du code du travail de Myriam El Khomri. Personnellement, trouvez-vous ce mouvement tout à fait justifié, plutôt justifié, plutôt pas justifié ou pas du tout justifié ? » Les résultats permettent à Dimanche Ouest-France (19 juin 2016), parmi d’autres, de titrer : « 60 % des Français soutiennent la contestation ».

Difficile d’être plus démagogique ! Et si l’Ifop avait accepté de casser sa tirelire pour offrir une première question visant à savoir si les Français ont lu le projet de loi, s’ils en connaissent le contenu… Gageons que ceux qui auraient reconnu tout ignorer de ce projet de loi très technique, auraient été moins enclins, dans une seconde question, à soutenir la contestation…

En outre, quand on observe les résultats diffusés par l’Ifop, on se rend vite compte que les Français ont tous eu un avis sur la question posée. Il s’agissait d’une enquête en ligne où, manifestement, il fallait impérativement avoir un avis pour ne pas bloquer l’avancée du questionnaire auto-administré.

Quant à la formulation de la question même, difficile de faire plus long – tout en glissant quelques mots dont on sait qu’ils influenceront les résultats. Ainsi, il aurait été plus neutre de poser comme question : « Vous savez que depuis plusieurs semaines, des nombreuses manifestations et grèves (notamment dans les transports), et dernièrement des blocages de raffineries, ont lieu pour protester contre la réforme du code du travail de Myriam El Khomri (…) ». Le taux de soutien à la contestation, ainsi, aurait été moins élevé.

Difficile techniquement de faire en sorte que les manifestations et grèves fassent l’objet d’un réel rejet car, d’une façon générale, toutes perspectives de réformes, au moins dans les enquêtes par questionnaire, ont tendance à générer de l’inquiétude et suscitent difficilement l’adhésion.

On simplifie d'un côté... On complexifie de l'autre... C'est devenu très compliqué de fusionner (03/08/2015)

L’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 est censée simplifier la vie des dirigeants associatifs. C’est vrai qu’ils n’auront plus à tenir à jour ce registre spécial… dont bon nombre ignoraient qu’il pût exister ! Dans le même temps, le décret n° 2015-832 du 7 juillet 2015 apporte un cadre juridique aux restructurations entre associations (fusions, scissions, apports partiels d’actif). Ce décret complète la loi relative à l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014.

Problème : la même règlementation s’applique quelle que soit la taille de l’association. Par exemple, d’une part pour deux clubs de football voisins, en milieu rural, qui n’ont aucun salarié ni aucun bien immobilier, et, d’autre part, deux associations gérant des établissements et services sociaux et médicosociaux pouvant employer des milliers de salariés et disposant d’un patrimoine immobilier à faire pâlir d’envie de nombreuses collectivités.

Voici donc à quoi doivent se préparer deux petits clubs de football qui souhaitent fusionner pour mettre en commun leurs effectifs sportifs…

1) Rédiger un projet de restructuration

Un projet de restructuration doit être établi et arrêté par les personnes chargées de l’administration des associations concernées, au moins deux mois avant les délibérations prises par les instances statutaires. Ce projet doit contenir :
- Le titre, l’objet, le siège social, une copie des statuts en vigueur et, le cas échéant, le dernier rapport annuel d’activités, de l’ensemble des associations concernées.
- Un extrait de la publication au Journal officiel de la déclaration des associations à la préfecture.
- Les motifs, buts et conditions de l’opération.
- Le cas échéant, le titre, l’objet, le siège social et les statuts envisagés de la nouvelle association résultant de la restructuration, ou les statuts modifiés des associations concernées.
- Le cas échéant, une copie des demandes tendant à la poursuite d’une autorisation administrative, d’un agrément, d’un conventionnement ou d’une habilitation.

- La désignation et l’évaluation de l’actif et du passif, ainsi que des engagements souscrits, dont la transmission aux associations bénéficiaires ou nouvelles est prévue, et les méthodes d’évaluation retenues.

L’ensemble de ce dossier est joint à la convocation statutaire en vue des délibérations des assemblées générales des associations concernées. La convocation mentionne, entre autres, les documents mis à disposition au siège social ou sur le site Internet des associations.

2) Publier un avis dans un journal habilité à recevoir des annonces légales

Pour annoncer le projet de restructuration, chacune des associations concernées – à ses propres frais – doit faire publier un avis dans un journal du département de son siège social, lequel journal est habilité à recevoir des annonces légales. L’avis contient les indications suivantes :
- Pour chaque association concernée, le titre, l’objet, le siège social, la date de déclaration à la préfecture, le département de parution de l’avis, et, le cas échéant, le numéro Siren.
- Le cas échéant, le titre, l’objet et le siège social envisagés pour la nouvelle association résultant de l’opération de restructuration.
- La date d’arrêté du projet et la date prévue pour la réunion des organes statutaires devant statuer sur l’opération.

- La désignation et l’évaluation de l’actif et du passif, ainsi que des engagements souscrits, dont la transmission aux associations bénéficiaires ou nouvelles est prévue.

La publication doit avoir lieu trente jours au moins avant la date de la première réunion des organes appelés à statuer sur l’opération.

3) Mettre des documents à la disposition des membres adhérents

Enfin, trente jours au moins avant la date des délibérations sur le projet et au plus tard le jour de la publication de l’avis dans la presse, chaque association concernée, au siège social ou sur son site Internet, doit notamment mettre à la disposition de ses membres :
- Les documents qui doivent figurer dans le projet de restructuration et que chaque membre doit recevoir.
- Le cas échéant, la liste des établissements des associations concernées avec indication de leur siège.
- La liste des membres chargés de l’administration de chaque association concernée, à l’exception des indications relatives à la nationalité, profession et domicile.
- Un extrait des délibérations des organes délibérants de toutes les associations concernées arrêtant le projet de restructuration, avec indication du nombre des membres présents, du nombre des membres représentés et du résultat des votes.
- Pour les trois derniers exercices ou si l’association a moins de 3 ans depuis sa date de création : les comptes annuels, le budget de l’exercice courant, les dates auxquelles ont été arrêtés les comptes des associations concernées utilisés pour établir les conditions de l’opération, ainsi que, le cas échéant, le rapport du commissaire aux comptes et le rapport de gestion.
- Les conditions dans lesquelles les contrats de travail des associations concernées par l’opération de restructuration sont transférés à la ou aux nouvelles personnes morales résultant de l’opération.

-  Le cas échéant, l’avis du comité d’entreprise se prononçant sur le projet de l’opération de chaque association participant à l’opération.

Entre une absence de cadre juridique et un cadre juridique aussi inadapté aux « petites » associations, on peut raisonnablement se demander si le législateur a apporté une amélioration. Le nouveau dispositif est très lourd et coûteux. Et qui payera au final ? Les pouvoirs publics incitent aux collaborations, aux mutualisations, voire aux fusions. On vient d’y mettre un frein.

Projet de réserve citoyenne : il faudra "ramer" pour convaincre... (16/07/2015)

Dans le droit fil des attentats de janvier 2015 et des manifestations qu’ils ont suscitées les 10 et 11 janvier, le président de la République a missionné Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, et Claude Onesta, entraîneur de l’équipe de France masculine de handball, pour explorer la faisabilité de la création d’une « réserve citoyenne ». Ils ont remis un rapport de plus de cent pages : Pour que vive la fraternité

Si l’on souhaite s’épargner la lecture de tout le rapport, on peut se contenter de l’annexe 4 : « Résumé et principales propositions du rapport » (pages 91 à 94). Le contenu est très emphatique : « Le projet de réserve citoyenne s’appuie sur la conviction que le projet républicain demeure un projet fédérateur et intégrateur et une réponse au risque de délitement du lien social » (page 91).

On comprend, dès lors, que les rédacteurs recommandent au Gouvernement, en tout premier lieu, de « s’assurer que l’idée de réserve citoyenne puisse faire l’objet d’une large appropriation par la société civile » (page 93). De fait, ce n’est pas gagné !

Concrètement, auprès des services de l’État, au sein des collectivités territoriales, des établissements publics ou encore des associations, les « réservistes » pourraient être sollicités pour des missions exceptionnelles (participation à la gestion de crises, d’accidents, de catastrophes ou de grands rassemblements…) ou plus régulières, mais ne dépassant pas un engagement de quelques heures par semaine. Toutes les missions auraient en commun « de s’inscrire dans une logique de fraternité ». Avec « une formation et un encadrement appropriés », elles pourraient porter sur les champs suivants : la transmission des valeurs de la République à l’école, l’aide aux personnes en situation de handicap, l’accueil et l’intégration des étrangers, la lutte contre l’exclusion et l’illettrisme, la participation à la politique de la ville, la lutte contre l’isolement social, la promotion des valeurs et de l’éthique du sport, l’accès à la culture, l’accompagnement des personnes condamnées (page 92)…

L’articulation entre bénévolat associatif et réserve citoyenne est forcément complexe. Les deux rapporteurs précisent que « l’ampleur des besoins d’intérêt général dans notre société paraît aujourd’hui telle qu’il y a place pour une intervention conjointe et coordonnée à la fois de réservistes et de bénévoles » – surtout si cela évite de recruter des professionnels salariés… Il n’est pas sûr que cette déclaration des deux rapporteurs règle la question en la clarifiant, et qu’elle rassure les syndicats de défense des intérêts des salariés.

À court terme, les deux rapporteurs suggèrent d’expérimenter le dispositif dans trois ou quatre départements. Bien entendu, il faudra créer une agence supplémentaire, en l’occurrence une Agence de la réserve citoyenne. De quels moyens disposera-t-elle par ces temps d’économies budgétaires ?

Au lieu de tout faire pour créer de la complexité et de la confusion, ne serait-il pas plus judicieux de soutenir le secteur associatif pour l’aider à accueillir plus de bénévoles et le plus utilement possible ?

Formulons également le vœu que Claude Onesta et l’équipe de France de handball remportent à nouveau le titre olympique en 2016, au Brésil, et de façon magistrale : plus, probablement, qu’avec cette réserve citoyenne à laquelle n’adhéreront que des citoyens convaincus d’avance, ils contribueraient ainsi au renforcement de notre sentiment d’appartenance à notre pays !

"Affaire" Vincent Lambert : un peu de décence, s'il vous plaît ! (17/06/2015)

La bataille juridique à laquelle se livrent, depuis plusieurs années, les parents et la femme de ce jeune tétraplégique, Vincent Lambert, plongé dans le coma, autour de la douloureuse question de l’« acharnement thérapeutique », vient de s’enrichir d’un nouvel épisode, à travers l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Au-delà du problème de fond, on ne peut que déplorer un tel étalage public de la cohabitation de trois souffrances qui inspirent la compassion de tout le monde : celle, tout d’abord, de ce grand blessé, ayant déjà, dans les faits, quitté le monde des vivants ; celle de ses parents, désespérément obstinés à le faire vivre coûte que coûte ; celle enfin de son épouse, résolue à lui assurer une fin de vie digne, conforme au désir qu’il en avait exprimé.

Le débat public suscité en France autour du problème de l’euthanasie (ou l’obstination déraisonnable), tel qu’il a été récemment réactualisé autour de la refonte de la loi Leonetti, repose évidemment sur la nécessité morale de mettre en place un dispositif juridique adéquat.

En tant que tel, il passionne logiquement tout citoyen invité à s’interroger sur le bien-fondé d’une nouvelle réforme sociétale décisive, qui peut, un jour ou l’autre, concerner chacun dans sa sphère privée.

Est-il pour autant acceptable que soit exposé dans la presse, autour d’un cas particulier, l’affrontement de proches, cédant à la tentation d’instrumentaliser les médias pour résoudre un drame familial ?

Quelle cohérence accorder, par ailleurs, à la stratégie de l’association intégriste soutenant les parents de Vincent Lambert, encouragés à faire appel à une instance juridique européenne, quand on connaît la mouvance idéologique dont elle se réclame, hostile à l’Europe ?

L’affirmation du droit à l’information a-t-elle pour conséquence que le lecteur ait connaissance de tous les drames intimes (et il y en a de bien plus sordides, propres à alimenter tous les voyeurismes !), en lui faisant croire qu’il aurait à trancher sur tout, en suivant tous les rebondissements des affaires les plus obscures ? Non, le présent débat ne gagne rien à ce « théâtre » impudique.

Combien de familles, confrontées à la même situation que celle de Vincent Lambert, vivent dans la dignité et la discrétion l’issue qu’elles ont choisie pour un proche profondément diminué, en relation fusionnelle avec un personnel médical attentif et respectueux des patients ?

Michel Ferron

L’entrée de Jean Zay au Panthéon. Un accroc au consensus national ? (02/06/2015)

Je suis stupéfait de lire dans l’édition mayennaise d’Ouest-France du 29 mai 2015 que François-Gonzague Meunier, conseiller municipal d’opposition à Château-Gontier, par ailleurs membre de l’UMP, succombe à un parti pris qui l’entraîne – à son corps défendant ? – dans le sillage des attaques de l’extrême droite, ancienne et actuelle, à l’encontre de Jean Zay, ministre du Front populaire assassiné par le régime de Vichy en 1944.

Sans revenir sur la signification et les objectifs du rite laïque de la panthéonisation, on sait que cette décision régalienne visant à conférer une haute distinction à de grandes personnalités peut exposer le chef de l’État à des controverses.

Le choix de deux résistantes – Geneviève Anthonioz-de Gaulle, nièce du héros de la France libre et ancienne présidente d’ATD Quart-Monde ; Germaine Tillon, ethnologue et ancienne du réseau du « Musée de l’Homme », toutes les deux déportées à Ravensbrück – n’a soulevé aucune objection.

En revanche, la sélection des deux autres personnalités a suscité d’importantes réserves de part et d’autre : Pierre Brossolette, en raison de sa rivalité avec Jean Moulin, et surtout Jean Zay, coupable, aux yeux de Vichy, de nombreux « crimes » qui lui valurent quatre années de prison, avant d’être fusillé par la Milice française.

Que François-Gonzague Meunier choisisse de rompre l’unité nationale autour de la consécration de cet ancien responsable politique, c’est son droit. On peut déplorer toutefois qu’il assortisse son jugement de considérations partisanes en « regrettant que le gouvernement mette en avant une personnalité socialiste » (1).

 

Plus grave encore est de s’appuyer sur l’ancien et récurrent procès intenté à Jean Zay pour son texte antimilitariste, intitulé Le Drapeau, écrit en 1924 (son auteur était alors âgé de 20 ans), qui est à considérer comme un pamphlet rédigé dans un cercle de jeu littéraire d’étudiants, pratiquant la provocation dans la veine du mouvement surréaliste de l’époque.

Certes, ce poème n’est pas respectueux de l’icône patriotique, symbole, pour l’auteur, des atrocités de la Première Guerre mondiale… mais est-ce manquer de respect à l’égard des « morts aux champs d’honneur » que de rappeler qu’en même temps qu’il exalte le sacrifice des combattants, le drapeau tricolore est aussi imprégné du sang des boucheries de toutes les guerres ?

Et puis, quitte à se livrer au même petit jeu de citations tronquées que François-Gonzague Meunier, on peut aussi relever dans Le Drapeau ces apostrophes que tant d’autres, à d’autres époques, ont écrites pareillement :

(…) Quinze cent mille [morts] éventrés, déchiquetés,
Anéantis dans le fumier d’un champ de bataille,
Quinze cent mille qui n’entendront plus JAMAIS,
Que leurs amours ne reverront plus JAMAIS.
Quinze cent mille pourris dans quelques cimetières
Sans planches et sans prières …
Est-ce que vous ne voyez pas comme ils étaient beaux, résolus, heureux

De vivre, comme leurs regards brillaient, comme leurs femmes les aimaient ? (…)

En conclusion, plutôt que de focaliser sur un écrit de jeunesse, commis dans un contexte de création particulier, il eût été intellectuellement plus honnête et civiquement plus rassembleur de mettre en avant les multiples « qualités » qui faisaient de Jean Zay l’homme à abattre par excellence : d’origine juive par son père, homme de gauche, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux Arts (1936-1939), il fut d’abord le bâtisseur visionnaire de l’École républicaine, dont le pétainisme souhaitait l’abolition (2).

Dans le même contexte, en 1941, l’officier Pierre Mendès-France était condamné, lui aussi, par le régime de Vichy pour « désertion » : il était, lui aussi, d’origine juive, homme de gauche et membre du second Gouvernement de Léon Blum.

Michel Ferron

 

__________


[1] – Jean Zay appartenait en fait à l’aile gauche du Parti radical de l’époque

[2] – Voir l’intéressant ouvrage (richement documenté et illustré) d’Antoine Prost et Pascal Ory : Jean Zay, le ministre assassiné (1904-1944). Éd. Tallandier et Canopé, mai 2015.

 

Michel Ferron : avec la seule prétention de participer au débat.
Réforme du collège et refonte des programmes scolaires (01/06/2015)

 

 

Michel Ferron, professeur agrégé de lettres modernes en retraite, administrateur actif du CÉAS de la Mayenne, souhaite ici participer au débat sur la réforme du collège et la refonte des programmes scolaires. Son texte est inspiré par de nombreuses années de militantisme syndical et pédagogique (et donc forcément « politique »), et aussi par son expérience d’enseignant.

L’actuelle controverse et les polémiques autour du projet de réforme du collège proposé par la ministre Najat Vallaud-Belkacem ont le mérite et l’avantage (irritants pour certains) de susciter un énième débat sur l’avenir du système éducatif français.

On passera sur les rituelles références aux évaluations du programme PISA [1], inspiratrices d’un constat apocalyptique sur nos piètres résultats (au même titre que les « hit-parades » des établissements, assénés chaque année sans mentionner le moindre paramètre contextuel et dont les médias font leurs choux gras, plongeant les familles dans la perplexité).

Le problème des langues

Nous sommes confrontés à la résolution d’une équation délicate : comment faire en sorte que des langues « mortes » continuent à vivre, tout en empêchant des langues vivantes de mourir ?

 

S’il s’avère que la réforme aboutit à la mise en péril de la connaissance des langues anciennes, tout doit être fait, au contraire, pour en maintenir un enseignement significatif, non seulement en assurant leur choix dans les horaires et les programmes, mais aussi pour sauvegarder un patrimoine culturel hérité de l’Antiquité, pouvant faire l’objet d’une approche transversale (langues, histoire, enseignement artistique, éducation à la citoyenneté…).

Si se confirme également la menace d’une quasi-disparition de l’enseignement d’une deuxième langue vivante, on doit réagir à cet appauvrissement progressif des langues étrangères dans notre système éducatif.

À cet égard, il eût été plus judicieux, à mon sens, plutôt que d’introduire l’apprentissage de l’anglais au niveau du primaire [2], de prendre des mesures pour consolider durablement l’enseignement des langues étrangères dans le second degré, à la fois comme outils de communication mais aussi comme vecteurs de cultures et de mentalités.

Affichée comme la pratique d’une sorte de sport national, la désaffection des Français à l’égard des langues étrangères (reflet d’une certaine frilosité hexagonale ?) nous vaut d’apparaître en bien mauvaise position par rapport aux constats que l’on peut faire, au-delà des statistiques, dans les pays anglo-saxons.

Collège unique et égalité des chances

Le constat de la faillite du modèle de collège unique, mis en place il y a quarante ans par la réforme Haby, suscite forcément à nouveau le débat autour de l’opposition « enseignement d’élite / enseignement de masse », alourdi par la crainte du « nivellement par le bas » auquel seraient condamnées nos « chères têtes blondes ». Soit…

Pour autant, ce questionnement récurrent n’est pas dénué d’une certaine hypocrisie de la part de quelques associations de parents d’élèves et organisations syndicales bien-pensantes : défendre une conception égalitariste de l’enseignement peut s’apparenter à une simple posture idéologique ; de la même façon, se soumettre passivement à l’évidente différence du niveau des élèves peut revenir à cautionner un certain immobilisme, teinté de désespérance pédagogique, assistant avec impuissance à la disparition de la fonction de l’école comme ascenseur social.

Différenciation des contenus et hiérarchie des genres

Le nécessaire toilettage des programmes doit être conduit en ayant à l’esprit quelques principes simples. Tout d’abord, il est absurde d’assimiler les tenants de l’enseignement des langues anciennes à d’affreux réactionnaires, soucieux de perpétuer des privilèges de « classes » : la découverte de l’œuvre philosophique de Sénèque ou des discours de Démosthène transcende les inégalités sociales.

En même temps, il est évident que l’on doit continuer à proposer des parcours différenciés aux élèves, en fonction de leurs appétences et de leurs projets. Cependant, il peut paraître pervers d’enfermer les élèves en difficulté dans des programmes étriqués et aseptisés, à visée essentiellement utilitaire et pragmatique. Ainsi, par exemple, sur les chapitres de la littérature et de l’expression, l’étude de tout support écrit et oral (littéraire ou non) peut donner lieu, en classe, aux mêmes exercices de décryptage des codes et des messages, fournissant des bases rhétoriques et d’esprit  critique [3].

C’est pourquoi, partant du principe que, dans le domaine de l’expression, il n’y a pas de genres mineurs ni de petites ou de grandes œuvres (ceci restant la plupart du temps affaire de subjectivité), on doit pouvoir défendre la pluralité des approches et des études. De la même façon qu’il n’existe pas de suprématie d’une langue sur les autres, non, la langue française n’est pas menacée et continue de s’enrichir d’emprunts à toutes sortes de registres : l’invasion du « franglais » bien contrôlée peut représenter un exemple de métissage linguistique réussi, sans déclencher des cris d’orfraie !

Ainsi, oui, les élèves de niveau moyen ou faible ont le droit d’accéder au théâtre de Shakespeare, sans que l’on ait le sentiment de « donner à manger du caviar à des cochons ! », selon une pitoyable formule entendue dans certaines salles de profs. Oui, les élèves ayant choisi la voie de l’enseignement technologique (longue ou courte) doivent pouvoir goûter aux sortilèges de la poésie classique et moderne : l’analyse de la structure d’un sonnet de Baudelaire peut se révéler tout aussi excitante que le décodage d’une affiche de cinéma.

Et, sur ce plan, n’en déplaise à un ancien président de la République, les programmes d’un concours de la Fonction publique peuvent parfaitement s’enrichir de l’étude de La Princesse de Clèves (sans qu’on soit tenu de se passionner pour ce mode de narration romanesque…).

Au terme de cette proposition d’analyse personnelle, que l’on pourra qualifier d’irréaliste, angélique ou irresponsable, je souhaiterais simplement dire qu’il n’y a pas de passion d’enseigner sans un minimum de volontarisme ou de projets utopiques (comme dans un engagement politique).

Certes, la pratique du métier de prof est un exercice difficile, qui expose à bien des ressentiments venant de toute part (car tout le monde a forcément des problèmes à régler avec l’institution scolaire, située au cœur de nombreuses frustrations individuelles ou collectives). Ce métier mériterait d’être davantage considéré et encouragé. Cependant, pour avoir connu quelques « émotions » pédagogiques durant ma carrière, j’estime qu’en dépit de toutes ses tares, notre système éducatif contribue encore globalement à l’émancipation des citoyens. Il faut donc dépassionner le débat en cessant d’alimenter le chœur des pleureuses !



[1] – Programme international pour le suivi des acquis des élèves, proposant un bilan triennal des performances des systèmes éducatifs européens, sous l’égide de l’OCDE.

[2] – Un bilan doit être dressé sans complaisance de cette opération, réduite bien souvent à un simple « gadget », faute de disposer d’enseignants véritablement formés et motivés, face à de jeunes élèves déjà confrontés à la complexité de leur langue maternelle.

[3] – Ce n’est pas une raison pour réduire l’activité des élèves faibles à la seule étude de bandes dessinées, d’articles de presse ou de messages publicitaires…

 

Le "sacrifice" de Jean-Marie Le Pen (09/04/2015)

Jean-Marie Le Pen dit parfois des « bêtises », plus ou moins monstrueuses. Sa fille Marine n’est pas contente et elle le fait savoir. Et puis il ne se passe rien. Marine fait toujours la bise à son papa.

Pendant ce temps-là, le Front national et sa présidente engrangent des points. Le Front national est aujourd’hui un parti comme les autres, très fréquentable. On nous donne à croire que le Front national a changé : c’est la stratégie de communication de la dédiabolisation.

Aujourd’hui, à 86 ans, Jean-Marie Le Pen dépasse les bornes. C’est intolérable pour Marine Le Pen qui écrit dans un communiqué : « Sa stature de Président d’honneur ne l’autorise pas à prendre le Front national en otage, de provocations aussi grossières dont l’objectif semble être de me nuire mais qui, hélas, portent un coup très dur à tout le mouvement, à ses cadres, à ses candidats, à ses adhérents, à ses électeurs ». Sortons les mouchoirs !

Mais quelle mouche a piqué Jean-Marie Le Pen, alors que tout allait si bien au Front national ? Et si le fondateur du parti était en train de nous jouer un gros coup : une escalade de déclarations inacceptables amène le Front national, qui en est bien sûr complètement désolé, à traiter son fondateur comme une personne atteinte par les contraintes de l’âge ?

Cette fois-ci, c’est sûr, on va retirer à Jean-Marie Le Pen l’honneur d’être la tête de liste pour les élections régionales en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Quelle dure et pénible épreuve pour la blanche Marine obligée de condamner son propre père ! Certes, mais ce qui va procurer la virginité politique à son parti…

Suicide de Jean-Marie Le Pen, mais non, pas du tout, « sacrifice » du père fondateur pour permettre à son parti de gagner le cœur des électeurs dupes de la mascarade. C’est de la politique-fiction, bien-sûr, mais l’hypothèse est plausible.

Une Marine Le Pen au ton naturel (07/04/2015)

« Je ne demande pas à Manuel Valls de démissionner car si l’on peut attendre des chefs d’État de partir avec honneur, les petits politiciens médiocres, eux, s’accrochent généralement malgré la sanction des urnes, incapables qu’ils sont de se mettre au niveau du peuple et de le respecter. »

C’est un extrait de la déclaration publique de Marine Le Pen, le 29 mars 2015, pour commenter les résultats des élections départementales. La presse écrite a peu repris ces propos. Dommage ! Ils nous révèlent une facette de la vraie personnalité d’une Marine Le Pen pleine d’arrogance et excessivement manipulatrice : en abaissant ainsi le Premier ministre, elle distille le doute, se présente comme sauveuse de la France et va séduire, par sa gouaille, un grand nombre de Français.

Les propos de Marine Le Pen à l’égard de Manuel Valls sont-ils une diffamation ou une injure ? La distinction est parfois subtile. En l’occurrence, l’amende serait-elle de 45 000 euros (diffamation) ou bien de 12 000 euros (injure) ?

Dans le droit français, la reproduction ou la citation de propos diffamatoires constitue une nouvelle diffamation susceptible de poursuites. Les journalistes connaissent la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et ils n’ont sans doute pas voulu prendre le moindre risque en diffusant les propos de Marine Le Pen.

Comptant sur la compréhension de Manuel Valls, le CÉAS juge utile de diffuser les propos de Marine Le Pen. De toute façon, si on lui cherchait des ennuis, il pourrait toujours faire valoir sa « bonne foi journalistique ». Tous les critères sont réunis : légitimité du but poursuivi (éducation politique), absence d’animosité personnelle à l’égard du Premier ministre, prudence et mesure de l’expression, qualité de l’enquête…

Dis-moi ce que tu lis.. Les élections départementales à la une (01/04/2015)

Comment les grands quotidiens français ont-ils construit la une de leur édition du lundi 30 mars 2015 ? Dans tous les journaux, les élections départementales font la une, mais avec des traitements différents qui en disent long sur l’objectivité et la neutralité de chaque média.

La Croix, édité par Bayard Presse, dont les Augustins de l’Assomption sont parmi les principaux associés, reste fidèle à sa sobriété éditoriale. « Des élections qui en annoncent d’autres… », titre le quotidien qui évoque « les contours d’un nouveau paysage politique » et se projette vers les élections régionales de décembre. Pour illustrer sa une, La Croix a choisi une urne dans un bureau de vote. Le traitement des résultats en pages 2 et 3 est en cohérence avec la une : pour décrypter la « nouvelle donne électorale », des intertitres respectueux des partis politiques : « L’UMP mise sur l’union et la refonte du parti »… « Au PS, tout faire pour rassembler la gauche »… « Le FN table sur la poursuite de son enracinement local »… Voilà du bon travail journalistique !

Les Échos – Le quotidien de l’économie est une publication d’un groupe qui compte comme principal associé LVMH (Bernard Arnault). Le quotidien titre : « Comment Hollande prépare l’après-défaite ». La photo montre le président de la République à la sortie de son bureau de vote. Les Échos met l’accent sur le « très net revers » subi par le PS et sur le succès de la droite qui « remporte les deux tiers des départements ». Quotidien économique oblige, Les Échos précise que le chef de l’État n’envisage « ni changement de cap, ni remaniement ». Plus surprenant, le quotidien se réjouit des « signes de redémarrage de l’activité » qui se multiplient. C’est curieux d’attendre le lendemain d’une élection pour l’annoncer… Quoi qu’il en soit, le Front national et Marine Le Pen sont complètement absents de la une !

Le Figaro (Dassault Médias) est un quotidien dont les propos sont totalement à charge pour la gauche. Le titre est sans appel : « L’UMP en force, le PS en miettes ». Les illustrations montrent Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen souriant ; François Hollande et Manuel Valls ont le visage crispé. Le Figaro insiste sur l’« échec historique » que subit la gauche. Elle reprend le « désaveu sans appel » de Nicolas Sarkozy. Manuel Valls est présenté comme « fragilisé », devant se préparer à « affronter l’offensive des frondeurs ». L’éditorial est de la même veine : « Faillite de la gauche, défi pour la droite »…

Aujourd’hui en France (Intra-Presse, du groupe Amaury) choisit une une cinglante pour le Premier ministre, seul en photo mais avec ce titre en grand : « La gifle ». Commentaires très brefs : on retient que les électeurs « ont sévèrement sanctionné la gauche », d’où une France qui « bascule à droite ». En pages intérieures, « Hollande et Valls se cramponnent »… « Et Sarkozy plane »… « Marine Le Pen voit quand même une victoire »…

Libération est dorénavant une publication de la SAS Presse Média Participation (PMP) avec Bruno Ledoux et Patrick Drahi. Le quotidien ironise sur Manuel Valls qui est « battu mais content ». Libération ne semble pas cautionner les choix du Premier ministre qui « ne compte pas remettre en cause la politique du gouvernement, malgré la défaite de la gauche face à l’UMP ». Libération serait-il du côté des mécontents du PS ? Le quotidien accorde une petite place en une au FN qui « lui, remporte un nombre record de conseillers, mais pas de département ».

L’Humanité a sorti un « Spécial élections départementales ». Le « journal fondé par Jean Jaurès » titre : « Après la gifle, l’urgence d’un nouveau cap ». François Hollande et Manuel Valls tournent le dos aux lecteurs de L’Humanité, lequel ne dissimule pas ses thèses : « L’échec électoral de Hollande et Valls est la preuve qu’une politique nouvelle de gauche doit s’imposer pour rompre avec l’austérité qui nourrit le désespoir et l’abstention »L’Humanité nommé Premier ministre : pourquoi pas ?

Ouest-France titre sur la « large victoire de la droite », avec des sous-titres factuels : « Toute la Normandie à droite »… « Les Côtes-d’Armor basculent à droite »… « Le PS garde l’Ille-et-Vilaine »… « Le Front national sans département »… Le « commentaire » de Michel Urvoy enfonce un peu le clou : « Sarkozy conforté, Valls désavoué ».

Le Monde a aujourd’hui pour actionnaire principal Le Monde Libre (Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel). Le quotidien du soir ne peut commenter les résultats que dans son édition datée du mardi 31 mars. Le Monde titre : « La droite victorieuse, Sarkozy conforté ». En marge de la nouvelle carte des majorités départementales, les commentaires du quotidien sont relativement neutres. Chacun y trouve une place, même l’UDI qui sort aussi vainqueur de ces élections ou le FN qui ne fait élire « que » soixante-deux conseillers sur plus de quatre mille. Le PS n’est quand même pas épargné : il a droit à sa « troisième défaite ». Pourtant, « l’exécutif ne changera pas de cap ». Un élément complémentaire : « Sarkozy juge avoir pris l’avantage sur Juppé pour 2017 ». L’avenir lui donnera raison… ou tort !

Le jour où les Mayennais(es) ont perdu la tête… (24/03/2015)

Le dimanche 22 mars 2015 restera comme un traumatisme dans l’histoire du département. Les Mayennais ont oublié qu’être Français accorde des droits, mais exige en contrepartie des devoirs civiques : et cela commence par celui de voter lors des élections.

Quelque 100 000 Mayennais n’ont pas pu ou n’ont pas jugé utile d’aller voter pour les élections départementales. Les abstentionnistes étaient moins de 16 % à l’élection présidentielle de 2012 ; ils sont environ 50 % aux élections départementales. Avec l’électorat Front national (environ 20 700 Mayennais), cela fait plus de 120 000 citoyens tout à fait disposés à confier leur armée et leur police à l’extrême droite.

Les votants s’étant exprimés étaient environ 77 000 de plus à l’élection présidentielle. Les Mayennais n’ont-ils pas compris que la présence d’un binôme de candidats dans chacun des cantons du département s’inscrit dans une stratégie de conquête du pouvoir au niveau national ? Au-delà des grands enjeux de politique nationale et internationale, les Mayennais pouvaient-ils ignorer que l’enjeu portait d’abord sur la mise en œuvre concrète de toutes les politiques sociales en direction des personnes fragilisées dans notre département : les enfants, les personnes handicapées, les personnes dites âgées ?

Cela, les élus politiques de droite et de gauche n’ont-ils pas démontré qu’ils savaient le faire, et pas si mal que cela. Demandez aux étrangers ce qu’ils en pensent par rapport à ce qui se passe dans leur pays !

En Mayenne, les dix-sept binômes du Front national, ne comprenant que des candidats n’ayant aucune expérience de la gestion d’une collectivité, ont recueilli plus de 20 700 voix. Certes, Marine Le Pen, à l’élection présidentielle, en avait obtenu 27 000. Le Front national perd 6 200 voix, mais il y a eu 77 000 bulletins exprimés en moins.

Tout de même 20 700 Mayennais ont accordé leur confiance à l’extrême droite, aux candidats du Front national, pour gérer le Conseil départemental… et ont ainsi, finalement, désavoué la politique conduite par la majorité départementale sortante – ou alors ils se sont trompés d’élection. Un millier d’électeurs ont voté pour ce candidat FN qui pointait une arme à feu sur la tempe d’un portrait du président de la République (cf. Le Courrier de la Mayenne du 19 mars 2015).

Est-ce la politique conduite en Mayenne par le Conseil général toutes ces dernières années que les Mayennais ont sanctionnée ? Ou alors est-ce une façon pour eux d’exorciser la crise ? Toujours est-il qu’ils ont contribué à banaliser l’extrême droite en France ; c’est un « jeu » très dangereux de valider, par son vote, que l’extrême droite, demain, peut gouverner le pays des Droits de l’Homme : la France.

 

De Bill à Lila : la provocation génère la haine (16/01/2015)

Êtes-vous lecteur de Boule & Bill ? Boule, c’est un petit garçon espiègle ; Bill, c’est un cocker malin, menteur et adorable. Dans l’album n° 35 sorti en 2014, Boule trouve une astuce pour que Bill puisse venir à la piscine avec lui…

Sachant que la piscine est interdite aux animaux, Boule trouve un stratagème, mais une bouée avec une tête de chat va tout foutre en l’air. Bill a raison : c’était de la provocation ! Que croyez-vous qu’il pût arriver ?

Cela nous fait penser à Charlie Hebdo, ce « journal » qui se définit lui-même comme « irresponsable ». Dans son édition du 14 janvier 2015, il a raté l’occasion de conforter la sympathie que des millions de Français lui avaient accordée spontanément, sans même le connaître, suite aux événements dramatiques de la semaine précédente.

An nom de la revendication d’une liberté d’expression, peut-on tout dire, tout écrire, tout dessiner ? La loi de 1881 vient peut-être de prendre un coup de vieux et de montrer ses limites de par sa très grande permissivité.

La violence génère la violence. Oui, Charlie Hebdo est d’une extrême violence symbolique quand il s’attaque aux croyants et aux croyances – et il n’y a pas besoin d’être extrémistes pour la ressentir. Pas même besoin d’être croyants. Charlie Hebdo du 14 janvier 2015 reprend le dessin de Tignous sur Sœur Emmanuelle, et c’est indécent. Tel autre de Cabu est vulgaire. D’autres encore sont des insultes aux femmes.

À Charlie Hebdo, ils ont pourtant un cocker. Il est roux et s’appelle Lila. Mais ses compagnons ne sont pas du même univers que celui de Boule et Bill.

 

Les couacs du recensement (02/01/2015)

Un arrondi sympathique

« Au 1er janvier 2012, la Mayenne compte 307 453 habitants, soit 9 % des résidents des Pays de la Loire », annonce Agnès Lerenard dans Insee Flash Pays de la Loire n° 16 de décembre 2014.

Arrondir au chiffre supérieur, pourquoi pas ? Surtout quand cela fait rêver… En réalité, la part de la population mayennaise dans la région tend à diminuer : de 10,2 % en 1962, elle est descendue à 8,9 % en 1999 et à 8,4 % en 2012. En termes de communication, « 9 % », c’est tout de même mieux que « 8,4 % » !

Laval-Agglo : gagne ou perd ?

« Onze habitants gagnés en une année sur Laval agglomération », annonce Kristell Le Gall dans Le Courrier de la Mayenne du 1er janvier 2015. « La hausse est minime, précise-t-elle. Mais depuis 2007, elle est continue ».

Laval-Agglo comptait 95 838 habitants en 2011 et en compte 95 787 en 2012. Ainsi, l’agglomération n’a pas gagné 11 habitants, mais elle en a perdu une cinquantaine, et c’est la première fois que cela arrive depuis des décennies !

Mais comment Le Courrier de la Mayenne a-t-il pu se tromper ? C’est la faute à la commune d’Argentré. Kristell Le Gall a retenu la population totale pour cette commune (2 757 habitants), au lieu de la population municipale (2 694), et voilà comment, avec 63 habitants comptés en trop, on évite d’annoncer que l’agglomération a perdu des habitants…

 

L'Insee ne semble pas l'avoir vu... L'état de grâce migratoire, c'est fini ! (31/12/2014)

Dans Insee Flash Pays de la Loire n° 16 de décembre 2014, Agnès Lerenard écrit qu’entre 2007 et 2012, l’augmentation de la population en Mayenne s’explique « pour 80 % par l’excédent des naissances sur les décès (solde naturel) et pour 20 % par l’excédent des arrivées sur les départs (solde migratoire) ».

L’« information » est trompeuse… La réalité est (malheureusement) tout autre ! Une variation de population s’explique effectivement par le solde naturel et par le solde migratoire. Qu’en est-il en Mayenne ?... Lire la suite

 

Population mayennaise au 1er janvier 2012 : des bémols à l'optimisme de l'Insee (31/12/2014)

Analysant les données de population au 1er janvier 2011, Agnès Lerenard (Insee Pays de la Loire) observait qu’au cours des cinq dernières années, « la population en Mayenne a gagné près de 8 000 habitants, soit environ 1 600 habitants supplémentaires chaque année ».

Un an plus tard, analysant les données de population au 1er janvier 2012, Agnès Lerenard observe qu’au cours des cinq dernières années, « la Mayenne a gagné près de 7 000 habitants, soit environ 1 400 habitants supplémentaires chaque année ». Ouest-France, dans son édition du 30 décembre 2014, a repris l’information... lire la suite

 

Au fait, les soins palliatifs, c'est quoi ? (22/12/2014)

Dans son édition du 19 décembre 2014, Ouest-France publie les résultats d’un sondage que le quotidien a commandé à l’Ifop : « Les Français et la fin de vie ».

Avec Arnaud Bélier aux commentaires, nous apprenons que les attentes des Français sont claires : « Mourir dignement. Ne pas souffrir ». Reconnaissons que le contraire aurait constitué un scoop.

Les Français – nous ne cessons de le répéter – ont des idées sur tout quand on prend la peine de les sonder. L’Ifop apporte ainsi des informations exclusives qui révèlent, par exemple, ce que préfèreraient les Français atteints d’une maladie grave en phase terminale ; ce en quoi consistent les soins palliatifs en fin de vie ; ce qu’il faudrait faire pour améliorer l’accompagnement des personnes ; ce que l’on pourrait craindre si l’euthanasie était légalisée en France…

L’Ifop a simplement oublié de poser une question préalable aux Français : « Pourriez-vous définir ce que sont les soins palliatifs ? » Et nous ne parlons pas des directives anticipées, de l’obstination déraisonnable, de l’actuelle loi Leonetti, etc.

 

Travail social : tout irait de mal en pis, et même la façon de conduire une enquête... (01/12/2014)

Dans son édition du 26 novembre 2014, tsa-quotidien.fr publie un article d’Olivier Bonnin : « Des travailleurs sociaux travaillés par le doute », portant sur une enquête de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (Ugict-CGT) réalisée du 22 août 2013 au 31 janvier 2014. Si les motivations des travailleurs sociaux « demeurent élevées », leur travail est « toujours plus dense, complexe, insuffisamment rémunéré » et il « perd progressivement de son sens ». Olivier Bonnin en conclut à un « malaise professionnel ».

Pour pouvoir tirer des enseignements de cette enquête à d’autres fins que syndicales, il faudrait qu’elle soit irréprochable sur le plan méthodologique. C’est loin d’être le cas au regard du document de synthèse publié par l’Ugict-CGT. 

Tout d’abord, on pouvait répondre au questionnaire via le site Internet de l’Ugict ou directement sur papier. Il y a eu 716 réponses, mais on ne sait pas combien par Internet et combien sur papier. On ignore surtout quelles précautions les promoteurs de l’enquête ont prises pour éviter, par exemple, qu’une même personne ne réponde plusieurs fois.

Représentatif ? Non ! Significatif ?…

Comme le remarque Olivier Bonnin, les résultats peuvent être « plus ou moins biaisés, puisque la plupart des répondants étaient des utilisateurs du site de l’Ugict ». Bref, il serait hasardeux de penser que ces résultats sont représentatifs de la population des travailleurs sociaux. Le document de synthèse fournit notamment l’âge, les métiers, les employeurs des répondants, mais on ignore si, pour chaque déterminant, la répartition est conforme à l’effectif total. Par exemple, 67 % des répondants à l’enquête sont des assistants de service social ; en France, parmi l’ensemble des travailleurs sociaux, représentent-ils réellement 67 % ?

Passons sur le fait que la durée de l’enquête est très longue (un peu plus de cinq mois) et que l’environnement de ceux qui ont répondu fin août 2013 n’est plus forcément le même cinq mois plus tard.

En outre, la formulation même des questions n’est pas toujours d’une grande neutralité. La question 6, par exemple, suggère la réponse : « Estimez-vous que votre travail s’est intensifié ? » La formulation est d’autant plus biaisée qu’on a naturellement tendance à plus répondre « oui » que « non ». Ainsi, avec l’enquête de l’Ugirc-CGT, on a 84 % des répondants qui ont répondu « oui ». C’est sans doute conforme à la représentation générale que les travailleurs sociaux ont des évolutions de leur métier, mais est-ce vraiment dans une telle proportion ? Et au-delà des représentations, qu’en est-il des faits ? Techniquement, on pourrait sûrement obtenir des résultats plus nuancés, surtout en s’adressant à un échantillon le plus représentatif possible des travailleurs sociaux…

 

Quel candidat de l'UMP est préféré des Français pour la présidentielle de 2017 ? (17/11/2014)

Dimanche Ouest-France, dans son édition du 16 novembre 2014, publie les résultats d’un sondage commandé à l’Ifop et réalisé « du 12 au 14 novembre auprès de 1 825 personnes ». Question posée : « Qui souhaiteriez-vous voir représenter l’UMP à la présidentielle de 2017 ? » L’hebdomadaire communique les résultats pour les sympathisants de l’UMP, mais aussi pour l’ensemble de l’échantillon. On ignore quelle est la part des sympathisants de l’UMP dans l’effectif total. Bien entendu, ce sondage, quand il s’adresse à l’ensemble de l’échantillon, et si loin de 2017, ne présente pas beaucoup d’intérêt quant aux résultats mêmes de la prochaine élection présidentielle.

Aujourd’hui en France, également dans son édition du 16 novembre 2014, publie les résultats d’un sondage commandé à Odoxa et réalisé « auprès d’un échantillon de Français interrogés par Internet les 13 et 14 novembre 2014. Échantillon de 1 007 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans ou plus ». Question posée : « Parmi les personnes suivantes, laquelle préfériez-vous voir représenter l’UMP à l’élection présidentielle de 2017 ? »

Dans les deux cas, Alain Juppé arrive en tête avec respectivement 36 % et 38 % des réponses. C’est cohérent. Tout se complique après. Nicolas Sarkozy obtient 21 % avec l’Ifop et 27 % avec Odoxa. Comment expliquer ces six points d’écart ?

En fait, les deux sondages sont complètement différents. L’Ifop offrait comme réponse possible : « Aucune de ces personnalités », et cette proposition recueille 33 % des réponses. Rien de tel avec Odoxa qui a une liste fermée, d’où simplement 3 % de « sans opinion ». Liste fermée mais avec, cependant, plus de noms de candidats possibles qu’avec l’Ifop. Les deux instituts de sondage retiennent François Fillon (respectivement 6 % et 8 % des réponses) et Xavier Betrand (4 % et 6 %) ; Odoxa ajoute Bruno Le Maire (11 %) et Nathalie Kosciusko-Morizet (7 %) – soit 18 % des réponses, à rapprocher des 33 % de l’Ifop (« Aucune de ces personnalités »). Il reste un écart de 15 points de pourcentage.

On peut sans doute faire l’hypothèse qu’avec l’Ifop, ceux qui ont retenu « aucune de ces personnalités » sont allés chercher leur candidat idéal dans un autre parti politique. Deux sondages, la même question, des propositions de réponses différentes et, au final, des résultats qui questionnent au point de se demander quel sondage est le plus pertinent.

Les Français sont formidables ! Ils ont un avis sur tout ! (29/09/2014)

Quand l’Ifop, pour Dimanche Ouest-France (cf. édition du 28 septembre 2014), demande à 1 000 personnes si elles sont favorables à la suppression du redoublement à l’école, 32 % répondent « oui » et 68 % répondent « non ».

Les Français sont formidables car 32 % + 68 % = 100 % : les 1 000 Français interrogés (on ne nous dit pas comment) ont tous un avis sur la question posée ! On peut espérer qu’ils l’ont tous bien comprise, et de la même façon.

En effet, la question est quand même « alambiquée » dans sa formulation et ceux qui ont répondu « oui », à quoi ont-ils finalement répondu ? A priori, ils sont favorables à ce que les élèves ne puissent plus redoubler. C’est bien cela qu’il faut comprendre ? À part au moins les 1 000 ayant répondu au sondage – espérons-le –, on peut quand même se prendre la tête pour comprendre le sens de la question posée. Sa formulation, d’ailleurs, n’est pas si neutre que cela.

Sur le fond, peut-on réduire une question d’éducation à une réponse sans nuance possible, par « oui » ou par « non » ? Fort heureusement, les déclarations de la ministre, Najat Vallaut-Belkacem, permettent à Dimanche Ouest-France de poser les bases d’un réel débat. Il en est de même avec les quelques lignes de commentaires du signataire de l’article, Philippe Simon.

Non, tout ne va pas si mal…La France se s’porte plutôt bien ! (29/09/2014)

Dire que tout va mal en France est devenu un sport national. Tout va mal ? Non ! Au moins un secteur d’activité résiste : le sport… Ce n’est pas anodin : si les sportifs de haut niveau, pour certains, ne font que brillamment leur travail et s’ils sont très bien rémunérés pour cela, ils n’existeraient pas sans des fondations solides avec des équipements, des associations – certaines employeurs –, et surtout des bénévoles, dirigeants, techniciens ou arbitres.

A comme… athlétisme : les Championnats d’Europe se sont déroulés en août à Zurich (Suisse). Avec vingt-trois médailles, dont neuf en or, la France se place au deuxième rang pour les médailles. Un peu moins bien que le Royaume-Uni (même nombre de médailles, trois médailles d’or en plus), mais la France devance l’Allemagne ou la Russie… On retiendra le record du monde de Yohann Diniz au 50 km marche. Dure à digérer : la disqualification de Mahiedine Mekhissi-Benabbad au 3 000 m steeple, mais il est capable de « rebondir » sur le 1 500 m après sa déconvenue, ce qui constitue le trait d’un grand athlète ! Renaud Lavillenie s’impose à la perche (il est recordman du monde depuis février avec un saut à 6 m 16). Christophe Lemaître n’apporte pas d’or, mais tout de même trois médailles, ce qui est le signe d’une grande classe. Benjamin Compoaré s’illustre au triple-saut, là où on n’est pas habitué à retrouver la France… Sans oublier Christelle Daunay, Éloyse Lesueur ou Antoinette Nana Djimou qui montent sur la plus haute marche du podium, respectivement au marathon (l’épreuve reine par excellence), au saut en longueur et en heptathlon (discipline qui exige technicité et polyvalence). La France a encore remporté le 4 x 400 m féminin (Marie Gayot, Floria Gueï, Muriel Hurtis et Agnès Raharolahy).

B comme… basket-ball : à la Coupe du monde en Espagne, en août et septembre, sans ses vedettes comme Tony Parker ou Joakim Noah, l’équipe masculine, championne d’Europe en 2013, nous a épatés, dès le premier tour, quand elle est revenue au score contre la Serbie (victoire 74-73)… À l’issue de ce premier tour, elle s’est qualifiée pour les quarts de finale au détriment de la Croatie (69-64). Sèchement battue en poule par l’Espagne (88-64) le 3 septembre, la France prend sa revanche sept jours plus tard en quarts de finale (65-52) : un succès qualifié par toute la presse comme étant « historique ». La défaite en demi-finale contre la Serbie laisse des regrets, mais l’équipe a puisé dans ses réserves, dès le lendemain, pour battre la Lituanie (95-93) et monter sur le podium avec une médaille de bronze : première médaille mondiale de la France ! N’oublions pas non plus l’équipe féminine, vice-championne d’Europe, qualifiée pour les Championnats du monde qui se disputeront en Turquie, fin septembre et octobre.

C comme… canoë-Kayak : à Deep Creek (États-Unis), en slalom K 1, les Français ont réalisé un triplé historique en raflant les trois premières places (Boris Neveu, Sébastien Combot et Mathieu Biazizzo), plus le titre par équipes.

Et comme… cyclisme : aux Championnats du monde sur piste, la France est le pays le plus titré depuis 1993 (130 médailles, dont 61 en or). À Cali, en Colombie, les trois titres mondiaux (sur dix attribués) du Mayennais François Pervis seraient-ils déjà oubliés ? Et sur route, au Tour de France, depuis combien de temps n’avait-on pas vu deux Français sur le podium : Jean-Christophe Péraud, deuxième, et Thibaut Pinot, troisième, meilleur jeune de l’épreuve ? Et Julien Absalon, pour la cinquième fois champion du monde en VTT cross-country le 6 septembre, en Norvège, n’accumule-t-il pas les trophées ? Plus discrètement, la France remporte le titre mondial en relais VTT, une épreuve de cross-country par équipes avec une femme (en l’occurrence Pauline Ferrand-Prévot) et trois hommes de trois catégories d’âge différentes (Jordan Sarrou, Hugo Pigeon et Maxime Marotte)… Pauline Ferrand-Prévot est une championne polyvalente : le 27 septembre, à Ponferrada (Espagne), dix-sept ans après Jeannie Longo, elle a décroché le titre mondial en cyclisme sur route.

E comme… équitation : en août et septembre, la Basse-Normandie a accueilli les Jeux équestres mondiaux. La France s’est distinguée avec Jacques Ferrari et Poivre Vert, médaille d’or en voltige. Quatre titres de vice-champion en saut d’obstacles (individuel et par équipes), en endurance par équipes et également en voltige.

Et comme… escrime : en juin, à Strasbourg, seuls douze titres étaient en jeu aux Championnats d’Europe, et ne boudons pas notre plaisir avec la victoire française au fleuret par équipes.

F comme… football : l’équipe de France masculine était-elle à la dérive ? Là voilà au Brésil quart de finaliste de la Coupe du monde. Elle s’incline 1-0 contre l’Allemagne, vainqueur du titre, échappant à l’ « humiliation » comme a pu la connaître le Brésil, pays hôte et grande nation du ballon rond (défaite 7 à 1 en demi-finale !). L’équipe féminine disputera sa Coupe du monde au Canada en 2015 : elle termine première de sa poule de qualification (neuf victoires sur neuf matchs).

H comme… handball : en janvier, au Danemark, l’équipe de France masculine est championne d’Europe au détriment du Danemark, pays hôte et tenant du titre. Score final : 41 à 32. Marquer plus de quarante buts à une telle finale internationale constitue un record historique ! Et Nikola Karabatic est désigné meilleur joueur de la compétition... L’équipe de France féminine est qualifiée pour les Championnats d’Europe qui se disputeront en décembre en Croatie et Hongrie.

J comme… judo : en août, aux Championnats du monde qui se sont déroulés en Russie, la France est au deuxième rang des médailles, juste derrière le Japon. Inoubliable, historique également, le sixième titre mondial de Teddy Riner chez les plus de 100 kg, son septième titre mondial au total. Cette performance ne doit pas éclipser la victoire par équipes des femmes.

L comme… lutte : le 12 septembre, à Tashkent, en Ouzbékistan, Mélonin Noumonvi a été couronné champion du monde de lutte gréco-romaine chez les moins de 85 kg. Et la France hérite de l’organisation des Championnats du monde 2017.

N comme… natation : en août, se sont disputés les Championnats d’Europe à Berlin (Allemagne). Cinq médailles d’or, dont trois pour le « monstrueux » Florent Manaudou qui porte actuellement la natation française, sans oublier la médaille d’or du 4 x 100 m nage libre où Florent Manaudou était associé à Fabien Gilot, Mehdy Metella et Jérémy Stravius.

P comme… penthlaton moderne : cette discipline olympique réunit l’escrime, la natation, l’équitation et un combiné course à pied et tir au pistolet. Début septembre, en Pologne, Valentin Belaud et Valentin Prades ont décroché le titre mondial en relais.

R comme… rugby : en août, la France a accueilli la Coupe du monde féminine de rugby à XV. L’équipe nationale a volé de succès en succès avant de s’incliner en demi-finale contre le Canada. Elle prend la troisième place face à l’Irlande.

T comme… tennis : en Coupe Davis, laquelle réunit les seize meilleures équipes mondiales, la France a successivement battu l’Australie (5-0), l’Allemagne (3-2), puis, les 12-14 septembre, la République tchèque, vainqueur en 2012 et 2013. Richard Gasquet et Jo-Wilfried Tsonga ont permis à la France de mener rapidement 3-0. La victoire de Richard Gasquet sur Tomás Berdych a mis l’équipe française sur les bons rails. Elle disputera la finale les 21-23 novembre contre la Suisse. Pour l’équipe de France, sa dernière participation à une finale remonte à 2010 ; sa dernière victoire à 2001.

T comme… tennis de table : difficile de s’imposer en seniors face à l’armada asiatique, et surtout chinoise. En tout cas, les jeunes ne sont pas passés inaperçus à leurs Championnats d’Europe en Italie : cinq titres en or, dont le titre individuel en juniors garçons, et par équipes en juniors filles et garçons, et en cadets. Prometteur ?

T comme… tir : à Grenade (Espagne), dans les disciplines olympiques, Anthony Terras est médaillé d’argent en skeet.

V comme… voile olympique : à Santander (Espagne), trois titres mondiaux avec Charline Picon, ainsi que Julien Bontemps, en planche RS :X, et avec Billy Besson et Marie Riou en Nacra 17.

Et comme… volley-ball : en Pologne, l’équipe de France masculine a disputé les Championnats du monde (août et septembre). Elle a terminé première de son groupe du premier tour avec quatre victoires sur cinq matchs (Porto-Rico, États-Unis, Iran et Belgique). Sur la lancée, au deuxième tour, elle a successivement battu l’Argentine, l’Australie, la Serbie, et termine à nouveau première de son groupe… Elle entre dans le tableau final avec cinq autres équipes, dont l’Allemagne et l’Iran qu’elle a battues pour entrer dans le dernier carré. Elle perd en demi-finale contre le Brésil puis, pour la médaille de bronze, contre l’Allemagne, mais se maintenir parmi les quatre meilleures équipes mondiales reste un exploit.

Si Yohann Diniz ou Renaud Lavillenie, François Pervis ou Julien Absalon, ou encore Nikola Karabatic, Teddy Riner ou Florent Manaudou, et tous les autres, sont des arbres qui cachent la forêt, que les arbres sont grandioses ! Et la forêt pourrait-elle ne pas être belle ?

 

Cherchez l’erreur dans le sondage Ifop-JDD.Ce que les Français reprochent au président (08/09/2014)

Dans Le Journal du Dimanche (JDD) du 7 septembre 2014, un sondage Ifop-JDD constitue « l’événement » des pages 2 et 3. À défaut de pouvoir immédiatement accéder au dossier complet sur ce sondage, on doit se contenter de ce qu’en publie l’hebdomadaire du groupe Lagardère.

A priori, la première question portait sur « ce que les Français reprochent à François Hollande ». Il n’est sûrement pas anodin qu’un sondage financé par le JDD néglige de préciser que François Hollande est le président de la République. En effet, il est plus facile de critiquer une politique quand la fonction de l’homme censé l’incarner est désacralisée.

Les interviewés ne pouvaient donner qu’une seule réponse (comme si on ne pouvait pas reprocher plusieurs choses à François Hollande), et ils avaient le choix entre « les promesses non tenues de sa campagne présidentielle » (33 % des réponses), « la manière dont il exerce la fonction présidentielle » (24 %), « le manque de résultats obtenus sur le plan économique » (19 %), « la progression du nombre de chômeurs » (10 %), enfin « l’exposition de sa vie privée » (5 %). Seuls 9 % n’ont pas de critique particulière.

Une autre question portait sur ce que doit faire François Hollande dans les prochains mois. Et là, les journalistes vont jusqu’à communiquer les résultats selon le parti politique duquel les sondés se sentent le plus proches. Ainsi, ils sont 23 % à considérer que François Hollande devrait « provoquer de nouvelles élections législatives ». On apprend alors que le taux est de 46 % au FN et de 31 % à l’UMP. Mais chez les sympathisants de gauche ?

Dans le chapeau du « dossier », le JDD reprend l’information : « Près d’un Français sur quatre estime que François Hollande devrait dissoudre l’Assemblée »… comme si « provoquer de nouvelles élections législatives » et « dissoudre l’Assemblée » étaient la même chose ! En politique, oui, mais pas en sociologie : si la formulation avait retenu la « dissolution », le taux aurait été beaucoup plus faible (biais lié au choix du vocabulaire), mais un taux plus faible aurait eu moins d’intérêt si l’objectif est d’ « accrocher » le lecteur.

Mais revenons à la première question : « Ce que les Français reprochent à François Hollande » et donc, cherchez l’erreur… Tout simplement, le sondage ne cherche pas à voir « ce que les Français approuvent chez le président de la République, François Hollande ». La politique internationale de la France, par exemple, est-elle si catastrophique que cela ?

Sondage sur le moral des Français : au fait, quelle était la question ? (08/09/2014)

« 56 % des Français sont pessimistes », annonce Dimanche Ouest-France à la une de son édition du 7 septembre 2014. « Un Français sur deux n’a toujours pas le moral », titre l’hebdomadaire en page 5. La source est un sondage par téléphone que l’Ifop réalise à intervalles réguliers pour Dimanche Ouest-France. Comme le sondage porte également sur la confiance dans l’action du gouvernement, on conclut tout naturellement que le pessimisme des Français résulte de la politique gouvernementale.

C’est une conclusion un peu rapide… mais Pascale Monnier, qui commente les résultats du sondage, n’écrit rien pour éviter cet amalgame. Au contraire ! N’aurait-elle pas dû, au minimum, préciser quelle question avaient posée les enquêteurs de l’Ifop ? En l’occurrence : « En pensant à l’avenir, pour vous et vos enfants, diriez-vous que vous êtes très optimiste, plutôt optimiste, plutôt pessimiste ou très pessimiste ? »

Si les Français qui ont répondu ont bien entendu la question, ils se sont exprimés « en pensant à l’avenir », peut-être au réchauffement climatique, à la raréfaction des énergies, aux risques terroristes dans le monde, etc. – en aucun cas par rapport à la politique immédiate du Gouvernement. De toute façon, les Français sont ni plus ni moins pessimistes – ou optimistes – qu’il y a un an. Voilà deux raisons de ne pas matraquer le Gouvernement en place, encore fallait-il présenter objectivement ce sondage et ses résultats.

Sondages et interprétations. Éclatement du PS… entre plusieurs courants ! (01/09/2014)

Le Journal du Dimanche (JDD), dans son édition du 31 août 2014, titre : « Six socialistes sur dix prévoient l’éclatement de leur parti ». C’est un raccourci grotesque. Rappelons que l’hebdomadaire est édité par Hachette Filipacchi Associés SNC, du groupe Lagardère.

L’article incriminé porte sur les résultats d’un sondage réalisé par l’Ifop pour le JDD, les 29 et 30 août. Les interviews, auprès de 1007 personnes, ont eu lieu par téléphone auprès d’un « échantillon représentatif ».

« Six socialistes sur dix », annonce le JDD, mais c’est inexact : il s’agit en réalité des « sympathisants du PS » (et le taux est exactement de 64 %).

L’auteur de l’article, Bruno Jeudy, l’un des rédacteurs en chef du JDD, évoque dans ses commentaires « le risque d’éclatement du Parti socialiste », « le pronostic d’une mort du PS », « un virage social-démocrate (…) qui fait imploser le parti »

Bref, le PS est mort et enterré… Mais quelle question les enquêteurs de l’Ifop ont-ils précisément posée : « Selon vous, le Parti socialiste court-il le risque d’ici 2017 d’éclater entre plusieurs formations ou courants ? »

Le JDD et Bruno Jeudy trompent leur lectorat car « éclater entre plusieurs formations ou courants », bien entendu, ce n’est pas éclater tout court. Il n’échappe à personne que déjà, à l’intérieur du PS, existent plusieurs courants. Comme à l’UMP ou à l’UDI d’ailleurs.

 

Le Front National ne peut pas pavoiser à Laval (01/04/2014)

2 787 voix en 2012 au premier tour de l’élection présidentielle (Marine Le Pen)… Plus que 1 977 voix en 2014 au premier tour des élections municipales (Laval mieux vivre)… Plus que 1 499 voix au second tour… Le Front National compte certes un élu au conseil municipal, mais le parti d’extrême droite peut difficilement se réjouir de son érosion électorale à Laval.

Les Lavallois, sans doute perturbés et un peu perdus par les accusations, critiques et objections qui ont fusé de toutes parts, ont boudé les urnes pour ces élections municipales. Les candidats n’ont réussi à ramener que quelque 900 électeurs supplémentaires au second tour par rapport au scrutin du dimanche précédent. À Laval, plus d’un électeur sur trois (34 %) ne s’est pas déplacé le 30 mars. Plus de 11 000 non votants. C’est plus que les voix obtenues par la liste gagnante (environ 10 500).

Dans le même temps, entre les deux tours, le Front National a perdu près de 480 voix. Peut-être des électeurs ont-ils renoncé car la liste de Jean-Christophe Gruau, avec ces 10 % du premier tour, pouvait difficilement bousculer les deux listes d’union, celle de la droite et celle de la gauche ?

Peut-être certains électeurs sont-ils revenus, au second tour, après un vote dit « protestataire », vers les listes portées par les partis politiques majoritaires dans le pays ?

Peut-être le discours et la gesticulation de la liste « Laval mieux vivre », soutenue par le Front National, ont-ils fait douter certains citoyens de sa capacité à développer le « mieux vivre ensemble » à Laval ?

Dans une ville comme Laval, que, tout de même, au second tour, quelque 1 500 citoyens confirment leur adhésion aux thèses du Front National, ne peut laisser les démocrates indifférents.

 

Les péripéties à Deux-Évailles nous le confirment
Une double condition pour être élu(e) au conseil municipal (01/04/2014)

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, outre le fait d’être obligatoirement candidat(e) pour être élu(e), il faut remplir deux autres conditions pour siéger au conseil municipal.

Anne-Marie Grimault, première adjointe sortante à Deux-Évailles (213 habitants), était la seule candidate au premier tour. Elle a obtenu 100 % des voix exprimées (première condition), mais n’a pas rempli la seconde condition : recueillir un nombre de suffrages au moins égal au quart des électeurs inscrits. À Deux-Évailles, 151 inscrits. Or, l’unique candidate n’obtient que 37 voix, et il lui en fallait 38 pour être élue !

On connaît la suite de l’histoire (et nous n’entrerons pas dans les causes !) : comme il y avait au premier tour une seule candidate pour onze places et qu’il restait onze conseillers municipaux à élire, la préfecture peut recevoir de nouvelles candidatures. C’est ce qui s’est passé : une liste de onze candidats, ignorant la première adjointe sortante, se présente, et la liste est entièrement élue. Cette fois-ci, Anne-Marie Grimault n’obtient que 27 voix…

 

Quinze étrangers élus en Mayenne dans les communes de moins de 1 000 habitants (01/04/2014)

Les citoyens de nationalité étrangère, s’ils sont ressortissants de l’Union européenne, peuvent être candidats aux élections municipales mais, s’ils sont élus, ils ne peuvent être maire ou adjoint. En Mayenne, dans les communes de moins de 1 000 habitants, il y avait 2 408 conseillers municipaux à élire et on comptait dix-sept candidats de nationalité étrangère. Quinze d’entre eux ont été élus (et pour quelques-uns réélus).

Les chiffres sont trop peu élevés pour en dégager des enseignements sur l’accueil réservé à ces candidatures de citoyens de la commune, mais de nationalité étrangère.

Sur les quinze élus étrangers dans les communes de moins de 1 000 habitants, huit ne pouvaient pas ne pas l’être car il y avait exactement autant de candidats que de postes à pourvoir.

Dans les communes de moins de 500 habitants, en l’occurrence devant élire onze conseillers municipaux, il y avait ainsi juste le nombre de candidats pour le nombre de postes, à Chevaigné-du-Maine, Couptrain, Hardanges, Montflours et Saint-Céneré. Les candidats (trois Britanniques, une Allemande et un Néerlandais) sont élus aux 4e, 6e, 7e, 8e et 11e places, avec de 75,7 % à 91,4 % des voix.

Dans les communes de 500 à 999 habitants (quinze conseillers municipaux à élire), deux Britanniques – à Chantrigné et Gesvres – et un Néerlandais – à Maisoncelles-du-Maine – étaient également certains d’être élus. Deux le sont à la 4e place et un à la 8e place.

Au final, sont ainsi élus le Britannique Paul Stafford, à Chantrigné ; le Britannique Helen Bennett, à Chevaigné-du-Maine ; le Britannique Michaël Dodd-Noble, à Couptrain ; la Britannique Janet Gibson, à Gesvres ; la Britannique Pamela Miles, à Hardanges ; le Néerlandais Jürgen Verleur, à Maisoncelles-du-Maine ; la Néerlandaise Petronella Schneider, à Montflours ; et l’Allemande Carola Echard, à Saint-Céneré.

Gagner sa place

La situation était plus incertaine pour neuf autres candidats étrangers (dont deux ne seront pas élus).

Averton : 20 candidats pour 15 places. Conseillère municipale sortante, la Britannique Shirley Croucher est élue dès le premier tour, à la 9e place, avec 72,5 % des voix (elle figurait sur une liste ouverte de dix-huit candidats).

Brée : 24 candidats pour 15 places. Le Belge Valentin Lemaire s’est présenté sur la liste du maire sortant, et il est facilement élu, dès le premier tour, à la 3e place, avec 83,7 % des voix.

Carelles : 13 candidats, sur une même liste, pour 11 places. Deux candidats britanniques vont tous les deux, avec un troisième candidat, au second tour. Alison Benn est élue, mais donc pas son concitoyen.

Housseau-Brétignolles : 12 candidats pour 11 places (un candidat se présentant seul). La Britannique Clare Leavett est élue en 9e position avec 70,4 % des voix.

Saint-Aubin-du-Désert : 22 candidats pour 11 places. Le Britannique Raymond Bode est élu de justesse, au 11e rang, à une voix près, sur la liste du maire sortant. Une liste concurrente compte un élu.

Saint-Ellier-du-Maine : 27 candidats pour 15 places. La Britannique Holly Bartley est élue au second tour, avec 51,4 % des voix. La liste à laquelle elle appartient compte cinq élus au total.

Saint-Mars-du-Désert : 19 candidats pour 11 places. La Britannique Diana Ellis est élue au 5e rang sur la liste du maire sortant.

Saint-Pierre-sur-Orthe : 22 candidats pour 11 places. La Britannique Julie Newell se présentait sur une liste comprenant deux adjoints sortants, mais le maire conduisait sa propre liste. Julie Newell n’obtient que 40,2 % des voix et n’est pas élue.

 

2012-2014 : les leçons fronto-lavalloises de deux scrutins électoraux (24/03/2014)

À Laval, Jean-Christophe Gruau et les candidats de la liste Laval mieux vivre, soutenue par le Front National, exultent : ils seront au second tour des élections municipales, ayant dépassé le taux des 10 %.

La liste d’extrême droite a obtenu 1 977 voix, soit 810 voix de moins que Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2012. Celle-ci avait obtenu 2 787 voix (10,85 %). Il est difficile, dans ces conditions, d’évoquer une poussée du Front National à Laval !

Plus préoccupant que les 1 977 voix pour la liste soutenue par le Front National, c’est la faible mobilisation des électeurs lavallois alors qu’ils avaient réellement un choix possible : cinq listes étaient en présence.

Le nombre d’électeurs inscrits est quasiment identique entre 2012 et 2014 (– 151 inscrits). Par contre, il y avait eu 26 245 votants au premier tour de 2012… et il y en a eu seulement 20 292 au premier tour des élections municipales, soit une diminution d’environ 6 000 votants.

Après tout, peut-être valait-il mieux qu’ils s’abstiennent plutôt que de voter pour une liste d’extrême droite !

À quand une amende pour sanctionner les citoyens qui négligent leurs devoirs civiques : une amende de 10 euros, cela aurait rapporté près de 60 000 euros à l’État…

 

Quelque 5 000 candidat(e)s en Mayenne pour un peu moins de 3 800 places (18/03/2014)

Nous avons utilisé les listes de candidats aux élections municipales publiées par la Préfecture de la Mayenne ([1]) pour dégager quelques informations. Dans les communes de plus de 1 000 habitants (scrutin de liste), les candidats apparaissent par liste et dans l’ordre de présentation sur les bulletins de vote. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, ils sont communiqués par ordre alphabétique.

Nous perdons ainsi une information importante : les candidats sont-ils tous sur la même liste ? Sur plusieurs listes concurrentes ? Y a-t-il des candidats « papillons » (qui se présentent seuls) ? Nous formulons le vœu que dans six ans, les services préfectoraux puissent apporter une information plus complète.

Les jeux sont faits dans 161 communes

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, quand il y a autant de candidats que de postes à pourvoir (en Mayenne, soit onze, soit quinze), les candidats sont sûrs d’être élus. Par contre, les candidats n’auront pas nécessairement le même nombre de voix car s’il est impossible de rajouter le nom d’un non-candidat sur le bulletin de vote, on peut toujours rayer celui d’un ou plusieurs candidats.

L’enjeu est donc plus de savoir s’il y aura ou non un second tour. Deux conditions cumulatives pour être élu dès le premier tour : avoir obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages au moins égal au quart des électeurs inscrits.

Dans les communes de plus de 1 000 habitants, chaque candidat d’une même liste aura le même nombre de voix (impossibilité de rayer un nom et d’en rajouter un, impossibilité de panacher). S’il n’y a qu’une seule liste, il n’y a qu’un seul tour.

À la pêche de vingt-cinq candidats pour sept communes

Dans toutes les communes de plus de 1 000 habitants, il y a au moins une liste et elles sont donc assurées d’avoir un conseil municipal au complet. La situation est moins favorable dans sept communes de moins de 1 000 habitants. À Deux-Évailles, une seule candidate pour onze postes, et à Athée, seulement neuf candidats pour quinze postes. Il manque trois candidats à Saint-Michel-de-la-Roë et à Saint-Quentin-les-Anges ; un seul à Ballée, Gastines et Ménil. Les communes concernées, en l’occurrence, sont plutôt situées dans le sud de la Mayenne.

A contrario, parmi les communes de moins de 1 000 habitants, il y en a douze qui ont au moins le double de candidats par rapport aux postes à pourvoir : Alexain, Beaulieu-sur-Oudon, Bierné, Chalons-du-Maine, Daon, Fromentières, Laigné, Parigné-sur-Braye, Ruillé-Froid-Fonds, Saint-Aubin-du-Désert, Saint-Christophe-du-Luat et Saint-Pierre-sur-Orthe. On peut supposer que dans ces communes deux listes s’opposent.

Dans les 69 communes soumises au scrutin de liste, s’il n’y a qu’une seule liste dans 36 communes, on en compte deux dans 29 communes ; trois à Bonchamp-lès-Laval, Château-Gontier et Craon ; cinq à Laval.

Des progrès à faire pour la parité femmes / hommes

Les communes de moins de 1 000 habitants (pour lesquelles la parité femmes / hommes n’est pas obligatoire) vont élire quelque 2 400 conseillers municipaux. Dans les faits, il y a 2 724 candidats déclarés et, parmi ceux-ci, 1 060 femmes (39 %) et 1 664 hommes (61 %).

Les femmes seront au moins majoritaires à La Bazouge-de-Chemeré (10 femmes et 5 hommes) et, dans une moindre mesure, à Mézangers (9/5), Chevaigné-du-Maine, La Boissière et La Roë (7/4). À Senonnes, il y a huit femmes et quatre hommes, mais cela fait donc douze candidats pour onze places…

13 % des têtes de liste sont des femmes

Les listes sont paritaires dans les communes de plus de 1 000 habitants… mais, en France, 83 % des têtes de liste sont des hommes. En Mayenne, parmi les 108 listes, seules quatorze sont conduites par une femme (soit 13 % – ce qui est proche de la moyenne nationale).

Dans six communes, il y a une seule liste et la tête de liste est une femme : Ahuillé, Le Genest-Saint-Isle, Louvigné, Meslay-du-Maine, Quelaines-Saint-Gault, Saint-Denis-de-Gastines. À Bais, nous avons deux listes et deux têtes de listes qui sont des femmes : la députée Sylvie Pichot et la conseillère générale Marie-Cécile Morice.

Vingt-trois candidats ressortissants de l’Union européenne

Depuis les élections de 2001, les étrangers issus d’un pays de l’Union européenne peuvent être candidats (mais ils ne peuvent pas être élus maire ou adjoint).

Vingt-trois candidatures sont ainsi enregistrées, essentiellement des Britanniques (seize), et avec un peu plus de femmes que d’hommes.



([1]) – Cf. CÉAS-point-com n° 541 du 14 mars 2014.

 

Wikipédia, démocratique et universelle, et l’Ukraine :
tout va très bien au pays de Viktor Ianoukovytch ! (21/01/2014)

Ce 20 janvier 2014, voulez-vous tout savoir sur l’Ukraine ? Vous avez prévu de passer vos vacances en Europe de l’Est et pourquoi pas un petit tour par la capitale du pays, Kiev, bien connue pour son Dynamo ?

Pour découvrir ce pays, bon nombre auront comme premier réflexe de recourir à Wikipédia. L’article de l’encyclopédie sur l’Ukraine développe diverses rubriques, et en particulier une sur l’histoire : ainsi, pour le seul XXe siècle, on apprend que l’Ukraine fut une république populaire de 1917 à 1920, une république socialiste soviétique de 1920 à 1991, puis acquit son indépendance. L’Ukraine est aujourd’hui une « démocratie parlementaire » où le Parlement est monocaméral (une seule Chambre : la Rada).

Wikipédia présente l’élection présidentielle de 2004 (élection de Viktor Iouchtchenko), les élections législatives de 2006 et 2007, et, enfin, l’élection présidentielle de 2010. Pour cette élection, l’encyclopédie mentionne la nécessité d’une référence. On la comprend : « Après dépouillement de 98,09 % des bulletins, précise Wikipédia, Viktor Ianoukovytch semble emporter le second tour du 7 février avec 48,53 % des voix contre 45,88 % pour Ioulia Tymochenko ».

C’était en 2010 et nous sommes en 2014. Peut-on croire que les 1,91 % des bulletins non dépouillés ne le sont toujours pas ? Peut-on croire qu’on ne sait toujours pas si Viktor Ianoukovytch a bien remporté ce second tour ?

L’histoire ukrainienne s’arrête en mars 2010 avec l’accès de Mykola Azarov au poste de Premier ministre. Après tout, nul n’a besoin de savoir, par exemple, que Ioulia Tymochenko rejoint les geôles ukrainiennes… Que l’article de Wikipédia fasse l’impasse sur la défaite du pays face à la France pour la qualification à la Coupe du monde de football, on peut comprendre. Mais en politique intérieure, ne s’est-il vraiment rien passé – à part l’emprisonnement de l’ancienne Première ministre – depuis 2010 ?

Interdiction des cortèges de plus de cinq voitures

Certes, un autre article (sans lien informatique direct) développe les « manifestations pro-européennes de 2013 en Ukraine ». L’article s’arrête le 29 décembre 2013 : « Des milliers de manifestants ont défilé à Kiev et ont marché en direction de la résidence du président Ianoukovytch »… Et en 2014, ne s’est-il rien passé ?

Pourtant, Le Monde, dans son édition du 18 janvier 2014, évoque l’adoption de textes qui étouffent « Euromaïdan », la contestation antigouvernementale au centre de Kiev depuis deux mois ; policent la sphère médiatique, en protégeant les cadres du régime contre les révélations sur leur train de vie ; suivent l’exemple de la Russie en pointant les « agents étrangers », soit les organisations non gouvernementales soutenues à l’extérieur des frontières. L’un des textes adoptés, ajoute le quotidien, explique que la pratique généralisée de la diffamation est « un moyen de lutte politique », qui « influe sur l’état moral de la société et porte atteinte à l’autorité des organes de l’État ». Selon Le Monde, il sera même interdit de former un cortège de plus de cinq voitures sans autorisation, sous peine de privation du permis pendant deux ans et de saisie du véhicule…

Quelque 200 000 Ukrainiens sont encore descendus dans les rues le week-end précédent. Sans doute faudra-t-il attendre plusieurs années pour que Wikipédia colle à l’actualité de janvier 2014 ? Avec l’espoir, à court terme, que l’ « encyclopédie » ne soit pas la source exclusive d’information pour les citoyens.

Intercommunalité : y'a du boulot à faire ! (04/11/2013)

Selon un sondage de l’Ifop pour l’Assemblée des Communautés de France, réalisé du 4 au 6 septembre 2013 auprès d’un échantillon représentatif de 1001 personnes, 27 % des Français ne savent pas si leur commune appartient à une structure intercommunale.

Et parmi les 73 % qui estiment que leur commune appartient à une structure intercommunale, seulement 46 % déclarent savoir qui est le (la) président(e) de cette communauté.

Le sondage n’allait pas jusqu’à vérifier si les réponses étaient justes !

En tout cas, avec de tels chiffres, on ne s’étonnera guère que les 73 % estimant que leur commune appartient à une structure intercommunale, pensent qu’il serait « très utile » (pour 58 % d’entre eux) ou « assez utile » (35 %) d’organiser une campagne d’information pour mieux expliquer le fonctionnement et les enjeux de leur intercommunalité.

Le sondage ne dit pas quelle est la part de ceux qui viendraient participer à une réunion d’information, ni même, d’ailleurs, quelle est la part de ceux qui envisagent de voter aux prochaines élections…

Entre "secondes" ou "deuxièmes" Assises, le secteur de la librairie veut y croire (04/06/2013)

Après Lyon en 2011, Bordeaux a accueilli les Rencontres nationales de la librairie, les 2 et 3 juin 2013. Plus de sept cents libraires ou professionnels du livre y ont participé... sur fond de "situation économique qui se dégrade" et d'"environnement en profonde mutation".

En langue française, on écrira la "Seconde Guerre mondiale", et non la "Deuxième"... car on espère bien qu'il n'y en aura pas une troisième !

Présentant les Rencontres nationales de Bordeaux, Livres Hebdo, magazine des acteurs du livre, mentionne la "seconde" édition de ces Rencontres nationales (page... 13) : une inquiétante prémonition ? Dans la même page, Matthieu de Montchalin, président du Syndicat national de la librairie, se veut résolument plus optimiste : il évoque – sans aucune équivoque – des "deuxièmes" Rencontres "tournées vers l'avenir". Donc, envers et contre tout, rendez-vous dans deux ans pour de "troisièmes Rencontres", et alors, plus aucune ambiguïté possible.

France Info, spécialiste des maisons de retraite :
un beau bâtiment, c'est plus important que la chaleur humaine ! (27/05/2013)

Le mercredi 22 mai 2013, France Info a révélé en exclusivité son classement 2013 des « maisons de retraite ». « Quelque 10 400 établissements, publics, privés et associatifs, visités et notés, peut-on lire sur le site Internet de France Info (1), sont passés au crible, le fruit d’une enquête de huit années. Que nous apprend ce classement ? Quels sont les départements les mieux notés ? Combien de maisons de retraite obtiennent 10/10 ? » Pour booster ses ventes, la presse écrite s’est lancée depuis plusieurs années dans des palmarès. Le résultat est souvent piteux, mais on peut comprendre l’enjeu commercial…

Par contre, qu’une radio publique d’information se lance dans une telle opération, voilà qui est déconcertant ! Au moins attendrait-on d’une radio publique qu’elle valide un travail irréprochable – c’est loin d’être le cas !

Parmi les protagonistes de l’opération, on trouve David Jacquet, coresponsable de l’enquête, et Patrick Lelong, journaliste au service économique de France Info. Tout est ici un méli-mélo entre une radio publique, une société d’édition (J.T.L. Éditions, Paris) et, à l’intérieur de celle-ci, un « service d’informations, de conseils et d’orientation vers une maison de retraite », « Maison De Retraite Sélection » (MDRS), dont on perçoit difficilement quel est le statut. Au final, une promotion exceptionnelle par France Info, un site Internet où l’on retrouve le classement des « maisons de retraite » et les fiches descriptives (www.maison-retraite-selection.fr/) et, enfin, un ouvrage que David Jacquet et Patrick Lelong publient aux éditions J.T.L. (dont le premier est apparemment le gérant) : Le Guide de la dépendance – Mieux vivre le 4ème Âge et le handicap. La quatrième édition est parue en avril 2012 : 600 pages, dont de pleines pages de publicité (29 euros).

Autant de moyens mobilisés pourrait donner à penser qu’on peut accorder du crédit à cette initiative. On pourrait même penser qu’il s’agit d’un vrai service rendu au public, mais aussi aux établissements eux-mêmes puisqu’on irait porter un regard distancié sur leurs prestations…

Une méthodologie douteuse

D’emblée, on peut regretter que les auteurs mélangent, sous le titre « maisons de retraite », des établissements aussi différents que peuvent l’être des unités de soins de longue durée (USLD), des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), des résidences services, des logements foyers ou même des maisons d’accueil rurales pour personnes âgées (Marpa)…

En réalité, la démarche n’est pas crédible. Elle est même déloyale vis-à-vis des équipes professionnelles. Pour décréter que tel établissement est « excellent » ou, au contraire, qu’il est « médiocre », « déconseillé », « à fermer »… les auteurs s’appuient sur une et une seule visite, d’ailleurs anonyme. « Notre but n’est pas de piéger les établissements, mais de ne pas bénéficier d’accueil privilégié, ni de susciter de crainte »… Soit !

Cela veut dire aucun contact avec les résidents, les familles, différents professionnels de l’établissement, les organismes de tutelle… Pas de rencontre avec le Conseil de la vie sociale (son existence même ne fait d’ailleurs pas partie des critères d’évaluation)… Aucune consultation de sources documentaires (projet d’établissement, enquêtes de satisfaction, rapports d’évaluation…). C’est vrai que cela prendrait du temps !

Une et une seule visite, et anonyme… et dont la date peut remonter à plusieurs années, comme si aucune évolution, dans un sens ou dans l’autre, ne pouvait intervenir !

Par exemple, tel établissement aujourd’hui flambant neuf, est présenté comme « un bâtiment très vieux » avec des chambres qui n’ont pas de douche et des lieux de vie qui « n’ont ni confort, ni charme »… Mais la date de la visite n’explique pas tout : tel autre établissement obtient un très moyen 5/10. Normal : « Les animations sont rares ». Pourtant, cet établissement est connu dans toute la France pour son association d’ « amis » qui comprend une soixantaine de bénévoles ! On pourrait multiplier les exemples…

Les critères favorisent le privé lucratif

Le barème de notation et d’évaluation, sur dix points, en accorde cinq à l’environnement de l’établissement et aux locaux mêmes. Concrètement, les enquêteurs sont manifestement plus sensibles au cadre qu’à la qualité de vie et de soins.

On comprend ainsi que le « palmarès » fait la part belle aux établissements privés à but lucratif qui ont pratiquement tous pour caractéristique, historiquement, d’être des constructions récentes. Les tarifs, c’est autre chose…

Tout de même surprenant qu’un Guide de la dépendance n’accorde qu’un seul point à l’ « attention du personnel » (disponibilité, dévouement, chaleur humaine) – évaluée de façon complètement subjective à l’occasion d’une seule visite qui ne permettra pas d’entrer dans l’intimité de la relation et du soin.

De fait, on attendrait un intérêt tout particulier aux pratiques de soins. Eh bien non ! Le seul indicateur qui s’en approche, c’est la « médicalisation ». Pour les auteurs (et donc France Info qui cautionne), un bon établissement, c’est un établissement qui emploie « kinésithérapeute, ergothérapeute, musicothérapeute, psychomotricien, diététicienne »… Et les compétences de chacun importent peu : on peut rudoyer les résidents, ce n’est pas une préoccupation essentielle des enquêteurs !

Au demeurant, les notes attribuées sont « pondérées par l’impression générale ». Cela fait penser aux sondages politiques ! Jusqu’à quelle hauteur l’impression générale peut-elle modifier la note attribuée ? Sans doute un secret maison.

« Nous ne venons pas du milieu médico-social », reconnaissent les auteurs. Pourrait-on leur conseiller d’élargir les compétences de leur équipe, ou bien d’acquérir eux-mêmes ces compétences, mais en tout cas de faire quelque chose ?

Sur le site Internet de MDRS, un chapitre sur la médicalisation est instructif. Le médecin coordonnateur devient « coordinateur ». Ses fonctions pourraient prêter à débat (« il suit les résidents, coordonne les soins, renouvelle les ordonnances »). Infirmiers et aides-soignants sont forcément des femmes. Et, surtout, on a toujours affaire à la « Ddass » - et non pas à l’Agence régionale de santé, ce qui est le cas tout de même depuis plusieurs années (2010) !

Ce prétendu classement 2013 des « maisons de retraite »  ressemble bien à une opération promotionnelle douteuse, favorable à une catégorie d’établissements. Volontairement ou non, l’indigence de l’analyse porte préjudice à d’autres établissements dont les prestations éventuellement de qualité n’ont pu qu’échapper à des enquêteurs très pressés. Peut-on penser que le crédit de France Info s’en trouve consolidé ?

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(1)http://www.franceinfo.fr/liste/maison-de-retraite (consulté le 23 mai 2013).

Service civique : rien ne sert de proposer, il faut raison garder... (21/05/2013)

Patrick Hetzel, député UMP du Bas-Rhin, et une quarantaine de députés (dont le Mayennais Yannick Favennec, UDI) ont déposé une proposition de loi visant à rendre obligatoire le service civique… lequel repose aujourd’hui sur l’engagement volontaire.

On peut difficilement faire des reproches aux députés d’envisager une telle ineptie : en effet, en 2007, plusieurs candidats à l’élection présidentielle s’étaient prononcés en faveur d’une disposition similaire.

Les députés justifient leur proposition en s’appuyant sur « un récent sondage TNS Sofres » selon lequel « 89 % des anciens volontaires se disent satisfaits de leur mission ». C’est oublier un peu vite que la très grande majorité, forcément, préfèreraient un emploi intéressant, à durée indéterminée et à temps plein ! Finalement, toute l’argumentation des députés repose sur ce seul sondage auprès d’anciens volontaires satisfaits de leur expérience : c’est un peu rapide.

Les députés n’ont pas fourni un gros effort d’analyse et sont tombés dans la facilité. En particulier, ils ont oublié un point essentiel : pour chaque jeune qui effectue une mission de service civique, il faut nécessairement une structure d’accueil (collectivités territoriales, associations…). Et aussi un tuteur chargé du suivi de la mission et de l’accompagnement du jeune.

Il est facile de décider que le service civique devient obligatoire ; plus difficile et même quasi impossible de trouver les structures d’accueil. Ou alors il convient de supprimer tous les stages obligatoires dans le cadre des formations scolaires, universitaires, professionnelles… Et de supprimer tous les contrats aidés dans le secteur non marchand… Dans les deux cas, ce n’est pas dans l’air du temps, c’est même plutôt l’inflation.

Quand Luc Ferry veut jouer dans la cour des grands penseurs… (13/05/2013)

Hannah Arendt, film de la réalisatrice allemande Margarethe Von Trotta, est sorti dans les salles, en France, fin avril 2013. Dans Le Figaro du 9 mai 2013, Luc Ferry consacre sa chronique à « Hannah Arendt et la banalisation du mal ». Du film, on saura seulement qu’il a remporté « un succès retentissant en Allemagne ». C’est à Hannah Arendt même que Luc Ferry choisit de s’attaquer.

Le film met en scène Hannah Arendt (1906-1975), philosophe ou, comme elle préférait se présenter, professeure de théorie politique. Plus précisément, le film se focalise sur la période du procès de l’ancien officier SS Adolf Eichmann. Ce procès se déroule à Jérusalem en 1961. Hannah Arendt le couvre comme envoyée spéciale pour un magazine américain. Elle y publie une série d’articles en 1963, puis un ouvrage : Eichmann à Jérusalem – Étude sur la banalité du mal. Ses écrits soulèvent une importante polémique.

À l’occasion de la sortie du film, Luc Ferry croit utile d’ajouter sa contribution à cette polémique. Selon lui, Hannah Arendt « a commis dans cette affaire deux erreurs monumentales ». La première est de « n’avoir suivi qu’une partie infime du procès, à rebours de ce qu’elle s’était engagée à faire ». Luc Ferry livre-t-il un nouveau scoop ? Il a obtenu cette « information » directement de l’historien Raul Hilberg (1926-2007), qui avait publié, en 1961, La Destruction des Juifs d’Europe. Selon les « confidences » de Raul Hilberg à Luc Ferry, Hannah Arendt n’aurait assisté qu’au tout début du procès – ce qui l’amène à défendre une thèse (la banalité du mal) que Luc Ferry juge « absurde ».

Au demeurant – sans entrer dans le débat de fond –, citons Michelle-Irène Brudny-de Launay qui évoque, dans sa présentation de Eichmann à Jérusalem publié chez Gallimard (coll. « Folio/Histoire », 2012), une erreur que commet Raul Hilberg, « semble-t-il », sur la date à laquelle Hannah Arendt quitte Jérusalem au cours du procès. Michelle-Irène Brudny-de Launay s’appuie sur la correspondance entre Hannah Arendt et Karl Jaspers. Pour accréditer sa critique, Luc Ferry se contente du seul témoignage de Raul Hilberg, lequel prête forcément à caution du fait des relations entre l’historien et la philosophe.

Quoi qu’il en soit, un départ rapide de Jérusalem, au procès d’Adolf Eichmann, pourrait-il suffire à balayer d’un coup de plume toute la pensée d’Hannah Arendt, qu’elle met d'ailleurs plus d’une année à mûrir (elle ne publie qu’en 1963) ?

Mais, selon Luc Ferry, Hannah Arendt est censée avoir commis une seconde erreur. Sa principale « bévue » serait que « son interprétation est toute bouclée d’avance. Elle a décidé depuis belle lurette (…) de plaquer mécaniquement les schémas de pensée de son maître et amant Heiddeger sur l’essence du nazisme ».

Penser est le propre de l’Homme (en principe)

Traduction des accusations de Luc Ferry : Hannah Arendt est une femme, incapable de penser de façon autonome ; elle est toujours sous la coupe de son (ancien) amant, alors âgé de 72 ans en 1961. Pourtant, elle vit aux Etats-Unis ; lui en Allemagne. « Quant à la position de Hannah Arendt par rapport à l’engagement de Heiddeger face au nazisme, écrit la philosophe belge Françoise Collin dans Les Cahiers du GRIF en 1988, (…) elle témoigne au contraire d’une grande fermeté et d’un grand courage de ses opinions lorsque (…) elle dénonce l’aveuglément de celui-ci »

Mais Luc Ferry en a décidé autrement : la thèse d’Hannah Arendt sur la banalité du mal, « pour apparemment sophistiquée qu’elle soit, ne tient pas la route ». Tout n’est qu’une « colossale méprise d’une intellectuelle piégée par des abstractions ».

Nous retiendrons deux choses : lire (ou relire) Eichmann à Jérusalem ; aller voir (ou revoir) au cinéma Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta. Pour les plus zélés, il est possible de lire La Destruction des Juifs d’Europe (Gallimard, coll. « Folio/Histoire », 2006, 3 vol.). Hannah Arendt mentionnait cet ouvrage dans sa bibliographie de Eichmann à Jérusalem ! On peut aussi s’intéresser aux chercheurs en psychologie sociale, contemporains d’Hannah Arendt et qui apportent un éclairage complémentaire : Stanley Milgram (1933-1984) et sa « soumission à l’autorité » (expérimentation réalisée de 1960 à 1963), ou encore Philip Zimbardo (né en 1933) et son « expérience de Stanford » (1971) ; sans oublier la mésaventure du professeur Ron Jones (né en 1941) et sa « Troisième Vague » de 1967…

L'Igas et Le Figaro "fusillent" l'Institut Pasteur (06/05/2013)

Le vendredi 3 mai 2013, Le Figaro publie ce que l’on appelle un « scoop » : « Un rapport met en cause la gestion de l’Institut Pasteur. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dénonce des artifices comptables. La directrice générale conteste ces conclusions ». L’information est reprise en boucle par les radios et télévisions d’information, également sur des sites Internet d’information.

Auditeurs, téléspectateurs ou lecteurs, tous retiennent, dans un contexte sans fin d’« affaires », que l’Institut Pasteur va allonger la liste, en l’occurrence que l’argent des donateurs n’est pas utilisé comme il devrait l’être, pire qu’il doit y avoir non seulement des problèmes de gouvernance, de gestion, mais aussi des problèmes de détournement de fonds à l’Institut Pasteur. Bref, il ne manque que les détails sur les poursuites judiciaires, mais qui ne vont sûrement pas manquer de suivre…

On oublie la toute première question que tout citoyen devrait se poser : comment Le Figaro a-t-il pu disposer de l’information, apparemment en exclusivité, avant même que l’Igas ne rende public son rapport ? La « fuite » vient-elle de l’Igas, ou bien alors de l’Institut Pasteur ?

Les journalistes, d’une façon générale, n’aiment pas « se faire griller ». Dans son édition des 4 et 5 mai 2013, Ouest-France consacre seulement une soixantaine de lignes, sur deux colonnes, à l’« affaire » (« La gestion de l’Institut Pasteur critiquée »). Libération, seulement un écho d’une dizaine de lignes. Aujourd’hui en France ou La Croix ignorent le rapport de l’Igas. Le Monde, dans son édition des 5 et 6 mai, revient tardivement sur le dossier (« La gestion financière de l’Institut Pasteur étrillée par un rapport de l’Igas »). Environ quatre-vingt-dix lignes à l’« accusation » pour quinze lignes accordées à l’Institut Pasteur : Le Monde a choisi son camp.

Trois tomes et plus de 400 pages

Pour comprendre ce dossier, il faut savoir que l’Igas a fait scrupuleusement son travail : elle est intervenue « au titre de l’article 42 de la loi du 28 mai 1996 pour contrôler la gestion par l’Institut Pasteur des ressources collectées auprès du public et des subventions reçues par la fondation » (synthèse du rapport). Le contrôle a porté sur les exercices 2009, 2010 et 2011. Au final, un rapport en trois tomes, respectivement de 111 pages (rapport définitif), 176 pages (annexes) et de 123 pages (réponses de l’Institut Pasteur et observations de l’Igas). Bref, un peu plus de 400 pages, dans lesquelles sont noyées les réponses de l’Institut Pasteur.

Nous avons vu que l’article du Figaro a eu un effet dévastateur – même s’il est très bien construit car contradictoire (la directrice générale de l’Institut Pasteur étant elle-même interviewée).

Le problème est suffisamment grave pour que l’Institut Pasteur mette en ligne une réponse sur son site Internet. Le titre et les intertitres se veulent des réactions au contenu du rapport de l’Igas : « L’Institut Pasteur conteste vivement le rapport de l’Igas »… Il « est transparent dans l’appel à la générosité publique »… Il « a une gestion prudente lui garantissant la pérennité nécessaire à l’accomplissement de ses missions de recherche »… « Les statuts de l’Institut Pasteur ont été approuvés par arrêt du ministre de l’Intérieur du 21 novembre 2008 sur avis favorable du Conseil d’État »…

Deux ministres manifestement embarrassées…

L’Igas est un service interministériel… ce qui ne constitue aucunement une garantie contre l’excès de zèle ! Toujours est-il que ce même 3 mai 2013, le ministère des Affaires sociales et de la Santé et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche diffusent un communiqué de presse commun, non pas pour critiquer les méthodes de leur Inspection générale (tout de même pas !), mais pour minimiser les enjeux consécutifs à ses « découvertes ». On apprend tout d’abord que c’est la ministre des Affaires sociales et de la Santé qui a demandé la mise en ligne immédiate, dès le 3 mai, du rapport complet sur le site de l’Igas.

Les deux ministres rappellent que les conclusions de l’Igas ne portent pas sur l’activité scientifique de l’Institut Pasteur, mais plutôt sur l’interprétation et l’application par celui-ci des règles comptables et fiscales applicables aux fondations, ainsi que sur la traçabilité des dons, sur les statuts et la gouvernance qui « s’éloignent sur certains points des dispositions-types recommandées pour les fondations reconnues d’utilité publique ». Mais si elles sont « recommandées », c’est qu’elles ne sont pas obligatoires ?

Sans entrer dans le détail du communiqué de presse des deux ministres, retenons la conclusion : « Elles tiennent à exprimer leur confiance dans l’excellence de la recherche menée par l’Institut et ses missions dans le monde par le biais du réseau international des instituts Pasteur, ainsi que dans la capacité de la gouvernance à assurer la qualité de ses relations avec les donateurs et avec ses partenaires scientifiques ».

Si les problèmes étaient si graves que cela à l’Institut Pasteur, les deux ministres prendraient-elles le risque de le soutenir ? Fallait-il vraiment un rapport de 400 pages pour en arriver-là ? Le Figaro et les autres médias qui se sont précipités sur l’« affaire » pourront-ils jamais réparer le tort commis auprès de l’Institut Pasteur ?

Les "si" de CSA pour repositionner Nicolas Sarkozy (02/05/2013)

Voilà le sondage le plus stupide de l’année : un sondage CSA pour BFMTV intitulé : « Les Français et François Hollande ». Techniquement, il s’agit d’un sondage par Internet réalisé du 26 au 28 avril 2013 auprès d’un échantillon national représentatif de 1 027 personnes âgées de 18 ans ou plus, constitué selon la méthode des quotas.

Le fait même que ce sondage a été réalisé par CSA et qu’il concerne François Hollande prête à suspicion. L’institut CSA, c’est le groupe Bolloré (à 100 %), donc Vincent Bolloré, le même qui, en 2007, met son jet privé et son yacht personnel à la disposition de Nicolas Sarkozy tout juste élu président de la République.

Nous considérons ce sondage stupide car la première question prend pour hypothèse que le premier tour de l’élection présidentielle a lieu « dimanche prochain » et les personnes interrogées ont alors le choix entre les dix candidats du premier tour du 22 avril 2012.

C’est stupide car en avril 2013, on ne peut pas refaire l’histoire. François Hollande est bien le président de la République, démocratiquement élu, et ce jusqu’en 2017. Bien évidemment, les résultats du sondage CSA sont défavorables à François Hollande (19 % des voix, derrière Nicolas Sarkozy avec 34 % et Marine Le Pen avec 23 %). Mais quels auraient été les scores si Nicolas Sarkozy était resté un an de plus à l’Elysée ? Les scores seraient-ils aujourd’hui très différents de ceux du 22 avril 2012 (François Hollande 29 % ; Nicolas Sarkozy 27 % ; Marine Le Pen 18 %) ?

Notons que si l’échantillon comprenait 1 027 personnes, l’institut CSA n’a retenu, pour les intentions de vote, que les électeurs inscrits sur les listes électorales, soit 993 personnes. On sait, par ailleurs, que 16 % n’ont pas exprimé d’intention de vote. Autrement dit, le sondage porte sur un échantillon de seulement 834 personnes. L’institut CSA reconnaît une marge d’erreur de +/- 2,5 points, ce qui laisse ainsi une incertitude sur le candidat (Marine Le Pen ou François Hollande) qui serait au second tour avec Nicolas Sarkozy… De fait, quand on annonce 23 % pour Marine Le Pen, ce peut être tout aussi bien 20,5 %, et quand on annonce 19 % pour François Hollande, ce peut être tout aussi bien 21,5 % !

L’institut CSA sonde son échantillon sur un hypothétique duel, au second tour, entre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen d’une part, François Hollande d’autre part, mais ne juge pas utile d’explorer une confrontation entre François Hollande et Marine Le Pen, et pourtant, l’hypothèse aurait été tout aussi plausible si Nicolas Sarkozy avait vu son mandat prolongé d’une année…

Astillé et Courbeveille dans Laval Agglomération ? Un dossier mal engagé à Ouest-France (29/04/2013)

On ne parle pas tous les jours d’Astillé dans Ouest-France. Est-ce pour cela que le quotidien, dans son édition du 25 avril 2013, publie, sous « Astillé », un article sur quatre colonnes signé par un journaliste (« Laval agglo : Astillé et Courbeveille au point mort ») ? Pour quelles raisons publier cet article sous « Astillé », alors qu’il concerne les vingt communes de Laval Agglomération et les quarante-trois communes du Sud-Ouest Mayennais ?

À la lecture de cet article, on reste sur sa faim. Tout d’abord, le « silence » de Jean-Christophe Boyer surprend. « Le président de Laval Agglomération (…) n’a pas donné suite à nos sollicitations » : c’est ainsi que l’auteur de l’article, Mikaël Pichard, conclut son article. Auparavant, il écrit que Jean-Christophe Boyer se serait refusé d’inscrire la question de l’intégration d’Astillé et Courbeveille à l’ordre du jour du conseil communautaire : « se serait refusé », ou « s’est refusé » ? Le lecteur préfèrerait des faits avérés à des faits hypothétiques… Par ailleurs, il y a cette « étude menée en bonne et due forme, avec les deniers publics, par un cabinet spécialisé ». Or, écrit Ouest-France, « les élus ne savent pas ce qu’il est advenu de cette étude »… Ou ne veulent pas savoir, tout comme la presse locale qui n’a manifestement plus le temps de se livrer à du journalisme d’investigation. Car, enfin, si cette étude existe, on doit pouvoir savoir qui l’a réalisée, à quel coût, et on doit pouvoir la consulter…

Coucou ! V’là le MoDem 53…

Dans Ouest-France des 27 et 28 avril 2013, l’affaire prend des tournures inattendues. Toujours sous « Astillé » ( !), sur trois colonnes cette fois-ci, le quotidien publie la réaction de Jean-Pierre Fouquet, président du MoDem 53. Qu’est-ce qui a poussé Ouest-France a donné une telle place au président du MoDem 53, lequel n’apporte aucune information nouvelle, mais, par contre, se positionne avec des propos quasi diffamatoires, et donc également la publication qui relate ses propos. En effet, Jean-Pierre Fouquet (et donc Ouest-France) évoque un « abus de pouvoir du président de Laval Agglo » (certes, avec un point d’interrogation) et un « comportement autocratique du maire de Laval ». Jean-Pierre Fouquet conseille à Jean-Christophe Boyer de « faire preuve de diplomatie, de loyauté et de respect des autres ». Il termine en considérant que « Guillaume Garot a commis une sacrée erreur de casting ».

Pendant ce temps-là, comme nous l’apprend le Haut Anjou dans son édition du 26 avril 2013, le projet de fusion des trois communautés de communes dans le Sud-Ouest Mayennais est en train de s’enliser…

Le débat n’est pas occulté à Laval Agglomération

Lors du conseil communautaire du 12 novembre 2012 (Ouest-France y a-t-il assisté ?), François Zocchetto a évoqué le souhait des communes d’Astillé et Courbeveille de rejoindre Laval Agglomération. Jean-Christophe Boyer avait apporté une réponse très claire qui n’avait appelé aucun commentaire. En l’occurrence, un arrêté préfectoral du 9 décembre 2011 établit un Schéma départemental de coopération intercommunale et cette demande de rattachement des deux communes n’y est pas, alors, retenue. Jean-Christophe Boyer précise que la demande des deux communes n’était effective qu’en cas de création d’une seule communauté de communes dans le Sud-Ouest Mayennais. « Pour l’instant, avait précisé le président de Laval Agglomération, cette fusion n’est pas actée. Il n’y a pas encore lieu de débattre officiellement de ces demandes puisque l’étape n° 1 qui était la condition de la demande de rattachement à Laval Agglomération n’est pas terminée. Ensuite, il y aura expression ou pas d’un vœu, confirmé ou pas, de ces communes de nous rejoindre et dans ces cas-là, nous reviendrons vers le conseil communautaire. Pour l’instant, nous laissons le processus enclenché par la préfète et par l’État aller à son terme »

Le conseil communautaire avait eu à se prononcer sur le projet de schéma lors de sa réunion du 20 juin 2011. Yannick Borde avait évoqué la question d’Astillé et de Courbeveille, mais cette perspective ne figurait pas dans le texte sur lequel les élus devaient se prononcer. À l’époque, la question posée était plus celle d’une « perspective » de fusion, à terme, avec la communauté de communes du Pays de Loiron. Ce 20 juin 2011, les conseillers communautaires de Laval Agglomération ont voté le projet de schéma à l’unanimité, avec quelques réserves mais qui n’avaient strictement rien à voir avec Astillé et Courbeveille. Dans tous les cas, le schéma actuel ne prévoit aucun élargissement de Laval Agglomération, et cela correspond à la délibération prise par le conseil communautaire.

Les années passent… Les archives restent… Toutes ces informations, on les trouve sur le site Internet de Laval Agglomération.

Pendant trois ans et demi (1996-1999), le taux de chômage en France a dépassé les 10,6 % (29/04/2013)

« Un nombre record de chômeurs en France » (Ouest-France) ; « Sinistre record » (Libération) ; La France n’a jamais compté autant de chômeurs » (Le Figaro) ; « L’Europe submergée par la déferlante du chômage (Les Échos)… La presse quotidienne du 26 avril 2013 tape fort à la une. La Croix, tout de même, préfère accrocher ses lecteurs avec des chômeurs qui se font entrepreneurs en Espagne. Quant à Aujourd’hui en France, avec les plans sociaux et le chômage record, il se met « dans la tête d’un DRH ».

Le chômage est humainement dramatique quand il est subi. Il reste maintenant à analyser lucidement les données statistiques disponibles. Nous disposons de deux sources : l’Insee avec l’enquête Emploi (chômage au sens du Bureau international du travail) et Pôle emploi (demandeurs d’emploi répartis en cinq catégories). Ceux qui ne seraient pas familiarisés à ces données peuvent consulter notre article : « Il y a 2,8 millions de chômeurs en France… Non ! 4,3 millions de demandeurs d’emploi », La Lettre du CÉAS n° 287 de novembre 2012.

Si l’on opte pour l’enquête Emploi de l’Insee, les dernières données disponibles sont celles au quatrième trimestre 2012. Le taux de chômage s’établit alors à 10,6 % de la population active en France (y compris DOM).

Avec la source Pôle emploi et ses demandeurs d’emploi, le précédent record remonterait à 1997. Avec l’enquête Emploi de l’Insee, la France a connu un taux supérieur à 10,6 % du premier trimestre 1996 au deuxième trimestre 1999. Le taux a même atteint 11,2 % en 1997. Nous sommes alors sous le gouvernement Alain Juppé (1996-1997), auquel succède Lionel Jospin en 1997.

En 1997, la France comptait environ 25,5 millions d’actifs âgés de 15 à 64 ans, dont, par conséquent, près de 2,9 millions de chômeurs. Ils dépasseront sûrement les 3 millions en 2012 (les données ne sont pas encore disponibles), mais la population active, dans le même temps, aura augmenté probablement de 3,5 millions d’actifs, occupés ou chômeurs, ce qui relativise forcément la progression actuelle du chômage. La Croix l’a très bien compris : « La situation de 1997 était toutefois plus dégradée en termes relatifs, puisque la population en âge de travailler était moins nombreuse »Libération développe la même analyse. Le Figaro semble ne pas juger nécessaire de revenir sur ces questions historiques.

Le Courrier de la Mayenne dévoile son patrimoine (23/04/2013)

« Aujourd’hui, lit-on dans Wikipédia à l’article sur “Le Courrier de la Mayenne” (22 avril 2013), on ne peut plus vraiment situer politiquement Le Courrier de la Mayenne ». Voilà qui montre les limites d’une encyclopédie participative telle que Wikipédia.

L’édition de l’hebdomadaire du 18 avril 2013 rappelle la tradition éditorialiste du Courrier de la Mayenne. La page 2 est réservée à de l’information nationale et internationale – a priori un peu boudée par le lectorat qui s’intéresse plus à l’actualité locale.

Dans cette édition du 18 avril 2013, Loïk de Guébriant, président directeur général d’Édit-Ouest et directeur de la publication, signe un article en page 2, intitulé « Vous avez dit violence ? » L’encadré en rouge – privilège du patron – fait qu’on ne peut pas rater l’article. Plus surprenant, voilà Loïk de Guébriant qui se sent à l’étroit dans sa page 2 et il signe un second article, toujours encadré de rouge, en page 3 : « “Sauvageons” ».

Que retenir ? Concernant les manifestations contre le mariage pour tous, « pas une vitre cassée, pas une voiture brûlée, pas un gendarme ou un policier agressé »« Où est la violence, s’interroge Loïk de Guébriant, si ce n’est dans cette loi (…) pour le bon plaisir de quelques-uns ? »

Le directeur de la publication, pour faire le lien avec son second article, néglige de souligner combien ces manifestations ont rendu service à la société en révélant au grand public l’existence en France de groupes d’extrême droite, de groupes identitaires…

Page 3, c’est Christiane Taubira, arrivée au ministère de la Justice en mai 2012, qui devient responsable de tous ces jeunes mineurs « qui sèment le trouble dans le centre-ville de Laval ». La garde des sceaux « renoue avec le discours anti-répressif (…). C’est une faute qui a coûté cher à Lionel Jospin en 2002 ! » C’est curieux, d’habitude, on met en avant la multiplicité des candidatures à gauche (dont celle de… Christiane Taubira !). Les analystes politiques évoquent aussi le matraquage médiatique sur l’insécurité et la délinquance orchestré durant les mois qui ont précédé l’élection. Loïk de Guébriant prépare-t-il déjà 2017 ?

L'art de fâcher son patron et de discréditer son outil de travail (23/04/2013)

Le Monde, dans son édition du 11 avril 2013, a offert à ses lecteurs une « plaisanterie » qui le discrédite. On attend d’un quotidien un minimum de distance par rapport aux faits de société. La fonction d’un journal comme Le Monde est d’informer ses lecteurs dans la plus stricte neutralité, de leur donner des clés de lecture pour les aider à mieux comprendre leur environnement – pas de servir telle ou telle idéologie.

Dès lors, comment Le Monde a-t-il bien pu publier une pleine page de « publicité » pour « La Manif Pour Tous » ? Cette page est censée s’adresser aux sénateurs, mais personne ne sera dupe : on ne finance pas une pleine page de « publicité » pour seulement 348 parlementaires.

« La majorité des Français est opposée à l’adoption pour tous, assure Le Monde (enfin, la page de « publicité » !), à la PMA (procréation médicalement assistée) et à la GPA (gestation pour autrui, ou mère porteuse) pour tous ». Et puis on lit ce que les Français auraient compris et ce qu’ils sauraient… Mais, bien entendu, aucune source n’est communiquée.

Faut-il que la situation économique du Monde soit critique pour accepter l’argent de « La Manif Pour Tous » ? Mais n’y aurait-il pas, à travers la publication de cette page, un acte protestataire, un règlement de comptes qui viserait l’un des actionnaires, Pierre Bergé, militant notoire de la cause homosexuelle ? Le coup serait bas, mais pourrait coûter cher à ceux qui, à la rédaction, ont laissé passer cette provocation. On se doute que Pierre Bergé n’a pas dû apprécier.

Association familiale d’aide à domicile (Afad) : ce n’est pas ma faute, c’est la leur ! (22/04/2013)

Ouest-France, dans son édition du 16 avril 2013, annonce la liquidation judiciaire de l’Association familiale d’aide à domicile (Afad) prononcée par le Tribunal de grande instance de Laval. Soulignons, au passage, la « brutalité » du titre de l’article : « Aide à domicile : l’Afad 53 va être liquidée ».

L’auteur de l’article, Jean-Loïc Guérin, prend un risque en interviewant uniquement Christian Thirault, le président de l’association, pour expliquer le processus qui a conduit à ce que Ouest-France appelle une « dégringolade ».

Pour le président, c’est d’abord la faute à une directrice qui « a traversé une période difficile » et qui « ne pouvait plus diriger l’association »… Que cette ancienne directrice en pense-t-elle elle-même ? Mais c’est aussi la faute au Conseil général qui n’a pas suffisamment reconnu le tarif horaire des activités… Qu’en pensent Jean Arthuis et ses services ?

On pourrait aussi accuser la politique gouvernementale mise en œuvre depuis une dizaine d’années sous l’impulsion du ministre Jean-Louis Borloo et qui a abouti à une totale dérégulation du secteur d’activité.

Au demeurant, dans un département où les services à la personne ont toujours fait l’objet d’une observation fine – du moins jusqu’à ces dernières années –, les difficultés aujourd’hui de l’Afad ne peuvent guère surprendre.

L’intervention du pompier est souvent tardive. L’incendie couvait depuis très longtemps. Mais qui administre une association, sinon son Conseil d’administration ? Manifestement, à l’Afad, il n’a pas rempli sa fonction. Administrateurs, et président en tout premier lieu, doivent assumer leur part de responsabilités, sans d’abord renvoyer la faute à d’autres. C’est oublier un peu vite, sinon, que l’association n’a pas su mettre en œuvre les préconisations d’un consultant extérieur pour la relance de l’activité ; qu’elle n’a pas su créer le cadre adéquat à un réel rapprochement que ce soit avec Aid’ à dom ou bien avec l’ADMR.

La démagogie "sondagière" ! (09/04/2013)

Les 4 et 5 avril 2013, l’Ifop a réalisé un sondage par téléphone pour Le Journal du Dimanche. L’hebdomadaire publie les résultats dans son édition du 7 avril 2013. À la question : « Après l’affaire Cahuzac, seriez-vous favorable ou pas favorable à un remaniement prochain du gouvernement ? », on retient que 60 % des Français y sont favorables. Une grande partie des médias reprend cette « information » qui va donc s’imposer comme une nécessité pour les citoyens.

Premier enseignement : au regard des chiffres publiés (60 % favorables et 40 % pas favorables) et à défaut d’autres informations, on conclut que toutes les personnes appelées au téléphone se sont exprimées. Toutes ont eu un avis sur la question ! Pas un seul refus ?

Deuxième enseignement : les instituts de sondage ont du savoir-faire. Ils produisent les résultats qu’attend celui qui passe commande et paie la facture. Le Journal du Dimanche, pour ceux qui l’ignoreraient, est édité par Hachette Filipacchi, filiale de Lagardère Active… Arnaud Lagardère, vous connaissez ?

Démarrer une question par : « Après l’affaire Cahuzac », c’est évidemment la garantie de plomber les chiffres dans le sens d’un remaniement. L’honnêteté aurait voulu qu’on pose, par exemple, la question suivante : « Le Premier ministre aurait la possibilité de procéder maintenant à un remaniement ministériel. Vous y êtes : tout à fait favorable ; plutôt favorable ; plutôt pas favorable ; pas du tout favorable ; sans opinion ? » Et bien sûr, au téléphone, avec une intonation de voix la plus neutre possible, sans insister sur telle ou telle proposition. Qu’en a-t-il été dans le cas du sondage de l’Ifop ?

Par ailleurs, la question même du sondage de l’Ifop induit la réponse (« remaniement prochain du gouvernement »). Il aurait donc été plus rigoureux d’effectuer une approche globale. Par exemple : « Suite à l’affaire Cahuzac, quelle mesure à prendre vous apparaît la plus nécessaire ? » :
Ο Une loi pour obliger les personnalités politiques à déclarer leur patrimoine.
Ο Un remaniement ministériel (en conservant le même Premier ministre).
Ο La démission de Premier ministre et la constitution d’un nouveau gouvernement.
Ο Une dissolution de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections législatives.

Ο Sans opinion.

Faisons le pari ! Plus de 80 % des Français auraient retenu le vote d’une loi de moralisation de la vie politique, non seulement parce que l’item est placé en premier et qu’en règle générale on n’aime pas trop le changement, mais parce que la conception du questionnaire et l’élaboration de la question amèneraient tout naturellement à une toute autre conclusion. Mais on en aurait moins parlé ! Et moins parlé du Journal du Dimanche qui a forcément le souci du retour sur investissement.

La violence n'est pas qu'une affaire de barres et de battes (08/04/2013)

Dans Dimanche Ouest-France du 7 avril 2013, Mikaël Pichard signe un article en page « Faits divers » évoquant les « vives tensions à la fête foraine de Laval ». Battes de base-ball contre barres de fer... Ce sont les forains qui ont eu le dernier mot, relate Mikaël Pichard, contre « une trentaine de jeunes gens, sans doute du quartier sensible des Pommeraies ».

Tout cela s’est déroulé « en début de soirée ». Le journaliste a-t-il dû rédiger rapidement son « papier » ? Le « sans doute », de fait, est malheureux. Ou l’information est avérée et, dans ce cas, le « sans doute » est inutile ; ou elle n’est pas vérifiée et on pourrait peut-être éviter d’alimenter la rumeur…

Le qualificatif « sensible » attribué au quartier des Pommeraies nous apparaît tout aussi malheureux. Que faut-il entendre par « quartier sensible » ? On suppose que le qualificatif est stigmatisant pour le quartier. Ses habitants le méritent-ils ?